La
contemplation de la fausse feuille de paye, celle que tout le
monde a dans les mains, fait croire que pour un salaire de 100
000 AF le travailleur paye en charges diverses 8,58 % et au titre
maladie 3,50 %, au titre retraite 3 + 2 = 5 %, soit 8,50 pour
les deux, ce qui lui laisse un salaire effectif de 91 420 AF pour
100 000 AF de salaire da base.
II
se dit 1 ou 2 % sur ces 8,50, ceci ne va pas loin. Le niveau économique
réel d'un salaire de base de 100 000 AF est de 140 470
AF, ce qui veut dire que pour quelqu'un qui gagne effectivement
91 420 AF il y a 49050 AF de charges, soit 28,7 % du salaire
de base en charges maladie et vieillesse.
C'était
la situation en 1965.
Avec
le vieillissement de !a population non corrigé par /e Pouvoir
politique et intégralement négligé par lui
et aussi bien parla droite que parla gauche, avec la retraite
à 60 ans admise en fait par les deux groupes, les charges
médico-pharmaceutiques (M. P.) sont doublées et
les cotisations retraites (R) (avec une amélioration des
retraites de 50 % sur laquelle la droite et la gauche sont
d'accord) sont triplées (elles sont seulement doublées
sans cette majoration de 50 %).
La
part M.P., mentionnée sur la feuille de paye passe de 3,50
à 7 %.
La
part R, mentionnée sur la feuille de paye passe de 5 à
15 %.
C'est-à-dire
que sur les 100 000 AF, le salarié ne touchera plus que
91 420 - 3 500 - 10 000 = 77 920 AF.
Tout
le monde est d'accord pour l'amélioration des retraites
de 50 % (et même plus) c'est donc ce chiffre qu'il
faut retenir.
La
part M.P, payée par l'employeur passe de 12,45 à
24,90 %.
La
part R payée par l'employeur passe de 7,75 à 23,25
%.
Autrement
dit, pour un salaire effectivement perçu de 77 920 F le
poste de travail du salarié va payer au seul titre M.P.
+ R. : 7+ 24,90 + 15 + 23,25 = 70,15 % et pour l'ensemble des
charges sociales 88,70 %.
Pour
un salaire réel (charges déduites) de 77 920 F,
correspondant à ce salaire de base de 100 000 AF, les charges
sont de 88 700 F.
Pour
rétablir le salaire effectivement perçu, sans aucun
progrès, à francs constants, à 91 420 F,
le poste de travail doit payer non pas 88 700 F mais 88 700 x
91 420 : 77 920 = 104 070 F. Il doit donc passer de 91 420 à
91 420 + 104 070 = 195 490 F.
Autrement
dit, pour que le salarié garde son salaire sans aucune
amélioration il faut que le poste de travail passe de 140
470 F à 195 490 F.
Le
progrès énorme que représente cette augmentation
de la valeur du poste de travail est donc absorbé entièrement
par le vieillissement de la population l'abaissement de la retraite
à 60 ans et l'amélioration de 50 % de la valeur
des retraites.
Le
salarié ne peut percevoir un progrès individuel
que si le progrès du poste de travail va au-delà
du progrès énorme ainsi absorbé (vieillissement
non traité de la population, retraite à 60 ans,
amélioration de 50 % des retraites).
II
est déjà anormal économiquement qu'à
cause du vieillissement non traité, les charges sociales
soient supérieures au montant des salaires perçus
(les impôts sont en plus et sont payés sur les salaires
perçus qu'ils soient directs ou indirects).
Il
ne s'agit pas d'une petite affaire.
Puisqu'un
progrès économique de prés de 40 % est entièrement
absorbé par le vieillissement sans aucun progrès
pour les adultes payeurs, et cela dans les cinq ans à venir,
il ne s'agit pas d'une vague perturbation de 2 ou 3 % et des grèves
importantes ont été déclenchées pour
beaucoup pour infiniment moins que cela.
Ce
qui est plus grave, c'est que ce progrès économique
énorme sans aucun bénéfice pour les adultes
payeurs ne peut être réalisé que par des investissements
énormes qui seraient prélevés par des impôts
sur les salaires réels et sur l'épargne (4). Ce
n'est donc qu'une très petite part du poste de travail
qui peut assurer le financement de ces investissements.
Tous
ces chiffres sont valables, pour toute la partie plafonnée
des cotisations.
Il
n'y a que pour la partie au-dessus du plafonnement que les pourcentages
sont un peu moins élevés.
Carence
totale du corps politique.
Autrement
dit, du fait de la carence totale du corps politique, les charges
qui vont être payées par le poste de travail au titre
du vieillissement data population vont équivaloir presque
au montant des salaires payés, la totalité des charges
étant supérieure à ces salaires (5), alors
qu'elles n'en représentaient en 1965 qu'environ la moitié.
Cette
affaire n'est pas seulement une affaire d'intérêt
national.
Comme
on vient de le voir, ce n'est donc pas ,seulement l'avenir économique
du pays, son niveau industriel, commercial, technologique et scientifique,
mais l'intérêt très concret de chacun qui
est en cause.
Si
l'on se décidait à traiter le vieillissement et
à revenir à la structure de population de 1965 chacun
pourrait bénéficier en assez grande partie d'ici
1978-1980 du progrès de 40 % environ dont il a été
question plus haut.
Sans
correction du vieillissement démographique, c'est tout
à fait impossible et il est possible que ce progrès
de 40 % d'ici 1978 ne soit pas atteint, ce qui entraînerait
non pas le statu quo du niveau individuel mais une baisse absolue
de ce niveau, toutes choses égales par ailleurs.
Tous
ces calculs ont été faits en tenant compte des promesses
de la droite (6) et de la gauche : retraite à 60 ans et
amélioration des retraites de 50 % sur 1965 à francs
constants.
Si
on laisse s'aggraver plus rapidement le vieillissement actuel.
II
va de soi que tout ce qui est dit là se trouverait sous-estimé.
D'ores
et déjà, du fait du sous-emploi (chômage)
et de la diminution de l'immigration, le rapport partie âgée
/ partie adulte active est plus élevé que prévu
à l'heure actuelle, et, du fait de la nouvelle dénatalité
de 1965, ce rapport sera beaucoup plus élevé que
prévu à partir de 1985.
Et
si l'avortement devenu en fait entièrement libre en 1974
par la volonté du gouvernement le reste, avec une nouvelle
chute de natalité importante dès 1974-1975, on assistera
à une nouvelle et très importante aggravation vers
1994, c'est-à-dire avant la fin du siècle.
Tout
ce qui a été dit l'a été en supposant
que les choses continuent à s'aggraver comme elles le font
depuis 1965, sans correction mais aussi sans nouvelle accentuation
de l'aggravation.
Conclusion
Cette
affaire est pour nous, Français, la très grande
affaire de cette fin du XXe siècle.
Nous
la traitons et nous survivons et tous les espoirs nous sont permis
en fonction de notre valeur propre.
Nous
ne la traitons pas et nous tombons dans le sous-développement.
Les vieillards français dépendront pour survivre
du bon vouloir de l'immigration étrangère quine
pourra plus être européenne, l'Europe entière
souffrant de la même maladie que la France (c'est-à-dire
en pratique du bon vouloir du tiers monde et des arabes pour l'essentiel).
Ce
problème est important. Et il nous inquiète triplement,
pourrait-on dire. D'abord, parce que non résolu il sonne
le glas de notre civilisation, sinon sur le plan de la littérature
- et encore - du moins sur le plan économique, industriel,
commercial et scientifique.
(1)
Date à partir de laquelle les générations
amputées par le malthusianisme entrent dans la 3ème
période de la vie, atteignant 65 ans.
(2) Un 4ème cycle malthusien a commencé brusquement
en. 1974 par un effondrement brusque de la natalité s'ajoutant
à la chute inaugurée en 1965.
(3) Nouvelle accentuation ou vieillissement à partir de
1974.
*
C'est-à-dire non démographes.
(4) Les investissements publics sont financés
par l'impôt. Les investissements privés par l'épargne
des personnes ou des groupes privés.
(5) Pour les salaires allant du minimum au taux de plafonnement
des cotisations, soit ta très grande majorité.
(6) La droite va en effet s'efforcer de battre la gauche sur le
plan de la démagogie. Ceci était évident
dans la campagne présidentielle.
E.
Tremblay
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, mars 1975
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