La
lecture de ce tableau montre que le total des avortements est
passé de 17 400 à 119 500 en Bulgarie, de 36 000
à 220 000 en Hongrie, de 129 000 à 1 115 000
(1 115 000) en Roumanie, de 30 600 à 115 800
en Tchécoslovaquie. Bref, dans ces différents pays, où la libéralisation
de l'avortement est intervenue entre 1956 et 1958, le nombre des
avortements a été fortement accru et multiplié par un coefficient
allant de 4 à 8,5. C'est un premier point capital.
Mais
ce tableau a un autre intérêt tout aussi essentiel : dans
la colonne "autres avortements" figurent des avortements spontanés
et des avortements clandestins illégaux qu'on est parvenu à déceler.
Ceci prouve que des avortements clandestins ne sont pas supprimés
par la légalisation. De plus, tous les avortements clandestins
ne sont pas comptabilisés dans cette colonne car, par définition,
beaucoup échappent à la statistique. Par définition aussi, leur
nombre est incertain, mais leur total se situe nécessairement
au-dessus de ce qui leur revient dans cette colonne (et qui n'est
pas précisé) ? On ne peut dans ce domaine avancer que des
hypothèses. Pour se faire une opinion sur cette importance rappelons
que, en France, alors que les décès par avortement provoqué se
situaient en 1967 entre 110 et 158, le chiffre d'avortements était
estimé par l'INED à 250 000 par an environ (soit en gros
1 pour 2 000 avortements). Or, il y eut en Roumanie
en 1966 (dernière année de la loi de la libéralisation qui fut
abrogée en octobre 1966) 83 décès par avortement clandestin (INED.
Revue Population, n° 4-5 juillet-octobre 1972, p. 883).
Si l'on admet c'est bien sûr encore une hypothèse mais
ceci donne un ordre de grandeur le même pourcentage de
décès par avortement clandestin qu'en France, ceci donne entre
160 000 et 170 000 avortements clandestins en Roumanie
sous la loi de libéralisation en 1966. Or, en 1958, avant la loi
de libéralisation, la Roumanie annonce 129 000 avortements
totaux, dont 112 000 avortements légaux et 16 900 clandestins
plus spontanés, les clandestins revendiquant une partie (non précisée)
de ces 16 900 plus une quantité inconnue (le chiffre des
décès par avortement clandestin n'est .pas connu avec précision
en Roumanie en 1958 pas plus que le taux de mortalité par avortement
clandestin).
Ce
que l'on peut dire c'est que la légalisation ne supprime pas l'avortement
clandestin.
Ce
résultat surprenant pour beaucoup ne l'est pas pour nous pour
de multiples raisons.
Si
l'acte en soi n'est plus un délit, pourquoi l'acte clandestin,
c'est-à-dire simplement non déclaré, le serait-il et pourquoi
ce dernier serait-il sanctionné pour la simple raison qu'on a
omis de le déclarer. Ce serait donc uniquement l'omission qui
constituerait le délit. C'est mince et on trouvera bien des circonstances
atténuantes.
Ceux
qui pratiquent ces actes aiment quand même mieux les pratiquer
en privé, dans le secret, plutôt que de passer par les voies officielles.
On continuera donc dans le secret, avec, comme seule différence,
beaucoup moins d'inquiétude qu'avant sur le plan des complications
juridiques possibles. C'est un encouragement évident, expliquant
le maintien clandestin avec la légalisation.
Bref,
la légalisation est une autorisation implicite de l'avortement
clandestin.
MALTHUSIANISME
D'autre
part, la campagne pour la légalisation de l'avortement, c'est-à-dire
pour l'accroissement du nombre des avortements, est inspirée par
le malthusianisme et le malthusianisme accroît et la contraception
et l'avortement légal et le clandestin.
Il
reste qu'un des arguments principaux des .partisans de la libéralisation
s'effondre. A savoir : mieux vaut faire officiellement, c'est-à-dire
proprement médicalement parlant, un acte mal fait clandestinement
et donc de ce fait d'une mortalité et d'une morbidité plus élevée
et qui conclusion implicite seraient supprimées.
Or,
la libéralisation ne supprime pas l'avortement clandestin et le
laisse persister dans des proportions qui restent à préciser (pas
de diminution sensible entre les deux dates des chiffres de la
colonne "autres avortements" et nation d'un chiffre élevé d'avortements
clandestins en Roumanie en 1966).
Selon
ces statistiques la libéralisation n'est donc plus un moyen de
supprimer les avortements clandestins mais elle les laisse persister,
l'avortement légal s'ajoutant à eux et ne les remplaçant pas.
Ceci
ne peut pas satisfaire ceux qui veulent sincèrement éliminer les
avortements clandestins et ne peut -satisfaire que les malthusiens
désireux, avant tout, de pratiquer plusieurs centaines de milliers
d'avortements supplémentaires et de diminuer d'autant la natalité
française, car tout avortement supprime un enfant.
D'autres
commentaires s'imposent, de la plus grande importance.
Par
la libéralisation, le nombre des avortements a été multiplié dans
ces pays par un très fort coefficient allant de 6 à 8,5.
Tout
avortement supprime une naissance, c'est même son but unique.
Si l'on admet simple hypothèse qu'en France pour
des raison diverses la libéralisation ne multipliera le nombre
des avortements que par 2 ou 3 au lieu de 4 à 8,5 dans les pays
ci-dessus, et si l'on retient le nombre d'avortements clandestins
admis par l'INED qui a fait la seule étude qu'on puisse
considérer comme valable de ce chiffre (les autres chiffres avancés
appartenant à la plus haute fantaisie) à savoir 250 000
par an, petite multiplication entraîne, quand même, une
chute de natalité de 250 000 par an (avec le coefficient
2), 500 000 par an (avec le coefficient 3) (1). C'est-à-dire
que ceci entraîne un véritable effondrement de notre natalité.
Ce
qui se passe actuellement en Allemagne occidentale par la poussée
malthusienne et le laxisme dans l'application de la loi prouve
que ceci est parfaitement possible en France et que nos craintes
sont amplement fondées (tableau ci-dessous Population et Sociétés,
décembre 1972, n° 53).
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