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L'AVORTEMENT ET LA DÉMOGRAPHIE



Conséquences négligées
IMPRIMERde la libéralisation de l'avortement

L'avortement a fait couler des flots d'encre et de paroles. Et pourtant, dans tout ce qui est généralement dit dans la presse et dans un certain nombre de discours, des lacunes fondamentales persistent. L'objet de ce court article est d'en combler quelques-unes. Nous laisserons de côté les très nombreux sentiments soulevés par cette question pour ne rappeler que quelques points essentiels qui sont à méditer par les responsables de la politique.

Il est tout d'abord bon, que dis-je, il est absolument indispensable de savoir quelle serait l'incidence de la libéralisation – c'est-à-dire de la légalisation – de l'avortement sur le nombre global des avortements et sur celui des avortements clandestins.

AVANT ET APRÈS

Pour cela un des moyens est de voir ce qui s'est passé dans les pays où cette légalisation a eu lieu et où, d'autre part, il existe des statistiques valables, ou au moins sérieuses, avant et après cette légalisation.
L'institut National d'études Démographiques (INED) a fait cette étude et a publié les chiffres dans sa revue Population, n° 4, juille-taoût 1970. Ces chiffres sont résumés dans le tableau suivant :


Pays

Avortements
légaux

Autres
avortements

Total

Rapport

Avant

Après

Bulgarie

1953

1966

1 100

101 400

16 300

18 100

17 400

119 500

1966/1953 = 7

Hongrie

1950

1966

1 700

186 800

34 300

33 600

36 000

220 000

1966/1950 = 6

Roumanie

1958

1965

   

129 000

1 115 000

1965/1958 = 8,5

Tchécoslovaquie

1953

1966

1 500

90 300

29 100

25 500

30 600

115 800

1966/1953 = 4


La lecture de ce tableau montre que le total des avortements est passé de 17 400 à 119 500 en Bulgarie, de 36 000 à 220 000 en Hongrie, de 129 000 à 1 115 000 (1 115 000) en Roumanie, de 30 600 à 115 800 en Tchécoslovaquie. Bref, dans ces différents pays, où la libéralisation de l'avortement est intervenue entre 1956 et 1958, le nombre des avortements a été fortement accru et multiplié par un coefficient allant de 4 à 8,5. C'est un premier point capital.

Mais ce tableau a un autre intérêt tout aussi essentiel : dans la colonne "autres avortements" figurent des avortements spontanés et des avortements clandestins illégaux qu'on est parvenu à déceler. Ceci prouve que des avortements clandestins ne sont pas supprimés par la légalisation. De plus, tous les avortements clandestins ne sont pas comptabilisés dans cette colonne car, par définition, beaucoup échappent à la statistique. Par définition aussi, leur nombre est incertain, mais leur total se situe nécessairement au-dessus de ce qui leur revient dans cette colonne (et qui n'est pas précisé) ? On ne peut dans ce domaine avancer que des hypothèses. Pour se faire une opinion sur cette importance rappelons que, en France, alors que les décès par avortement provoqué se situaient en 1967 entre 110 et 158, le chiffre d'avortements était estimé par l'INED à 250 000 par an environ (soit en gros 1 pour 2 000 avortements). Or, il y eut en Roumanie en 1966 (dernière année de la loi de la libéralisation qui fut abrogée en octobre 1966) 83 décès par avortement clandestin (INED. Revue Population, n° 4-5 juillet-octobre 1972, p. 883). Si l'on admet – c'est bien sûr encore une hypothèse mais ceci donne un ordre de grandeur – le même pourcentage de décès par avortement clandestin qu'en France, ceci donne entre 160 000 et 170 000 avortements clandestins en Roumanie sous la loi de libéralisation en 1966. Or, en 1958, avant la loi de libéralisation, la Roumanie annonce 129 000 avortements totaux, dont 112 000 avortements légaux et 16 900 clandestins plus spontanés, les clandestins revendiquant une partie (non précisée) de ces 16 900 plus une quantité inconnue (le chiffre des décès par avortement clandestin n'est .pas connu avec précision en Roumanie en 1958 pas plus que le taux de mortalité par avortement clandestin).

Ce que l'on peut dire c'est que la légalisation ne supprime pas l'avortement clandestin.

Ce résultat surprenant pour beaucoup ne l'est pas pour nous pour de multiples raisons.

Si l'acte en soi n'est plus un délit, pourquoi l'acte clandestin, c'est-à-dire simplement non déclaré, le serait-il et pourquoi ce dernier serait-il sanctionné pour la simple raison qu'on a omis de le déclarer. Ce serait donc uniquement l'omission qui constituerait le délit. C'est mince et on trouvera bien des circonstances atténuantes.

Ceux qui pratiquent ces actes aiment quand même mieux les pratiquer en privé, dans le secret, plutôt que de passer par les voies officielles. On continuera donc dans le secret, avec, comme seule différence, beaucoup moins d'inquiétude qu'avant sur le plan des complications juridiques possibles. C'est un encouragement évident, expliquant le maintien clandestin avec la légalisation.

Bref, la légalisation est une autorisation implicite de l'avortement clandestin.

MALTHUSIANISME

D'autre part, la campagne pour la légalisation de l'avortement, c'est-à-dire pour l'accroissement du nombre des avortements, est inspirée par le malthusianisme et le malthusianisme accroît et la contraception et l'avortement légal et le clandestin.

Il reste qu'un des arguments principaux des .partisans de la libéralisation s'effondre. A savoir : mieux vaut faire officiellement, c'est-à-dire proprement – médicalement parlant, un acte mal fait clandestinement et donc de ce fait d'une mortalité et d'une morbidité plus élevée et qui – conclusion implicite – seraient supprimées.

Or, la libéralisation ne supprime pas l'avortement clandestin et le laisse persister dans des proportions qui restent à préciser (pas de diminution sensible entre les deux dates des chiffres de la colonne "autres avortements" et nation d'un chiffre élevé d'avortements clandestins en Roumanie en 1966).

Selon ces statistiques la libéralisation n'est donc plus un moyen de supprimer les avortements clandestins mais elle les laisse persister, l'avortement légal s'ajoutant à eux et ne les remplaçant pas.

Ceci ne peut pas satisfaire ceux qui veulent sincèrement éliminer les avortements clandestins et ne peut -satisfaire que les malthusiens désireux, avant tout, de pratiquer plusieurs centaines de milliers d'avortements supplémentaires et de diminuer d'autant la natalité française, car tout avortement supprime un enfant.

D'autres commentaires s'imposent, de la plus grande importance.

Par la libéralisation, le nombre des avortements a été multiplié dans ces pays par un très fort coefficient allant de 6 à 8,5.

Tout avortement supprime une naissance, c'est même son but unique. Si l'on admet – simple hypothèse – qu'en France pour des raison diverses la libéralisation ne multipliera le nombre des avortements que par 2 ou 3 au lieu de 4 à 8,5 dans les pays ci-dessus, et si l'on retient le nombre d'avortements clandestins admis par l'INED – qui a fait la seule étude qu'on puisse considérer comme valable de ce chiffre (les autres chiffres avancés appartenant à la plus haute fantaisie) – à savoir 250 000 par an, petite multiplication entraîne, quand même, une chute de natalité de 250 000 par an (avec le coefficient 2), 500 000 par an (avec le coefficient 3) (1). C'est-à-dire que ceci entraîne un véritable effondrement de notre natalité.

Ce qui se passe actuellement en Allemagne occidentale par la poussée malthusienne et le laxisme dans l'application de la loi prouve que ceci est parfaitement possible en France et que nos craintes sont amplement fondées (tableau ci-dessous Population et Sociétés, décembre 1972, n° 53).


Naissances en République Fédérale Allemande (en milliers)

1967

1 019

1er trimestre 1970

211

1968

970

1er trimestre 1971

201

1969 903 1er trimestre 1972 182

1970

811

2ème trimestre 1970

211
1971 779 2ème trimstre 1971 201
1972 (prévision) 700 2ème trimestre 1972 184
Chute de 9,4 % en 1972 sur 1971 (1er et 2ème trimestre) et chute de 320 000 naissances de 1967 à 1972

L'expérience roumaine est démonstrative quant à l'action de la libéralisation de l'avortement sur la natalité. La natalité, qui était dans ce pays de 25 avant la libéralisation, est tombée à 14,3 ‰ (1965) avec la libéralisation. Le rétablissement de la loi d'interdiction l'a fait remonter à 27,3 ‰ (1967) (I.N.E.D. Population, n° 4 - 5, 1972, p. 883). Cette double expérience prouve le rôle direct et très important sur la natalité de l'existence ou de la non-existence d'une loi d'interdiction de l'avortement.

Une telle éventualité est absolument inacceptable en France.

La natalité française actuelle est insuffisante pour enrayer les progrès du vieillissement de la population, vieillissement très profond et qui u a encore s'accroître avec des conséquences extrêmement lourdes pour les postes de travail cotisants.

Son amputation d'un 1/3 ou des 2/3 selon l'hypothèse retenue aggrave verticalement le vieillissement et le rend irrécupérable.

Ces phrases bien sûres ne peuvent être comprises et appréciées à leur juste signification que par ceux qui savent ce qu'est le vieillissement au sens démographique du terme et ce que sont ses mécanismes, ses conséquences, ses moyens de correction et les difficultés de cette correction, le phénomène s'opposant par ses conséquences même à sa propre correction.

Bref, c'est un mécanisme implacable dont la France ne sortira que par un effort absolument exceptionnel. Il est évident que l'institution d'un mécanisme qui l'exagère verticalement – la multiplication des avortements – rend la solution définitivement inaccessible.

Il n'est pas possible de ne pas parler de ce problème quand on en a pris conscience. Si l'on n'en parle pas c'est qu'on l'ignore, ce qui est inacceptable pour tout homme d'État français.

Il faut pour en sortir avoir complètement assimilé la question et, d'autre part, déployer des prodiges d'ingéniosité, de tenacité et de continuité.

Quand on en est à ne pas connaître l'existence du problème, comme le prouve l'absence de la moindre allusion quand on parle de choses qui le concernent directement, on se trouve à des années-lumière de la solution concrète. C'est cela qui est particulièrement grave.

Quand on déclare : « Bien qu'il n'existe aucun problème de surpopulation en France, il faudra s'occuper du problème de l'avortement et changer une loi périmée » (ce qui signifie libéraliser l'avortement), cette phrase veut dire que si on ne fait pas cet élargissement pour une surpopulation qui n'existe pas, on s'apprête à la faire pour d'autres raisons – 1er point – et, d'autre part, elle montre que l'on n'est absolument pas préoccupé par les conséquences démographiques de la libéralisation, à savoir la chute profonde de la natalité, puisqu'on n'en parle pas même par une allusion brève. On ne semble pas savoir que cela existe. Enfin, – 3e point – l'énorme problème de la décennie qui vient est en France l'accroissement accéléré du vieillissement. Le fait qu'on ne saisisse pas l'occasion d'en parler quand il est question d'un mécanisme aggravant verticalement ce phénomène prouve qu'on ne sait pas que le problème existe et qu'on ignore l'existence de la relation directe entre lui et l'effondrement de la natalité provoqué par l'avortement massivement élargi. Ceci est d'une extrême gravité.

Il faut comprendre qu'il y a deux catégories de pays : ceux dans lesquels le renouvellement de la population active est largement assuré, voir multiplié par 2 ou plus, et ceux dans lesquels le renouvellement de la population active est assuré à peine ou ne l'est pas du tout et qui ont un vieillissement accentué et en aggravation rapide.

Les premiers peuvent réduite dans une certaine mesure leur renouvellement sans porter atteinte à leur existence proprement dite, les seconds ne le peuvent pas ou s'ils le font ils se condamnent irrémédiablement. Nous appartenons, nous Français, à la seconde catégorie.

Une autre remarque s'impose. Le débat dans la grande presse et à la radio-télévision n'a pratiquement pas abordé les conséquences de la libéralisation de l'avortement sur la natalité française. Prendre une telle décision revient, par les conséquences énormes de cette décision sur la démographie française, à prendre la décision de changer radicalement la politique française sort rigueur depuis trente-cinq ans, et à la remplacer par une politique de dénatalité aiguë et intense et d'accroissement vertical du vieillissement. Le débat n'a pas eu lieu sur ce problème, ni dans la presse, ni au parlement.

Ceci veut dire que prendre cette décision sur l'avortement, dans Yétat actuel des discussions, reviendrait à renverser complètement la politique démographique française SANS DÉBAT sur ce problème historique, politique et social décisif.

Ceci est inacceptable. Le débat sui le problème démographique français doit avoir lieu, sur le fond, avant faute décision sur la libéralisation de l'avortement. S'il en était autrement, ce serait un véritable coup de force politique que les Français véritables ne pourraient accepter à aucun prix.

E.-C. TREMBLAY

(1) La relation entre le nombre des avortements et la natalité est plus complexe que la simple soustraction, car la législation de l'avortement peut augmenter le nombre des conceptions puisqu'on pourrait les supprimer plus facilement après, mais nous avons pris un coefficient multiplicateur de l'avortement très faible (2 ou 3 au lieu de 4 à 8,5) de sorte que l'hypothèse retenue sur la chute de natalité reste parfaitement valable.

© Laissez-les-Vivre – SOS Futures Mères, avril 1973

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