Ce
titre choc signifie : petite population active, grande population
âgée, assistée.
C'est
une prévision déjà certaine, si sur le plan
démographique les choses continuent comme elles vont en
ce moment sans aggravation nouvelle. Elle est toujours certaine
mais, en plus grave, a fortiori si la campagne contre la
vie que nous combattons pied à pied venait à l'emporter.
Si au contraire la vie l'emporte avec quelques mesures complémentaires
à vrai dire importantes, cette redoutable situation peut
encore être évitée.
Le
but
de cet exposé est de faire comprendre pourquoi il peut,
ou non, en être ainsi. Cette conjoncture est liée
au vieillissement de la population qui sévit en France
et dans la grande majorité des pays d'Europe occidentale.
Nous allons voir comment.
Pour
le comprendre il faut d'abord comprendre ce qu'est le vieillissement
de la population au sens démographique du terme.
Le
vieillissement ne doit pas être confondu avec l'allongement
de l'espérance de vie et sa cause n'est pas la médecine,
comme on le croit à tort, mais le malthusianisme. La médecine,
au contraire, a un rôle puissant de rajeunissement de la
population.
Ceux
qui veulent replonger la France et l'Europe occidentale dans un
malthusianisme beaucoup plus profond les replongent en même
temps dans un vieillissement qui, déjà très
grave actuellement, deviendrait insurmontable. L'alternative n'est
pas entre une croissance moyenne ou importante et une croissance
discrète ou nulle, l'alternative est entre une croissance
moyenne ou importante avec arrêt du vieillissement voire
rajeunissement et une croissance discrète ou nulle avec
vieillissement profond et finalement insurmontable. C'est cela
qui est fondamental.
Le
vieillissement procède en trois phases :
la première dans laquelle le phénomène
petite usine, grand hospice n'apparaît pas encore. Cette
phase séduit ceux qui ne sont pas capables de voir au-delà
de vingt ans et qui sont satisfaits par l'accroissement des disponibilités
financières, phénomène commun à toutes
les formes de diminution des investissements ;
la deuxième dans laquelle le phénomène
petite usine, grand hospice apparaît dès le début
et va s'exagérer progressivement du début à
la fia de cette période où il est maximum ;
la troisième dans laquelle le phénomène
s'atténue, sauf intercurrentes qui peuvent ralentir sa
diminution voire le maintenir ou l'accroître, la principale
intercurrente étant l'augmentation du nombre absolu des
personnes âgées.
Dans
le cas concret de la France, les chiffres de l'I.N.S.E.E. de 1965
à 1980, montrent l'élévation très
rapide du rapport population âgée/population adulte
caractéristique du phénomène petite usine
grand hospice.
L'ampleur
du phénomène se mesure :
par l'élévation brute de ce rapport ;
par l'élévation absolue beaucoup plus importante
des charges subies par la population adulte, les dépenses
médico-pharmaceutiques étant 5 fois plus élevées
à partir de 65 ans qu'entre 20 et 30 ans, l'incorporation
de ce coefficient montrant bien plus nettement l'ampleur de l'augmentation
des charges ;
par les chiffres d'emplois nouveaux et de natalité
nécessaires pour corriger le phénomène et
ramener la situation au niveau de 1965 qui n'était pas
spécialement favorable : 475 000 emplois nouveaux
par an pendant 12 ans au lieu des 100 000 par an de
la décennie 1960-1970, 1 150 000 naissances par
an jusqu'en 1987 au lieu des 870 000 de 1972. La perturbation
ne pouvant se corriger que par ces deux moyens, l'immigration
étant le moyen immédiat pour la correction du rapport
population âgée/population adulte, l'augmentation
de natalité étant le moyen le plus puissant à
action immédiate sur le vieillissement lui-même,
à action retardée sur la correction du rapport ci-dessus
(n'agit qu'au bout de 20 ans). Rappelons qu'un enfant de
1 an a pour un âge moyen de population de 34 ans
une action de rajeunissement aussi importante que 11 immigrants
de 31 ans et en plus 11 fois plus durable (33 ans au lieu de 3
ans). L'importance des chiffres de correction montre l'importance
de l'anomalie.
Les
inconvénients sont multiples :
augmentation des charges subies par les postes de travail (travailleurs
et entreprises) au double titre des retraites et des charges médico-pharmaceutiques ;
absorption d'une part importante des progrès du
niveau de vie par cet accroissement des charges ;
diminution relative du niveau de vie (toutes choses égales
par ailleurs) ou diminution des moyens d'investissement ou les
deux ;
ralentissement du progrès économique par
diminution des moyens d'investissement et absorption d'une part
croissante de ce progrès diminué, par l'augmentation
de ces charges sans bénéfice pour les personnes
payantes ou assistées.
Qu'on
ne pense pas que ces variations sont discrètes : en
1965 chaque adulte avait, à sa charge, 1,44 équivalent-adulte,
il en aura 2,91 en 1978 avec la retraite à 60 ans
et les cotisations retraite doubleront ou tripleront (200 %
ou 300 % selon que la retraite est à 65 ou 60 ans).
L'absorption
du progrès économique atteindra, toutes choses égales
par ailleurs, 45,8 % du seul fait des progrès du vieillissement,
ce qui veut dire que si ale vieillissement était ramené
au niveau de 1965 pour la même valeur de poste de travail,
le salaire effectivement payé serait augmenté de
45,8 % ,par rapport à ce qui va se passer sans correction
et la correction n'aura pas lieu puisque le corps politique ignore
volon-tairement le problème jusqu'à ce jour.
Une
chute de natalité de 30 % entraîne une perte
du potentiel d'investissement de 50 %, et une chute de natalité
de 50 % entraîne une perte du potentiel d'investissement
de 83 % (les 5/6) à la fin du déroulement de
ses conséquences. La natalité allemande (R.F.A.)
a baissé de plus de 30 % de 1967 (1 019 000)
à 1972 (700 000).
Toutes
ces prévisions défavorables se situent dans la perspective
de la non-correction de la projection actuelle nais aussi dans
celle de sa non aggravation. S'il y a une aggravation, ces chiffres
sont naturellement dépassés.
Les
dangers de ce phénomène sont :
le sous-investissement et qui dit sous-investissement dit perte
de compétitivité des entreprises et défaite
économique dans la concurrence internationale ;
le fait de ne plus pouvoir parvenir à corriger le
phénomène qui devient irréversible. En effet,
nous avons vu simultanément que pour le corriger il fallait
multiplier par 4,75 la création d'emplois pendant 12 ans
(référence 1960-1970) et augmenter la natalité
de 1/3 ce qui suppose une très forte augmentation des investissements,
et, d'autre part, que le vieillissement entraînait un effondrement
des moyens d'investissement, donc au moment même où
il faut les accroître massivement les moyens de le faire
diminuent de façon rapide, les deux courbes se croisent
au-delà du point de croisement il n'y a plus de solution,
c'est irréversible; irrécupérable.
La
société, la nation, victimes de ce phénomène,
au-delà d'un certain point, ne peut plus récupérer.
Il y a donc un stade où c'est définitif.
La
récupération n'est plus possible que par un apport
d'énergie extérieur, c'est-à-dire que l'étranger
devient propriétaire des moyens de production et que la
nation perd son indépendance. La situation irréversible
signifie que la nation tombe dans une nouvelle forme de sous-développement,
sous-développement qui sera l'apanage des nations au malthusianisme
invétéré et que beaucoup veulent encore accroître
et qui a été dans le passé le mécanisme
de l'effondrement de civilisations entières (Rome).
L'Europe
occidentale
Ce
que nous disons pour la France est vrai à quelques nuances
près pour toute l'Europe occidentale (et même toute
l'Europe, U.R.S.S. excepté) à l'exception des Pays-Bas
qui ne font qu'entrer dans le même processus et n'en sont
qu'à la première phase, celle dans laquelle le phénomène
petite usine, grand hospice n'a pas encore commencé à
apparaître. Il convient tout d'abord de rappeler que la
proportion de l'Europe dans le monde n'a pas cessé de diminuer
depuis 40 ans (17,4 % en 1930, 13,21 % en 1967,
moins de 12 en 1973), que son accroissement est très inférieur
à l'accroissement moyen mondial (0,9 % en 1967 contre
1,9 % pour le monde, soit moins de la moitié ;
2,9 % pour l'Amérique latine 2,5 pour l'Asie méridionale,
1,4 pour l'Asie orientale) et cet accroissement européen
est encore plus faible en 1973 qu'en 1967, d'où non seulement
continuation mais accentuation du processus d'affaissement de
la proportion de d'Europe dans le monde.
Il
convient ensuite de souligner que cet affaissement de proportion
se double d'un vieillissement accéléré qui
a, comme on l'a vu plus haut, comme conséquences d'amputer
les moyens d'investissement, de progrès économique
et de possibilités concurrentielles.
L'Europe
des Neuf, avec ses 250 000 000 d'habitants a une importance
numérique légèrement supérieure à
celle de l'U.R.S.S. et des U.S.A., mais elle va la perdre très
vite, 285 millions d'habitants en l'an 2000 dans l'hypothèse
moyenne contre 380 millions pour les U.S.A. et 350 pour l'U.R.S.S.
Cette perte de masse va se doubler d'un énorme vieillissement
qui va avoir les conséquences susdites, conséquences
d'autant plus redoutables que l'U.R.S.S. et les U.S.A., qui n'en
sont encore schématiquement qu'à la phase 1 de la
poussée malthusienne, vont avoir au contraire, dans la
décennie qui vient, une forte augmentation de leur population
active et un puissant accroissement de leur potentiel d'investissement,
exactement l'inverse de ce qui va se passer pour l'Europe.
C'est
là un danger considérable pour l'Europe occidentale.
Le rôle même que les Européens veulent faire
jouer à l'Europe est très gravement compromis par
la projection actuelle sans correction, a fortiori si l'Europe
s'abandonne à la vague malthusienne en cours. L'Europe
occidentale n'a pas seulement à soutenir sa lutte économique
et politique contre les forces qui, à l'intérieur
d'elle-même, la conduisent à l'effacement politique
et économique.
La
campagne malthusienne dans les pays de civilisation occidentale
qui n'assurent pas le renouvellement de leur population et dont
le vieillissement très accentué va croissant n'a,
à aucun moment, cessé d'être une activité
malveillante et néfaste ; cela est encore plus vrai
aujourd'hui qu'hier.
Le
phénomène petite usine, grand hospice qui existera
même dans la projection actuelle va s'exagérer si
la poussée malthusienne finit par l'emporter. Il met en
péril l'indépendance économique et politique
non seulement de la France mais de l'Europe occidentale entière.
C'est
pourquoi nous vous demandons, pour ces raisons, et pour les raisons
de respect de la vie que les autres orateurs ont abondamment développées,
de faire reculer le malthusianisme actuel et le génocide
qu'on veut instaurer en Europe.
Nous ajouterons qu'il .n'y a pas le moindre motif de démographie
générale pour nous obliger à sombrer dans
le vieillissement, le sousdéveloppement et à rejeter
les mesures de correction qui s'imposent.
Nous
vous demandons donc de faire reculer le malthusianisme européen
et de nous aider au maximum dans l'uvre de salut public
que nous avons entreprise pour la France et pour l'Europe.
Dr
E. TREMBLAY
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, juin 1973
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