Nous
envisageons le malthusianisme avec chute de natalité au-dessous
du taux minimum de remplacement (pays occidentaux).
Dans
la première période du malthusianisme, même
très intense, ni la population active, ni la population
âgée ne sont modifiées. II y a seulement augmentation
des disponibilités financières et ralentissement
de l'activité.
C'est
dans la deuxième période qu'il y a baisse de la
population active et augmentation très importante des charges
liées à la population âgée et aux dépenses
médico-pharmaceutiques, augmentation qui peut aller pour
les actifs jusqu'au quadruplement. II y a chute des moyens d'investissement.
Or, si l'on veut corriger cette situation, qui créé
pour les actifs des charges accablantes, ce qui explique qu'on
veuille corriger la situation, il faut faire un énorme
effort d'investissement destiné 1) à créer
un grand nombre d'emplois nouveaux pour la population active à
reconstituer dont on veut combler les importants vides, 2) et
à réparer la perte démographique jeune (c'est
l'investissement démographique qui exige évidemment
un effort économique).
1)
Cest dans cette situation que réside la première
cause d'irréversibilité, cause économique
cellelà, puisqu'au moment où il faut des investissements
énormes, il y a effondrement des moyens d'investissement
liés à la baisse de la population active et à
l'augmentation considérable de ses charges.
Dans
le cas français pris comme exemple concret, il faut créer
chaque année cinq à huit fois plus d'emplois d'ici
1987 que dans la décennie 60-70, et presque doubler la
natalité actuelle, simplement pour reconstituer la structure
par âge de 1965, objectif comme on le voit d'une grande
modestie :
Ceci
suppose un effort d'investissement énorme au moment même
où les moyens d'investissement s'effondrent.
Sans
apport financier extérieur très important, la situation
est devenue irrécupérable.
2) Mais l'irréversibilité se produit aussi sur le
plan démographique.
Nous
avons supposé dans notre exposé, à titre
d'exemple, que la natalité N (1) d'une population adulte
A, de 40 millions d'unités a baissé brusquement
de 1/2 (50 %), (2) mais nous avons admis dans un but de clarté,
et pour ne pas compliquer (exposé, que le chiffre absolu
des naissances restait stable ensuite et ne baissait plus.
Dans
ces conditions, nous l'avons vu, la population activa nouvelle
descendante de A sera la moitié de la précédente,
donc A/2.
Les
deux phénomènes sont simultanés.
Les
deux courbes se croisent.
Le
point de croisement est le point critique au-delà
duquel il n'y a plus de solution, c'est-à-dire à
partir duquel les moyens d'investissement seront toujours
inférieurs aux besoins d'investissement nécessaires
àla correction et donc
à partir duquel le phénomène continue
à s'aggraver, sans qu'on n'y puisse plus rien.
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Mais,
dans la réalité, que se passe-t-il ?
Dans la population adulte A qui comprend les générations
de 20 à 60 ans, seule la première moitié
(20 millions d'unités) (de 20 à 40 ans) assure le
renouvellement (schématiquement).
La
première descendance que nous désignerons par A1
résultant de la chute de natalité à 50 %
(natalité N/2) aura la 1/2 de l'effectif de la précédente
(c'est-à-dire 10 millions contre 20). C'est elle qui va
donner les 20 générations suivantes que nous désignerons
pas A2.
Dès
lors, il y a deux éventualités :
1)
La première descendance A1 garde la natalité N/2,
c'est-à-dire celle de ses parents A.
Dans
ces conditions, la descendance de A1, c'est-à-dire A2 aura
l'effectif A1/2, c'est-à-dire 5 millions.
La
population adulte finale (A1 + A2) ne sera pas la moitié
de la population adulte initiale A (40 millions), mais les 3/8e,
c'est-à-dire 15 millions (10+ 5).
C'est-à-dire
que les charges pour cette population (A1 + A2) seront les 8/3,
toutes choses égales par ailleurs de ce qu'elles étaient
pour A.
Et
si l'on veut par exemple - tous les partis et tous les syndicats
le réclament - une amélioration des retraites et
des avantages médico-sociaux de 50 % par exemple, devenant
les 3/2 de ce qu'ils étaient, ces charges seront schématiquement
8/3 x 3/2 = 24/6 = 4 fois supérieures, soit 400 % d'augmentation
pour cette nouvelle population active (A1 + A2) de ce qu'elles
étaient pour la population adulte A qui leur a donné
naissance et a réalisé la chute de natalité
N > N/2.
2)
La première descendance A1 relève sa propre natalité.
Pour que les 20 générations A2 aient l'effectif
des 20 générations A1 (10 millions), il faut que
la natalité de A1 soit N et non pas N/2, c'est-à-dire
qu'il faut qu'elle ait une natalité double de celle de
ses parents.
Et,
avec cette natalité double, ce qui est déjà
une augmentation considérable, la population adulte finale
(A7 + A2) ne sera encore que la moitié (20 millions) de
la population adulte A (40 millions).
Pour
rétablir l'effectif de la population adulte A (40 millions),
il faut que les 20 générations A1 (10 millions)
donnent 20 générations A2 de 40 - 10 = 30 millions,
c'est-à-dire qu'il faut que les générations
A1 aient une natalité de 3 N, c'est-à-dire 6 fois
supérieure à celle de leurs parents A (N/2).
Pour
assurer donc le simple renouvellement sans augmentation de la
population adulte A qui a amputé sa natalité N de
50 % , il faut que la première descendance (A1) de cette
population ait une natalité 6 fois supérieure à
celle de ses parents (A).
II
faut qu'elle fasse cela en ayant des charges à la fin augmentées
de 400 % par rapport à celles supportées par ses
parents.
II
est bien évident que c'est tout à fait impossible.
Et c'est la deuxième raison de l'apparition d'une irréversibilité
définitive.
Ce
qu'on vient de décrire est ce qui se passe si la chute
de natalité de la population A dure 20 ans. Les conditions
faites à la première descendance sont telles qua
celle-ci ne peut absolument pas faire face à la situation
et qu'elles sont très au-dessus de ses possibilités.
L'impossibilité
de faire face se produit évidemment pour une durée
de dénatalité bien inférieure à 20
ans.
Combien
d'années exactement ? C'est difficile à dire, et
il faudrait pour cela des calculs très complexes et cela
dépend aussi des capacités de la concurrence sur
le plan économique. Si la concurrence est très puissante
et a de grands moyens d'investissements, la défaite économique
et l'irréversibilité apparaissent beaucoup plus
tôt.
En
première approximation, il est sage de considérer
que le phénomène ne doit pas durer beaucoup plus
de 10 ans, pour qu'une récupération soit encore
"espérable".
Une
autre particularité de ces phénomènes est
que si tout se joue dans la première période (de
T à T + 201, l'apparition au grand jour des signes patents
d'irréversibilité ne se fera que dans la deuxième
période et plus précisément dans la deuxième
moitié de cette deuxième période, c'est-à-dire
quand il n'y a plus rien à faire depuis longtemps. Autrement
dit, c'est alors qu'il ne se passe apparemment rien de très
grave (population adulte intacte par exemple) qu'il se passe en
réalité les choses les plus graves qui conduiront
immanquablement à l'irréversibilité, c'est-à-dire
à la mort du pays concerné. Ceci montre bien la
ira!. trise de ces phénomènes d'où l'intérêt
des signes annonciateurs que nous avons évoqués
plus haut (c'est donc ce qui se passe dans la première
période qui fait que l'irréversibilité sera
ou ne sera pas dans la deuxième).
Que
faut-il faire ?
II
faut agir avant les délais d'irréversibilité
(en gros 10 ans pour une natalité N/2).
II
ne faut évidemment pas attendre les signes d'irréversibilité
qui apparaissent d'ailleurs insidieusement à partir de
T + 20 et ne deviennent galopants que de T + 40 à T + 60.
II
n'y a plus alors que des palliatifs ayant tous des inconvénients
graves :
Retarder au maximum l'âge de la retraite 70-75 ans et plus
;
Accepter une immigration très forte pour remplacer
la population adulte manquante, au risque de porter atteinte à
l'identité nationale ;
Accepter des capitaux étrangers massivement, au
risque de porter atteinte à l'indépendance nationale
;
- Faire une politique très fortement nataliste, permettant
à la génération amputée dans la première
période (la première descendance de A) d'avoir une
natalité pouvant aller jusqu'à 6 fois celle de ses
parents, le sextuplement de celle-ci permettant tout juste le
renouvellement exact de la population adulte sans immigration
(avec l'immigration, l'augmentation nécessaire est moindre).
Cette génération de la dénatalité
est ainsi une génération sacrifiée.
Il
ne reste donc plus que l'héroïsme.
Ce
que nous venons de dire de façon générale
et pour le cas français est vrai pratiquement pour toute
l'Europe occidentale à quelques nuances près, la
situation la plus grave de l'occident étant celle de l'Allemagne
de l'Ouest, qui n'a plus que quelques années devant elle
pour redresser la barre.
Le
drame pour l'Europe occidentale surtout, n'est donc pas un amoindrissement
plus ou moins important, c'est un risque de déclin profond
et irréversible, bref un risque mortel, le risque faisant
rapidement place à une certitude d'évolution fatale.
Cette
menace sur l'existence même de ces pays peut étonner,
le malthusianisme n étant pas nouveau, certes. Mais ce
qui est nouveau et ce qui fait qu'il y a des conséquences
nouvelles, c'est à la fois l'intensité extrême
draconienne de l'action malthusienne actuelle et l'application
de cette action à des pays déjà fortement
malthusiens et qui avant cette action n'arrivaient déjà
pas à renouveler leur population active et à corriger
leur vieillissement et avaient donc besoin avant elle d'une action
énergique exactement inverse.
Or,
cela est complètement inédit et sans précédent
et explique une situation et des conséquences entièrement
nouvelles.
Pour
les personnes qui ne s'occupent pas globalement de ces pays et
de leur histoire, mais ne voient que les possibilités économiques
et financières, il faut remarquer :
Que
si dans une première période (20 ans) on ne note
guère qu'un certain ralentissement de la création
économique, avec une population active inchangée,
et des disponibilités financières intactes et même
accrues et cela même dans une situation qui sera mortelle,
Dans
la deuxième période ces disponibilités vont
commencer à fondre, la capacité d'investissement
va baisser d'abord lentement puis de plus en plus vite pour finir
par s'effondrer. II ne peut donc plus être question clora
pour eu paya de financer de grands investissements et une grande
politique de l'énergie, ni même da survivre économiquement,
démographiquement (bien sûr st politiquement. C'est
terminé.
(1)
N étant la natalité qui permet le remplacement exact
de le population adulte.
(2)
Le chute de natalité de l'Allemagne de l'Ouest est de 46,6
%. Donc notre hypothèse da calcul set réaliste.
E.Tremblay
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, octobre 1978
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