Ceux
qui s'intéressent à l'Afrique et au Tiers-Monde,
dans un esprit de solidarité, liront avec intérêt
les prévisions sur
l'avenir de ces pays en fonction des taux de croissance démographique.
Ils saisiront les dangers d'un certain malthusianisme.
Pour
René Dumont et ses partisans, la disparition de
l'Occident européen est nécessaire à la survie
du Tiers Monde, pour lui faire et en lui faisant de la place.
Tout
une partie de l'opinion suit les théories anti-françaises,
anti-européennes, et au sens strict suicidaires de Monsieur
René Dumont, et cette partie contribue à soutenir
les lois de destruction démographique, et bien entendu
au premier plan la loi Veil.
Puisque
c'est pour le bien du Tiers Monde, la conscience universelle vous
fait un devoir de vous suicider, et pour être un bon citoyen
du monde, vous devez, vous et vos pays coupables, disparaître.
Voilà en clair la théorie en question. On pourrait
timidement et modestement opposer que nos pays ont aussi le droit
de vivre. Et ce droit nous permet de refuser le suicide. Cette
outrecuidance est évidemment indigne.
II
y a une autre théorie qui est celle des multinationales
Rockefélériennes qui pour être moins complètement
radicale aboutit sensiblement au même résultat.
Il
est urgent d'examiner cette importante question. Et nous prendrons
un exemple : l'Afrique et son problème démographique.
II faut dire que vouloir parler du problème démographique
africain en un texte correspondant à ½ heure de
conférence est une gageure, voire une impossibilité,
si l'on entend par là traiter de chaque état africain
séparément et successivement et dq ses propres problèmes
démographiques.
Nous
sommes donc contraints à voir le problème d'ensemble
et seulement l'essentiel.
Heureusement,
sauf cas particuliers, le problème démographique
africain se caractérise par un certain nombre de constantes
qui posent dans l'ensemble des problèmes de même
type. Et ceci rend possible un exposé aussi court.
Afrique
et croissance
L'Afrique
est un continent de près de 30 millions de km² (29
880 000 km²) comptant une population d'environ 425 millions
en 1978 avec une densité générale de 14,5
environ (donc faible).
Mais
cette population connaît une croissance rapide : 2,8 % dans
la moyenne 1970-1973, seulement dépassée pour cette
période :
Par l'Amérique Latine : 2,9 %.
Et l'Asie méridionale :2,9 %.
Mais
depuis, en Asie méridionale, notamment, la croissance a
nettement ralenti. De sorte que l'Afrique est parmi les continents
celui dont la croissance globale est avec l'Amérique Latine
la plus forte. Ainsi l'Afrique apparaît comme :
1) Un continent encore peu peuplé : 14,5 au km².
2) Mais en croissance rapide.
A quelques nuances près, avec évidemment des différences
individuelles plus ou moins marquées selon les pays, le
problème démographique africain est donc celui d'un
pays peu peuplé, mais à progression démographique
très rapide, c'est-à-dire à investissement
démographique très important, qui pose en soi les
problèmes habituels de tous les investissements démographiques
très importants.
Le
problème n'est pas l'incapacité de l'Afrique de
nourrir ses habitants peu nombreux, c'est le problème de
la capacité d'investissement économique des populations
adultes de proportion faible, par rapport aux jeunes, pour fournir
les emplois nécessités par l'investissement démographique
très intense et pour assurer la hausse du niveau de vie.
Cette
capacité financière des adultes en faible proportion
peut-elle financer les investissements nécessaires à
l'emploi des jeunes ? C'est la grande question.
En
d'autres termes, la capacité financière d'investissement
de la population adulte dans le développement économique
est-elle suffisante pour à la fois fournir les emplois
à une population jeune très nombreuse et assurer
le développement économique qui permet seul l'élévation
du niveau de vie ?
Avant
d'aborder le fond de la question, quelques remarques s'imposent
encore.
L'Afrique
est le théâtre de multiples conflits politiques,
militaires, de luttes d'influence, d'affrontements qui paralysent
son développement économique.
En
outre, son administration est médiocre et ses statistiques
économiques et démographiques incertaines. Les recensements
en Éthiopie, par exemple, sont-ils valables et certains
? Rien n'est moins sûr. Quelle est la valeur des mêmes
statistiques au pays de Bokassa (République Centre-Afrique)
ou d'Amin-Dada ? Combien y a-t-il vraiment de pygmées
?
Ceci
pour dire qu'il y a un certain coefficient d'incertitude dès
que l'on rentre dans le détail des statistiques africaines.
C'est
une raison de plus pour mettre l'accent sur le problème
global et pour ne rentrer dans le détail que dans certains
cas particuliers.
II
convient donc d'analyser avec précision ce qui se passe
globalement en Afrique avec les coefficients de développement
généraux que nous connaissons.
Analyse
démographique
Nous
avons analysé à d'autres occasions le développement
d'un phénomène malthusien en ses 3 phases, de 0
à 20 ans, de 20 à 65 ans et après.
II
convient donc aujourd'hui d'analyser en somme le phénomène
inverse, le déroulement des faits dans le développement
d'une population en croissance rapide, avec toutes les conséquences
que ceci comporte sur les plans démographique et économique.
Deux
remarques s'imposent encore :
1°)
Le phénomène malthusien commence à apparaître
par exemple en Égypte et en Tunisie où la fécondité
commence à diminuer. Mais il ne faut pas compliquer exagérément
les problèmes pour comprendre l'essentiel.
2°)
D'autre part, même à fécondité stable,
voire en baisse, il y a des phénomènes d'augmentation
de natalité, pour la raison essentielle suivante :
II y a en Afrique aussi une baisse lente ou rapide de la mortalité
de 0 à l'âge de la procréation, de sorte que
les générations en âge de procréer,
sont beaucoup plus importantes aujourd'hui qu'il y a 30 ans
par exemple.
Ceci
fait qu'il y a à partir du moment où les nouvelles
générations arrivent à l'âge de la
procréation, une variation en hausse de la natalité
absolue (même avec une baisse légère, voire
notable de la fécondité).
Dans
un souci de clarté, nous supposerons une variation de natalité
en hausse nette et brusque au temps T, de x % (20 % par exemple),
la natalité restant ensuite stable à son nouveau
niveau, et en chiffres absolus.
Le
phénomène évolue en trois phases :
de 0 à 20 ans après son début,
de 20 à 65 ans,
après
65 ans, comme tous les phénomènes de variation démographiques
par baisse ou hausse de la natalité.
1ère
Phase
Dans
la 1ère phase, de 0 à 20 ans, à partir de
T, donc de T à T + 20.
a) Rien ne change, sauf le nombre des jeunes qui augmente progressivement
et cette augmentation atteint x %, soit 20 % dans l'exemple choisi
à la fin de cette phase (T + 20).
Le
nombre des adultes
|
{
|
ne
changent
|
Le
nombre des personnes âgées |
{
|
pas,
toutes |
Le
rapport population âgée/population adulte |
{ |
choses
égales Par ailleurs.
|
L'accroissement
de la population continue bien entendu et s'exagère. II
y a immédiatement rajeunissement de la population par augmentation
de la proportion des éléments jeunes (abaissement
de, l'âge moyen).
b)
Économiquement :
La population adulte ne changeant pas, la capacité
productrice de cette population reste inchangée, toutes
choses égales par ailleurs (ou s'accroît du fait
des progrès techniques et de l'augmentation de ses propositions
de travail).
La population âgée ne changeant pas les charges
dues à la population âgée n'augmentent pas
toutes choses égales par ailleurs . En fait,
il y a tendance à l'augmentation de la population âgée
du fait des progrès de la médecine et de l'hygiène
qui atteignent aussi ces pays, avec bien entendu un retard sur
les pays développés.
La population jeune augmentant :
II
y a augmentation des charges dues aux jeunes.
II
y a baisse des disponibilités financières comme
dans tous les phénomènes d'augmentation de l'investissement
(le renouvellement de- la population adulte est un investissement).
II
y a augmentation du marché de consommation.
II y a augmentation de la production par augmentation du marché.
II y a accroissement de l'expansion (si la population adulte est
capable de s'imposer le travail supplémentaire imposé
par la situation).
II
y a diminution du chômage, la population adulte productrice
restant inchangée pour un marché de consommation
accru (ceci n'est vrai que dans la première phase d'un
cycle à début net évoluant à l'état
pur). II n'en n'est pas ainsi quand les cycles se succèdent
et quand la deuxième phase d'un cycle antérieur
se superpose à la première phase d'un cycle suivant.
Cette
augmentation du marché de consommation est importante,
puisque dans un pays comme l'Algérie, une augmentation
brusque de natalité de 200 000 d'une année sur l'autre
et restant ensuite stable ferait en 20 ans une augmentation de
4 000 000 d'unités, soit près de la moitié
de la Belgique (il y a eu en fait en Algérie plus qu'un
doublement de population de 1960 (9 millions) à 1978 (18,5
millions), soit un excédent annuel de plus de 500 000 par
an, mais qui ne porte pas uniquement sur les jeunes).
Les
phénomènes défavorables qui sont :
L'augmentation des charges dues aux jeunes.
La baisse des disponibilités financières.
La tendance à la baisse des possibilités
d'investissement économiques (une part importante des moyens
économiques étant accapparée par l'investissement
démographique) sont masqués et compensés
par des phénomènes favorables.
L'augmentation du marché de consommation.
L'augmentation de la production par augmentation du marché
de consommation et du travail pour satisfaire à cette augmentation
de production, augmentant la masse économique du pays.
L'accroissement de l'expansion de la production.
La diminution du chômage (observée dans la première
phase d'un cycle à début net évoluant à
l'état pur).
La réinjection dans l'économie de toute la masse
financière correspondant à l'accroissement de la
consommation et de la production, augmentation qui induit en soi
et sous-tend des investissements économiques (en l'absence
d'obstacles particuliers, structurels ou administratifs).
La
satisfaction des besoins liés à l'investissement
démographique plus élevé peut prélever
sur le niveau de vie courante, et sur les investissements économiques,
mais en réalité, elle en suscite pour produire plus.
Heureusement,
en effet, les sommes correspondant à l'accroissement de
la consommation et de la production sont réinjectées
dans l'économie, et peuvent permettre, dans une certaine
mesure le financement des investissements économiques d'accroissement
de productivité nécessaire. Tout repose dans cette
période sur le travail accru de la population adulte productrice.
2ème
Phase
2°)
La deuxième période va de T + 20 à T + 65 :
Les
générations jeunes augmentées entrent dans
la période adulte, donc dans la population active.
Le nombre des jeunes est augmenté de x %, et il n'augmente
plus dans l'exemple choisi et l'hypothèse retenue d'un
chiffre absolu stable de natalité.
Le nombre des adultes augmente progressivement et à
la fin de cette période, il aura augmenté de X %
(20 % dans l'hypothèse retenue).
Le nombre des personnes âgées ne change pas,
toutes choses égales par ailleurs ou augmente (et en fait
augmente du fait des progrès médicaux et d'hygiène
pendant 45 ans, qui même dans ces pays se produisent mais
avec un retard sur les pays développés).
Le rapport population âgée/population adulte
diminue (mais moins que prévu). II aura diminué
de X % au maximum, toutes choses égales par ailleurs (et
en fait de moins de X, pour la raison expliquée cidessus).
La diminution X est un maximum qui ne sera pas atteint.
L'accroissement de la population continue.
Le vieillissement diminue, tant que les générations
augmentées sont au-dessous de l'âge moyen. Quand
elles franchissent cet âge moyen, et le dépassent,
la diminution du vieillissement se ralentit, et même peut
s'arrêter (tout est une question de proportion).
Économiquement :
La population jeune est forte mais stable (dans l'hypothèse
choisie).
La population adulte augmente de plus en plus et sera à
la fin de cette période de X % supérieure à
ce qu'elle était.
La capacité productrice augmente dans les mêmes
proportions toutes choses égales par ailleurs (c'est-à-dire
à condition qu'elle ait du travail, et plus vite que son
nombre si ayant du travail, il y a, en même temps progrès
technologique et scientifique.
La population âgée ne change pas ou augmente.
Le rapport, population âgée diminue de X %
(population adulte au maximum mais en réalité de
moins de X.)
Les charges liées à la partie âgée
(charges médico-sociales et retraites) diminuent sérieusement,
mais de X au maximum, en réalité de moins de x (si
les progrès de la médecine et de l'hygiène
augmentent la population âgée de x, c'est-à-dire
du même pourcentage que l'augmentation de la population
adulte, ce rapport ne diminue pas, mais il n'augmente pas).
La population adulte a moins de charges dues à la
partie âgée, dans les proportions indiquées
ci-dessus.
La capacité d'investissement (qui est ce qui reste
de la production économique quand on a prélevé
les dépenses de vie courante et les charges médico-sociales
et des retraites) s'accroît, à condition que la population
adulte travaille, ne soit pas au chômage.
L'accélération économique qui était
due dans la première période à l'augmentation
du marché de consommation (alors que la partie adulte productrice
était inchangée) est due maintenant en plus à
la hausse de la capacité humaine de production et à
la hausse des moyens d'investissement (à la condition toujours
que la population adulte soit au travail.
Les progrès technologiques et scientifiques qui
exigent précisément des investissements pour être
réalisés sont supérieurs aux prévisions.
Les retraites peuvent être payées sans tendance
inflationniste (proportion diminuée de l'argent donné
sans travail en échange) du fait de la baisse du rapport
population âgée/population adulte, mais on a vu que
cette baisse était moins forte que prévu et pouvait
à la limite disparaître.
Le financement des retraites par répartition est
évidemment largement assuré, puisque le nombre des
adultes payeurs s'accroît fortement (de x %).
Les disponibilités financières s'accroissent,
à condition toujours que la population adulte soit au travail.
II
s'installe ainsi dans cette période un phénomène
d'expansion de l'économie, d'expansion de l'investissement,
aboutissant au progrès technologique et au développement,
à condition encore une fois que la population adulte accrue
soit employée, et pas au chômage. Tout est là.
Tout
réside donc dans la capacité de création
d'emplois donc d'investissement économique que la population
adulte de la première période, soumise aux charges
élevées de l'investissement démographique
élevé est capable d'assumer.
Si
elle est capable de fournir les emplois aux jeunes qui s'insèrent
dans la vie active précisément dès le début
de cette deuxième période, tout va bien. Et nous
verrons que c'est là le centre même du problème.
3ème
Phase
3)
La troisième période part au delà de T +
65
Les générations accrues atteignent la vieillesse.
Pour la première fois, le nombre des personnes âgées,
stable toutes choses égales par ailleurs, en réalité
croissante du fait des progrès de la médecine et
de l'hygiène en un demi siècle, vont croître
en outre, du fait de l'augmentation de l'effectif des générations
qui leur donnent naissance (et de l'arrivée de ces générations
plus importantes dans la vieillesse).
Comme nous avons pris comme hypothèse de départ
une augmentation de natalité X, mais qui reste stable par
la suite, à partir de cette période, les populations
jeunes et adultes restant stables, toutes choses égales
par ailleurs, pour la première fois, c'est le nombre des
personnes âgées qui va s'accroître.
Le
rapport population âgée population adulte, commence
à augmenter.
Et les charges pour la population adulte dues aux personnes âgées
vont augmenter.
L'expansion réalisée dans la première
et la deuxième période doivent permettre de supporter
cette augmentation de charges.
La masse économico-démographique du pays concerné
aura augmenté de X. II y aura eu rajeunissement de cette
population, tant que les jeunes augmentent de X seront au-dessus
de l'âge moyen, mais renversement de la tendance, à
partir du moment où ces jeunes ne le seront plus et passeront
au-dessus de l'âge moyen.
Chances
et fardeau de l'Afrique
Voici
schématiquement résumé ce qui se passe dans
les pays en expansion démographique, lors d'un cycle â
début brusque, les niveaux élevés restant
stables ensuite.
Ces
phénomènes ne sont pas défavorables et ces
pays, au lieu d'être voués àla mort et à
l'anéantissement, comme certains de nos pays occidentaux
vivront, et progresseront, même y compris sur le plan économique.
Ceci n'est pas pour nous étonner. N'oublions pas que le
pays qui a connu une des plus fortes expansions démographiques
du monde, à savoir les États-Unis d'Amérique,
dont la population s'est multipliée par 40 en un siècle
3/4 (5 millions en 1800, 215 millions en 1978), est devenu le
pays le plus riche du monde.
II
y a cependant des difficultés liées essentiellement
à la capacité de la population adulte de fournir
les emplois nécessaires aux jeunes.
Pour
mieux saisir la dimension du problème, il nous apparaît
intéressant de prendre deux exemples concrets
L'Algérie et l'Égypte, on pourrait en prendre d'autres.
Algérie
1)
L'Algérie connaît actuellement une explosion démographique.
Sa population qui était de 9 millions en 1960, de 12 en
1966, est de 18,5 en 1978 (elle sera probablement de 35 millions
en l'an 2000).
Et
surtout en 1977, les moins de 18 ans représentaient 54
% de la population, soit 9 990 000 ou 10 millions en
chiffres ronds. La partie âgée de plus de 65 ans
doit représenter environ 5 à 6 % soit environ 1 000 000.
Autrement
dit, la population adulte de 18,5 - 10 - 1 : 7,5 millions adultes,
et 3 750 000 hommes doit non seulement travailler pour
elle, et assurer son propre emploi, mais encore assurer la création
d'emplois nécessaires à l'incorporation des jeunes,
soit 10 000 000 en une vingtaine d'années, soit
500 000 par an, et avec un emploi féminin de 50 % :
375 000 par an, ou si les femmes ne travaillent pas du tout
250 000 par an. Ceci doit être sécrété
par une population adulte masculine de 3 750 000 actifs.
C'est
ce qu'il faut que la France fasse pendant 8 ans pour sortir de
la crise. Mais ceci doit être sécrété
par 21 000 000 d'adultes au travail et non 3 750 000
qui ont à leur charge les 10 000 000 de jeunes
en question. C'est-à-dire que l'effort de création
d'emploi doit être six fois plus élevé en
Algérie qu'en France par adulte productif. Et l'on sait
que la France actuelle ne parvient pas à sortir de sa crise
de l'emploi. L'effort de création en France dans la décennie
60-70, sans crise a été de 100 000 par an.
L'effort algérien doit donc être 6 x 3,75 = 22,5
fois plus élevé que celui de la France d'alors.
Ce chiffre n'étant diminué que par la proportion
de l'emploi féminin algérien actuel (10 à
12 %, si le taux est comme en Égypte).
L'impasse
est certaine sans d'énormes apports financiers extérieurs.
Égypte
2)
L'Égypte : La situation est de même nature que la
situation algérienne, avec une expansion de 19,2 millions
en 1947, à 38,2 millions en 1978, avec ici aussi une population
de moins de 18 ans dépassant 60 % de l'effectif total et
une population âgée de 6 % environ. Le travail adulte
féminin non agricole n'étant encore que de 12 %,
c'est sur la population adulte masculine de 8,4 millions et adulte
féminine de 12 % de 8,4 : 1 000 000 environ que
doit reposer le financement de la création d'emploi nécessaire
aux 19 millions de jeunes, soit 1 000 000 par an pendant
19 ans. Ceci doit être supporté par 9,5 millions
personnes environ.
En
France, les 375 000 emplois annuels nécessaires pour
résoudre la crise en 8 ans, ou les 500 000 nécessaires
pour la résoudre en 5 ans doivent être supportés
par 21 millions d'adultes. Et la France prospère sans crise
des années 60-70 n'a fait que 100 000 emplois par
an, soit 1 000 000 en 10 ans. C'est ce que l'Égypte
doit faire chaque année (soit 10 fois plus), avec seulement
9,5 millions adultes actifs pour supporter l'effort, soit un effort
22 fois plus grand par adulte actif.
Et
l'exemple de l'Égypte n'est pas l'exemple maximum, car
l'Égypte n'a pas la croissance la plus forte de l'Afrique.
Son taux d'accroissement annuel est de 2,2 %, alors que celui
de l'Afrique globale était de 2,8 dans la moyenne 70-73
doit se situer autour de 2,7 actuellement.
Ces
considérations statistiques montrent où est le point
central de la question.
Le
point central
Dans
ces pays, le point central réside dans la capacité
ou non pour la population active qui effectue un accroissement
de natalité, de fournir 20 ans plus tard les emplois nécessaires
à l'insertion des jeunes dans la vie active. II faut à
la fois subvenir aux besoins de la population jeune dans sa phase
d'inactivité, et préparer les emplois nouveaux nécessaires
à l'insertion de ces jeunes dans la population active.
Tout est là. II faut aussi que cette population adulte
active effectue les investissements nécessaires à
l'accroissement de sa productivité au maintien de sa compétitivité
sur le plan économique international et â l'accroissement
de son niveau de vie, car ces pays vivent le plus souvent avec
un niveau de vie extrêment bas, au-dessous du minimum indispensable.
La solution du problème est facilitée par la faiblesse
des charges dues â la partie âgée de la population
faible dans ces pays, alors qu'elle est très élevée
en Europe Occidentale.
II
faut évidemment que cette population active travaille énormément
(ce qui est un facteur d'augmentation de la masse économique).
Et
il reste que ces pays vivent avec des disponibilités financières
très faibles (sauf cas particuliers, comme la Libye par
exemple, pour des raisons bien connues), et un niveau de vie très
bas.
Donc,
le centre du problème est la capacité d'investissement :
1)
Dans la création d'emplois nouveaux de la population adulte
initiale, c'est-à-dire celle qui supporte l'investissement
démographique élevé.
2)
Dans l'élévation de la productivité et de
la compétitivité.
(Des
pays comme la Libye qui ont de grandes ressources pétrolières
(100 millions de tonnes par an) et de très importants capitaux
ont tous les moyens de financement, des emplois nouveaux nécessaires
â leur population adulte et à l'insertion des jeunes
dans cette population.)
II
n'est pas possible en effet que chaque adulte actif de ces pays
fasse un effort de création d'emploi plus de 20 fois supérieur
à celui de la France de la décennie 60-70, c'est-à-dire
avant la crise.
Et
la majorité n'ont pas les moyens de résoudre leurs
problèmes.
Et
c'est ici que l'Occident Européen devrait intervenir. Et
c'est là aussi que la catastrophe démographico-économique
de l'Occident Européen prend une importance décisive
et peut empêcher l'Afrique de résoudre ses problèmes.
Expliquons-nous : Si l'Occident conserve des moyens financiers
élevés, il peut réaliser des investissements
qui permettent à l'Afrique de résoudre ses problèmes
de création d'emplois.
S'il
ne conserve pas ses moyens, il ne pourra pas. La question centrale
est bien toujours la même qui va payer dans tous les cas
où ce sera nécessaire ?
Dans
la catastrophe démographique de l'Occident, il y a deux
phases :
1)
L'une pendant laquelle il y a augmentation des disponibilités
financières. C'est la première phase. II pourrait
donc payer pendant cette phase. Mais elle est transitoire et sans
lendemain et fera place à une période où
les disponibilités financières vont s'effondrer.
II faut donc que l'Occident garde ses disponibibilités
pour relancer ses propres investissements démographiques
et économiques, corriger sa crise démographique
et économique et empêcher l'apparition de la deuxième
période irrécupérable. II ne peut donc pas
disposer sans compter de ses disponibilités financières
actuelles. Seul ce qui reste après correction de sa propre
crise reste disponible.
2)
La deuxième phase de la catastrophe démographique
occidentale se caractérise entre autres par l'effondrement
des disponibilités financières, effondrement qui
est définitif. II faut donc tout faire pour empêcher
l'arrivée de cette deuxième phase inéluctable
dans les perspectives actuelles ; il est évident que cet
effondrement interdit tout rôle à l'Occident Européen
dans le financement des investissements africains.
II
apparaît ainsi que la solution du problème africain
passe par la correction de la crise démographico-économique
occidentale actuelle.
C'est
la clé du problème. Loin donc de faire de la place
pour le Tiers Monde et l'Afrique, comme dit M. René
DUMONT, et d'apporter ainsi la solution à son problème,
la catastrophe démographique occidentale européenne
interdit au contraire à l'Europe de contribuer à
la solution du problème de l'Afrique. On en a compris clairement
les raisons. Ce n'est pas le vide européen, la transformation
de l'Europe Occidentale en un immense hospice écrasant
une population adulte squelettique aux ressources absorbées
entièrement ou presque par l'entretien de cette très
importante population âgée, et donc sans disponibilités
qui peut aider à résoudre le problème africain.
C'est une Europe aux puissants moyens financiers et humains qui
peut contribuer à la solution de ces problèmes (les
USA ne pouvant pas tout faire). C'est donc par la solution de
la crise démographico-économique européenne
occidentale que passe la solution du problème africain.
Car, on ne voit pas comment ces pays pourraient résoudre
seuls leurs problèmes. La solution de ce problème
est donc la condition première à la solution du
problème africain, mais il y a encore des choix fondamentaux
à faire.
II
faut en effet que ces pays sautent les étapes intermédiaires
des progrès de productivité.
Leurs
besoins sont tellement énormes, qu'il faut d'emblée
qu'ils puissent disposer des technologies productives les plus
efficaces, qu'il s'agisse de l'énergie, de l'industrie
ou de l'agriculture et de l'ensemble de l'économie.
Le
problème est alors double :
1°)
C'est toujours un problème financier, et nous revenons
à ce qui a été dit plus haut.
2°)
C'est ensuite un problème d'hommes et de formation des
hommes et d'éducation.
Car
ces technologies supposent un haut développement sur le
plan intellectuel. C'est aussi là que réside un
des grands problèmes, et peut-être sinon la principale
(car le problème financier est énorme), du moins
une des très grandes difficultés. Car, cette technologie
hautement productive ne peut être conçue et utilisée
que par des personnes de haut niveau technologique. Et on ne fait
pas passer des gens du niveau du certificat d'études primaires
à celui d'ingénieur des grandes écoles par
un coup de baguette magique.
Ce
problème de la formation des hommes est très important.
Et l'Occident indispensable à la solution du problème
financier, peut avoir là aussi un rôle très
important, rôle transitoire et rôle de relai, mais
fondamental en attendant que ces pays sous-développés
puissent eux-mêmes avoir les hommes capables de maîtriser
ces techniques de haute productivité et forcément
de haut niveau. Donc, l'Occident peut seul apporter une solution
à ce problème aussi sur le plan des hommes, à
condition qu'il ne soit pas détruit démographiquement
et que ce qui se passe actuellement précisément
cesse, d'urgence.
En
résumé
Contrairement
à une théorie sommaire des vases communicants sans
aucun fondement scientifique qui voudrait que l'effondrement démographique
de l'Occident compensant l'expansion démographique du Tiers
Monde et de l'Afrique en particulier, joue un rôle favorable
dans la solution des problèmes de ces pays (thèses
de René DUMONT), nous arrivons à une conclusion
opposée fondée sur les trois constatations suivantes :
1°)
L'expansion démographique africaine, malgré une
certaine baisse (en Égypte par exemple et en Tunisie) reste
considérable.
2°)
II y a un énorme problème de création d'emplois
pour résoudre la question de l'insertion des jeunes dans
la vie active.
3°)
L'Occident est seul à pouvoir fournir les moyens financiers
et humains nécessaires à ces créations.
Et
nous aboutissons à cette conclusion que l'effondrement
démographique de l'Occident, à part une période
d'augmentation des disponibilités financières tout
à fait passagère, amène l'effondrement de
ces disponibilités financières et la suppression
des moyens humains et économiques permettant de résoudre
la question.
C'est
donc par le redressement démographico-économique
de l'Occident que passe la solution du problème africain.
Il faut que l'Occident puisse restaurer à la fois sa situation
démographique qui commande son économie future et
sa situation économique. pour pouvoir résoudre ce
problème.
Sans
quoi, nous ne voyons pas de solution aux problèmes de ce
continent.
L'utilisation
pour lui et par lui des techniques les plus avancées et
les plus productives en énergie et en puissance écnomique
exige non seulement de grands moyens économiques, mais
encore des moyens humains importants, que ce continent n'a pas,
car ces technologies avancées ne peuvent être manipulées
et utilisées par des gens n'ayant pas la formation nécessaire.
C'est
donc nécessairement l'Occident qui peut principalement
fournir ces moyens, ne serait-ce qu'à titre de relais,
en attendant que les africains eux-mêmes puissent atteindre
le niveau de compétence nécessaire.
Ainsi
nous comprenons très bien par l'exemple Africain que le
Tiers Monde et entre autre l'Afrique ne peuvent pas résoudre
leurs problèmes sans l'aide de l'Occident Européen,
mais que la )ère condition sine qua non pour sauver
le Tiers Monde est que l'Occident se sauve lui même et se
relève sans délai. de sa dramatique crise démographico-éconornique.
Le
suicide Ouest-Européen est bien une catastrophe pour le
Tiers Monde.
Dr
E. Tremblay
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, novembre 1979
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