Devant
le fléau de l'avortement volontaire, l'opinion et les pouvoirs
publics, inquiets, veulent trouver des remèdes, en France
et à l'étranger. Celui qui semble le plus logiquement
efficace, c'est l'officialisation, la légalisation, la
diffusion intensive de la contraception.
Un
des arguments les plus utilisés pour faire accepter le
projet da loi Neuwirth, c'était la prévention, la
prophylaxie de l'avortement. « Donnons à
tous les couples la possibilité de n'avoir que des enfants
désirés et nous verrons disparaître l'avortement
provoqué. »
Ceci
paraissait irréfutable.
Et pourtant, on peut armer que, bien au contraire, la contraception
légalisée conduit à l'avortement.
Ceci
est surabondamment éprouvé, et depuis de nombreuses
années, .par des études .faites dans les pays étrangers.
Voici
quelques-uns des faits rapportés par le Père de
Lestapie, dont la compétence est de notoriété
mondiale, dans les Fiches documentaires du C.L.E.R.,
numéro de mai 1966 :
En
1955, le Dr Westmtan déclarait au Vème Congrès
international de la Patenté planifiée : « Les
promoteurs de la loi du 17 juin 1938, officialisant en Suède
la contraception, avaient espéré que cette loi apposerait
une barrière efficace à l'avortement criminel ;
cependant, son efficacité n'est pas arrivée à
combler les espérances... Il a même été
admis que le nombre d'avortements criminels n'a été,
depuis lors, qu'en s'accroissant... ».
En
Hollande, le Dr Van Emde Boas déclare que les avortements
ont abaissé de 10 à 1 grâce à la contraception
scientifique. Cependant une enquête, en 1939, montre un
taux d'avortement provoqué de 13,8 pour 100 grossesses
indésirées, pour un certain groupe de femmes. Après
l'affiliation de celles-ci à un organisme diffusant la
contraception, cc taux est passé de 13,8 à 49 %.
En Inde, dont on connaît
pourtant le respect de la vie, plusieurs études aboutissent
aux mêmes conclusions. M. Raina, directeur des services
de Family Planning au ministère de la Santé à
New Delhi déclare :
« C'est dans le groupe des femmes utilisant les
contraceptifs que l'on a vérifié le phénomène
très manifeste d'un taux d'avortements nettement supérieur. »
M.
Agarwala, démographe, affirme : « Le taux
le plus fort d'avortement provient de foyers contracepteurs réguliers
qui se sont trouvés face à une grossesse indésirée
du fait d'un échec du moyen contraceptif employé ».
Au
Japon, le Dr Koya, président de l'Institut de Santé
publique, rapporte le nombre d'avortements provoqués dans
trois groupes de femmes représentant, le premier, des non
usagères de la contraception en régions dépourvues
d'instruction anticonceptionnelle ; le deuxième, de
femmes usagères de la contraception en ces mêmes
régions dépourvues d'information contraceptive ;
le troisième, d'usagères de la contraception en
régions où avait été donnée
une intensive instruction anticonceptionnelle. Le taux d'avortement
de chaque groupe fut respectivement de 23, 61 et 71 pour 100 femmes.
D'où la conclusion « on a le droit de considérer
que l'usage des contraceptifs favorise l'avortement provoqué
chez les personnes qui se proposent de limiter leur conception ».
Au
IIème Congrès mondial de la Population à
Belgrade en septembre 1965, où nous étions observateurs,
le Dr Koya a déclaré :« C'est pour
cela que je veux souligner la prudence avec laquelle il faut élaborer
une législation de l'avortement provoqué ».
Après
ces quelques exemples, choisis parmi bien d'autres, nous allons
essayer de comprendre pourquoi la contraception légalisée
favorise l'avortement, ce qui est contraire à toute logique
apparente.
Tout
d'abord il est temps de préciser que nous employons le
terme de contraception pour désigner l'ensemble des moyens
artificiels utilisés pour éviter la fécondation
d'une façon réversible, la stérilisation
étant irréversible.
Ceci
dit, il faut remarquer que, en tout cas, la contraception n'empêche
pas l'avortement car elle n'a pas, et de loin ! l'efficacité
qu'on lui attribue en général ; nous reviendrons
sur ce point dans un instant.
Quand
donc les autorités d'un pays ont reconnu le droit des couples
à limiter leur fécondité en légalisant
la contraception, comme cela n'empêche pas pour autant les
grossesses-surprise, l'opinion réclame alors, avec une
certaine logique, la légalisation de l'avortement.
C'est
ce à quoi nous assistons en France en ce moment, et c'était
non seulement prévisible, mais inéluctable.
De
plus, la résistance psychologique des couples à
l'avortement est amoindrie par l'usage habituel des anticonceptionnels,
comme si l'habitude pour les couples d'intervenir sur le processus
de la génération, de manipuler les sources de la
vie, diminuait leur répugnance à intervenir sur
la vie déjà commencée.
Au
Japon par exemple, on a remarqué que 39 % seulement
des femmes ayant commencé par l'avortement l'abandonnent
pour la contraception, tandis que 59 % de celles qui utilisaient
d'abord la contraception passèrent ensuite à l'avortement.
Et
même le seuil de cette résistance psychologique du
couple s'abaisse à mesure que le .nombre d'avortements
provoqués augmente.
On
a constaté, par exemple, dans ce même pays, que sur
100 femmes ayant accouché, 2,5 % seulement sont de
nouveau enceintes 6 mois après.
Tandis
que 6 mois après un avortement, 32,8 % des femmes
sont à nouveau enceintes et, 1 an après, 50 %.
En
Suède, le Dr Westman, déjà cité, pense
même que le nombre des avortements entraînés
par la législation de la contraception augmente de plus
en plus, parce que, dit-il, « la possibilité
d'interrompre la grossesse est devenue un sujet courant de discussion ;
il en résulte, de ce fait, que le concept d'avortement
s'est généralisé dans la population au lieu
de disparaître ».
Quelles
que soient les explications, et celle-ci est certainement valable,
il est surabondamment prouvé, dans de nombreux pays, que
le nombre des avortements ne fait qu'augmenter d'année
en année.
En
Hongrie, par exemple, le nombre des avortements légaux
est passé de 1 700 à 180 300 entre 1950
et 1965, soit en 15 ans. Il est intéressant de remarquer,
au passage, que cela n'a pourtant guère influencé
le nombre des avortements non légaux puisque, pendant le
même temps, ils sont passés de 34 300
à 33 700, soit 600 de moins.
Là
encore nous sommes en présence de faits contraires à
la logique, du moins en apparence. Ne nous laissons donc pas intoxiquer
par les campagnes savamment orchestrées qui voudraient
nous faire croire que la contraception est préventive de
l'avortement et que l'avortement légalisé fait disparaître
l'avortement clandestin.
Revenons sur le sujet des moyens anticonceptionnels.
Que
demande le couple ? Un procédé efficace, inoffensif
et acceptable.
Qu'en
est-il donc à ce triple point de vue ?
Si
l'on exclut l'injection, la "douche" vaginale, pratiquement
inefficace, les procédés mécaniques
rapport interrompu, préservatif maseulin et féminin
donnent de 8 à 34 grossesses surprise pour 100 femmes
par an. Donc efficacité .assez limitée.
Le
"stérilet" fait mieux : 1,8 à 11,9,
mais son acceptabilité est médiocre du fait notamment
des complications médicales qu'il entraîne. Ce qui
fait que, au bout de 3 ans d'utilisation, dans une statistique
de Tiezte ; portant sur 29 753 insertions, il n'y a plus
qu'environ 50 % des femmes qui sont encore appareillées.
Notons
au passage qu'il s'agit d'une technique abortive et non contraceptive,
car elle empêche la nidation, l'implantation de l'ovule
fécondé dans l'utérus, détruisant
ainsi une vie commencée depuis quelques jours.
L'efficacité
de la "pilule" est remarquable quand elle est prise
très régulièrement : environ 1 grossesse
pour 100 femmes par an. Mais c'est un échec dans les
pays en développement. Ses inconvénients médicaux
ne doivent pas être surestimés, mais pas non plus
minimisés : il est absolument illogique de donner
à une femme bien portante un médicament qui agit
si profondément sur l'organisme. N'oublions pas que les
médecins sont condamnés par les tribunaux, s'ils
provoquent un accident thérapeutique, pour n'avoir pas
préféré un médicament inoffensif à
un autre qui pouvait être dangereux, même avec une
faible probabilité. Et pourtant il s'agissait de guérir
un malade, ce qui n'est certes pas le cas avec la "pilule".
Quant
à l'acceptabilité psychologique des moyens anticonceptionnels
en général, elle est également beaucoup moins
bonne qu'on ne pourrait le croire par le simple interrogatoire
des usagers. Car l'exploration de leur subconscient et même
de leur inconscient révèle une frustration profonde
du désir de maternité qui est probablement responsable
de ces "gestes manqués" que sont parfois l'oubli
de prendre sa pilule ou de mettre son diaphragme.
Voici
une citation tirée du supplément au n° 5 du
Torchon qui brûle, journal prenant des positions
analogues à celles du M.L.F. et de Choisir :
Prescrire la contraception
ne supprime pas l'aliénation de la femme, pas plus que
les somnifères, prescrits pour calmer les crises d'angoisse,
n'en suppriment la cause. Dans les deux cas on ne pose pas la
question du rapport du corps à l'inconscient... La contraception
que nous voulons... ce serait pour nous se vouloir identique aux
hommes, ce serait refuser l'ovulation, le fonctionnement de la
matrice, c'est-à-dire refuser la seule chose qui, pour
l'instant, nous permet de nous... identifier en tant que femme.
Autre citation, tirée cette fois du courageux rapport de
Mme le Dr Lagroua Weill-Halle, fondatrice du Planning familial
en France aux "États généraux de la
Femme" à Versailles, le 22 octobre 1970 :
Se peut-il que de représenter
la maternité sous un jour caricatural (allusion à
l'affirme de l'homme enceint) ou comme un malheur et d'inciter
les femmes à demander des conseils de contraception, dont
l'efficacité est contestable, les conduisent vers la liberté ?
Les
campagnes en faveur de la libéralisation de l'avortement
se multiplient à travers le monde pour tenter de pallier
l'échec général de l'application des mesures
contraceptives et comme pour le masquer.
La diffusion de techniques contraceptives telles que les pilules
ou le stérilet, n'a pas réussi à résoudre
le problème mondial de la natalité.
Les
pilules sont encore à la mode en France, elles le sont
moins aux U.S.A. ou la vente baisse régulièrement.
Elles n'ont jamais été en vogue au Japon où
cependant elles sont en vente libre : 150 000 femmes
seulement les utilisent, car le ministère de la Santé
n'a pas voulu donner aux médecins la responsabilité
de prescrire des produits dont tout le monde ignore les effets
à long terme.
De même en Union Soviétique, les pilules ne sont
délivrées que parcimonieusement, car elles sont
jugées nuisibles au fonctionnement normal de l'organisme
féminin, par les experts scientifiques de la Santé
publique...
Le stérilet connaît encore une certaine faveur en
Europe malgré ses inconvénients et ses échecs...
Le Japon... n'autorise son utilisation que pour la recherche.
Ce
sont les Européennes qui sont friandes des stérilets ;
beaucoup moins les Indiennes.
A Calcutta, d'où je reviens, j'ai noté inscrit
sur le bureau de la Ford Fondation le nombre des insetions
de stérilets : 164 387 en 1965-1966, 21 560 en
1968-1969.
Déjà au Congrès de Dacca, en février
1969, les rapporteurs avaient conclu à l'échec général
des mesures contraceptives dans les pays en voie de développement.
Nous
avons tenu à rapporter ces citations car elles ont un poids
considérable quand on sait qu'elles proviennent d'une personnalité
qui n'est pas suspecte de partialité vis-à-vis de
la contraception puisqu'elle s'est vouée à la faire
connaître en France et à la diffuser.
Après avoir prouvé que la contraception n'est pas
préventive de l'avortement, puis expliqué pourquoi
il en est ainsi, nous voudrions terminer en indiquant ce que l'on
peut faire.
Au
niveau du couple, sans aborder les aspects socio-économiques,
nous disons qu'il y a une solution au problème de l'avortement,
c'est la régulation des naissances basée sur la
connaissance de la biologie de la reproduction humaine et très
spécialement du rythme féminin.
A
partir de cette connaissance il devient possible d'aboutir à
une intégration de la sexualité dans l'amour, grâce
à un travail d'éducation populaire auprès
des jeunes et des couples.
Le
test thermique permet de repérer avec précision
des périodes d'infécondité de la femme. Son
efficacité dans la prévention de la grossesse est
reconnue et publiée depuis plusieurs années comme
égale à celle de la pilule bien prise.
Dalsace
et Palmer dans leur livre La Contraception, édité
en 1966 aux P.U.F., indiquent qu'elle a « un taux
d'échec inférieur à 1 pour 100 femmes
par an ». Plus récemment Tietze, de New
York, confirmait cette efficacité et indiquait qu'elle
est la même que celle due à la stérilisation
féminine par ligature et résection des trompes.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, cette régulation
des naissances est accessible même aux plus pauvres, voire
aux illettrés, comme la preuve en a été faite
non seulement en France, mais à l'île Maurice (grâce
aux Drs F. et M. Guy), aux Philippines, en Inde où Mère
Térésa la fait diffuser par ses religieuses :
plusieurs milliers de couples, la plupart analphabètes,
utilisent déjà le test thermique.
En Colombie, dans les bidonvilles de Cali, grâce à
plusieurs centres d'éducation populaire que nous avons
pu visiter cet été, le taux de fécondité
est passé de plus d'une grossesse par an (avec les fausses
couches) à une grossesse tous les 9 ans, chez les mêmes
femmes.
En
même temps que les couples apprennent ainsi à régler
leur fécondité par l'abstinence périodique
éclairée par la courbe thermique, on constate leur
croissance en amour et en valeur de personne entraînant
une véritable promotion humaine et sociale particulièrement
manifeste chez les plus déshérités. Tous
les couples ainsi éduqués, y compris au Canada,
aux U.S.A., en France, en Europe de l'Est, à Formose, etc.,
acquièrent une autonomie par rapport au problème
de leur fécondité, au lieu de rester dépendants
de techniques contraceptives. Au lieu de faire confiance à
la technique, on fait confiance aux personnes qui, une
fois formées sont devenues capables de conduites régulatrices
de leur fécondité, librement et lucidement.
Ceci
est le témoignage unanime de tous les couples éducateurs
qui aident les couples en difficulté, après avoir
reçu .une formation adéquate. Notons au passage
que cette action de couple à couple est fondamentale.
Ce ne sont pas des techniciens qui s'adressent à des élèves,
mais des époux qui partagent fraternellement la
découverte qu'ils ont faite avec d'autres foyers en détresse.
Nous
pouvons tous témoigner que, parmi les fruits de cette aide,
on constate un rapport de l'homme qui est devenu capable
de mieux assumer ses responsabilités, notamment dans le
domaine de la procréation, un respect de la femme
et de sa fécondité potentielle, au lieu de sa dévalorisation
par l'amputation de cette fécondité qui aboutit
trop souvent à la transformer en un objet de plaisir.
On
constate enfin un respect de l'enfant considéré
comme une valeur, et c'est pourquoi on refuse de procréer
quand les conditions ne permettent pas de bien l'accueillir et
de bien l'élever. Remarquons au passage que la propagande
contraceptive présente au contraire l'enfant comme une
"tuile", un malheur, voire une catastrophe qu'il convient
d'éviter par tous les moyens, fussent-ils déshumanisants.
Quoique
le temps manque cruellement pour montrer d'une façon plus
évidente à quelle transformation positive du couple
et de la famille aboutit cette éducation basée sur
la connaissance du cycle féminin, nous espérons
avoir pu faire comprendre à quel point cette transformation
est la meilleurs prévention de l'avortement. Les faits,
d'ailleurs, confirment cette assertion.
Parmi
ces couples que nous aidons ainsi, s'il survient quand même
une grossesse involontaire, par mauvaise utilisation du test thermique,
nous n'avons pratiquement jamais observé qu'elle aboutisse
à un avortement provoqué.
Forts d'une expérience datant de près de 20 ans,
nous pouvons affirmer que la solution du problème de l'avortement
n'est pas dans la contraception. Elle est, au contraire, dans
une régulation des naissances découlant d'une authentique
éducation de l'amour et de la sexualité, basée
sur la connaissance de la personne humaine ainsi profondément
respectée.
Docteur
C. RENDU *
Président du Centre de liaisons des Équipes
de Recherche (C.L.E.R.)
Vice-président de Laissez-les-Vivre
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, juin 1973
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