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IMPRIMERL'injuste agresseur

Les cas pathologiques qui légitimeraient l'avortement, au dire de ses promoteurs, sont de deux sortes : ceux qui concernent l'enfant, ceux qui concernent sa mère. Tantôt en effet, c'est l'enfant lui-même qui est menacé d'infirmité, tantôt c'est la mère qui est menacée dans sa santé par une grossesse anormale ou intempestive. Dans ce dernier cas, on qualifie l'enfant d'injuste agresseur.

Tout d'abord, l'enfant est parfaitement innocent. S'il n'y a pas plus irresponsable d'une faute qu'un enfant en bas âge, que dire sur ce point d'un embryon ? La justice institutionnelle, s'inspirant des droits les plus impérieux de l'homme, se refuse à condamner un innocent adulte ; elle se refuse à condamner un prévenu dont on n'a pas établi la preuve qu'il était coupable, même si des présomptions pèsent sur lui. Si elle condamne certains hommes qui ont commis involontairement des actions dommageables, c'est toujours en considération de négligences dont ils se sont rendus coupables ; mais la culpabilité étant proportionnelle à l'intention, les peines encourues sont alors relativement légères. L'enfant dans le sein de sa mère ne peut même pas être coupable par négligence ; il est pur de toute imprudence et de toute étourderie. II se situe au-delà de toute accusation; il mérite le plus profond respect.

D'ailleurs, de quelle nature est cette agression ? Les risques de mort, pour une femme enceinte, sont devenus extrêmement rares dans notre société. Un gynécologue-accoucheur des hôpitaux, signataire du Manifeste des 100 médecins, juristes et écrivains contre le projet de loi Peyret, m'écrivait : « En 48 ans d'obstétrique, je n'ai jamais trouvé une indication d'interruption de grossesse ». Le risque habituellement invoqué est la santé, sans aucune nuance. Or, si nous interrogeons la loi ou la coutume des pays où sévit l'avortement, nous constatons que les mères qui recourent à cette solution offrent exceptionnellement des cas pathologiques ; la plupart du temps, il s'agit de femmes qui s'estiment fatiguées, soit parce qu'elles sont naturellement fatigables, ou qu'elles ont déjà plusieurs enfants (c'est alors l'agression dite physique), soit parce qu'elles redoutent la maternité (c'est alors l'agression dite psychique). On reste confondu devant la légèreté de ces motifs, qui sont en fait des prétextes. Les agresseurs de cette espèce ne manquent pas, dans notre société : l'automobiliste qui fait trépider son moteur sous nos fenêtres, le voisin dont les émissions radiophoniques ébranlent nos murs, sont les auteurs d'agressions physiques ; les membres d'un parti politique honni ; la concierge qui n'apporte pas le courrier à l'heure prévue sont des agresseurs psychiques. Le nombre des indésirables, des irritants, des redoutés, est considérablement élevé. Personne n'a encore requis contre eux la peine de mort ; pas même une peine d'emprisonnement. Pourtant, ces gens-là sont conscients des torts qu'ils causent à leur entourage. Mais si l'on faisait disparaître tous ceux qui sont pour nous une source de fatigue ou de crainte, la planète serait bientôt vide.

Car on ne s'attaque pas à ses égaux : on s'attaque aux impuissants, à ceux qui ne peuvent ni se défendre, ni supplier. II faut même constater que l'agression nerveuse et psychique dont se rendent coupables les enfants est beaucoup plus caractérisée dans la suite, quand ils sont à l'âge bête ou à l'âge ingrat. II faudrait donc attendre quinze ou vingt ans pour savoir si un enfant est digne de mort ; car nulle mère ne sait à l'avance quel enfant la fera plus particulièrement souffrir ; et si l'on veut alors éviter toute menace, le mieux est de supprimer tous les enfants à naître, même quand la mère se trouve dans un état de santé florissante ; car il est à prévoir que, dix ans plus tard, l'organisme de la mère sera un peu moins résistant, et l'enfant beaucoup plus désagréable et encombrant. Pour obtenir un projet de loi vraiment satisfaisant, ce n'est pas au député Peyret qu'il faut s'adresser, c'est au père Ubu.

Mais il y a plus grave. Si l'enfant est innocent, les parents eux, ne le sont pas. Si l'enfant est irresponsable de sa naissance, les progéniteurs, eux, en sont responsables. Pour certains, cette responsabilité est atténuée. Mais jamais celle de l'enfant à naître ne peut lui être substituée. Comme il serait simple d'opérer cette substitution. Elle ferait l'affaire de tous ceux qui cultivent l'irresponsabilité, soit dans leur propre vie, soit dans l'influence qu'ils exercent sur les autres. On voit bien où veulent en venir ces garçons et ces filles qui hurlent, le poing levé, le regard haineux, des slogans inspirés par certains mouvements de "libération" : à pouvoir coucher ensemble tous les jours de l'année sans que ce geste puisse jamais garder aucun sens, sans que la personne innocente qui est le fruit de ce faux geste d'amour puisse jamais les gêner dans leurs débordements.

Une certaine affiche, sobre et évocatrice, qui s'est offerte à nos yeux pendant un certain temps dans les voitures des métros, résume toute cette situation : "les parents boivent, les enfants trinquent". L'inconduite des parents les rend alcooliques ou syphilitiques, et ils engendrent des enfants tarés ; voilà déjà une première responsabilité, un premier méfait. Et dans ce cas, qui faut-il condamner ? L'auteur tout à la fois de l'inconduite et de l'enfant. Certaines mères responsables de groupes de pressions, certains élus de la Nation, certains propriétaires de cliniques répondent : « Non, il ne faut pas condamner le coupable, il faut condamner la victime. » Où sont les monstres dans cette affaire ? M. le Député peut boire tranquillement chaque jour ses six pastis et ses dix whiskies, s'il fait un enfant anormal, il votera une loi pour qu'on tue cet intrus. M. le gynécologue peut tranquillement engrosser ses petites amies : il fera disparaître consciencieusement l'enfant qui aura eu l'audace de témoigner contre son libertinage. Au premier méfait, on en ajoute un autre, plus sinistre et plus révoltant. Où est donc l'agresseur, sinon celui qui attente une première fois à la santé d'autrui, une seconde fois à sa vie ? Mais on fait semblant de croire que le rôle de l'agresseur est rempli par la victime, pour pouvoir la supprimer. N'est-ce pas ainsi qu'on procède dans tous les États totalitaires ? On salit le gêneur, on déchaîne contre lui une campagne de calomnie et d'intimidation, on le prive de son travail, de ses droits civiques, de sa paix, de sa joie, et quand il est réduit à l'impuissance, on le traduit devant un tribunal qui le condamne pour tous les crimes dont les maîtres de l'heure l'ont accusé ; ainsi les hommes en place pourront-ils dormir en paix : ceux qui menaçaient leur tranquillité ne sont pas seulement morts, ils sont morts justement, écrasés par un réquisitoire en règle, à jamais perdus de réputation devant l'opinion publique, que les maîtres de l'heure ont associée à leur crime.

II en va de même pour l'avortement légal. La seule différence, c'est que l'opposition n'est pas celle des partis politiques, mais des générations. La génération qui tient le pouvoir, qui a le droit de vote, qui est installée au Parlement et dans les hôpitaux, qui possède les prébendes, les honneurs, les chaires, les comptes en banque, cette génération se tourne contre la génération à venir en qui elle voit une intruse. Cette génération au pouvoir, repue et satisfaite, a peur ; elle a peur de devoir sacrifier un peu de son champagne, de son essence et de ses sports d'hiver, au bénéfice des infirmes, ou simplement des individus normaux, qu'elle fabrique dans la génération suivante. Alors, elle leur interdit l'entrée dans la vie ; elle met fin aux existences dans lesquelles elle discerne la plus minuscule menace ; elle écarte du banquet fastueux, auquel elle s'est installée, tous ceux qui pourraient perturber sa digestion. Elle veut accaparer la vie, en faire son bien, son fief, sa propriété exclusive. Et elle prépare, pour aller jusqu'au bout de cette soif de vivre et de dominer, un appareil de précautions législatives et médicales, grâce auxquelles elle pourra se sentir dans une sécurité définitive.

C'est le comble de l'hypocrisie, pour nos jeunes protestataires de "gauche", de faire chorus avec cette génération de nantis et de jouisseurs qu'elle condamne si volontiers dans toutes les autres circonstances. Quelles valeurs défendez-vous, ô généreux jeunes gens, ô vertueuses jeunes filles, quand vous réclamez à grands cris l'avortement libre et gratuit ? Vous qui prétendez dénoncer la répression, pourquoi vous faites-vous les agents de la répression la plus lâche et la plus cynique, celle d'une génération de profiteurs contre une génération d'innocents ? Votre projet n'est-il pas d'accéder à ce même pouvoir que détiennent vos aînés, pour y jouir de mêmes privilèges et y exercer les mêmes sévices ? Alors, vous établissez sans contestation possible que votre combat contre l'homme est le même que ceux qui détiennent actuellement l'argent et l'opinion et que, en voulant vous substituer à eux, vous tentez de reprendre et d'amplifier leur œuvre de répression. Vous choisissez la cause de l'agresseur contre la victime, vous vous associez au coupable contre l'innocent.

Tout homme sincère mesure sans peine l'ironie du mot liberté quand quelques femelles ou quelques profiteurs réclament la liberté de l'avortement. La liberté est encore du même côté : du côté de celui qui égorge. De même que, dans les états pourris, les juges ont toute liberté de condamner et les policiers toute liberté de torturer, les mères auraient toute liberté de condamner leur enfant et les médecins toute liberté de l'exécuter. Mais de même qu'on ne laisse jamais au condamné et au torturé la liberté de choisir son sort, jamais non plus l'enfant ne sera consulté : ceux qui tuent le font toujours au nom de leur liberté ; ils oublient la liberté des autres. Ce mépris et cette suffisance ne vont jamais aussi loin que dans le meurtre de l'enfant dans le sein de sa mère : ce sont toujours d'autres qui décident de son droit à la vie et au bonheur; quant à lui, qui est le premier en cause, il n'est jamais entendu.

Et puis, même si l'on laisse la liberté à la mère, de quelle liberté s'agit-il ? De la liberté de meurtre, d'abord, ou de complicité de meurtre puisqu'elle chargerait de l'exécution un avorteur stipendié. Exactement comme si, dans une colonie d'État raciste, on laissait à chaque planteur le soin de remettre à la force publique, pour exécution capitale, les ouvriers de la plantation indésirables, en assortissant le décret de cette clause : « Aucun policier ne sera tenu d'exécuter un naturel. » Quel concert de louanges chez les politiciens au pouvoir dans la métropole raciste ! Que voilà une législation libérale ! Non seulement nos planteurs ne pourront tuer de leurs propres mains les nègres paresseux qui font diminuer leur niveau de vie, mais encore ils devront chercher parfois un policier assez complaisant pour faire droit à leur légitime requête.

Mais cette liberté de meurtre est liée à une autre : la liberté d'abaissement. Abaissement des mœurs : chacun pourra forniquer librement, sans retenue et sans remords, en promettant au four crématoire le fruit de ses exploits érotiques. Abaissement de la jeunesse, à laquelle des sociétés spécialisées promettent déjà une vie merveilleuse, libérée de tous les tabous moraux, et de toutes les contraintes sociales. Abaissement surtout de la maternité, qui avait été considérée jusqu'ici comme l'une des plus belles fonctions humaines, et qui nous est présentée comme un esclavage et une niaiserie. II n'est aucune fonction noble qui ne comporte sa part de risques et de souffrances, et c'est l'honneur de l'homme d'assumer chacune en connaissance de cause. II n'est pas de semaine qui s'écoule sans que quotidiens ou hebdomadaires exaltent les missions périlleuses : "Avec les pionniers du Grand Nord", "Avec les guides de haute montagne", "Avec les correspondants de presse au Cambodge...", On oublie qu'un homme, avant d'être pionnier du Grand Nord, guide de haute montagne ou correspondant de guerre, a été un fœtus porté patiemment pendant neuf mois par une maman amoureuse; on oublie que tous les bienfaiteurs et les défenseurs de l'homme ont d'abord été ces êtres faibles et démunis, et que leur mère, au lieu de penser à sa propre fatigue, a d'abord pensé à cet enfant tributaire de son amour. Loin d'être une situation angoissante, la maternité est d'abord l'occasion de toutes les générosités, d'abord pour la mère, ensuite pour !'enfant. Cette société qui vieillit dans la facilité, attend un renouvellement; hélas ! le poids de la génération installée pèse beaucoup trop lourd, puisque bientôt (la démographie nous en avertit) le nombre des tombes dépassera celui des berceaux. C'est ce contrepoids, à la fois qualitatif et quantitatif, qui est la mission de la femme et qui sera son honneur.

Jamais la maternité n'a été aussi facile, scientifiquement, techniquement, financièrement. Jamais elle n'a été aussi difficile psychologiquement et moralement. Nos grand-mères n'ont connu ni l'accouchement sans douleur, ni les allocations prénatales, ni la protection maternelle et infantile. Elles n'ont jamais qualifié leur enfant d'agresseur. Parce qu'elles savaient toute la valeur d'un enfant, et qu'une telle merveille ne se paie jamais assez cher. Parce qu'elles aimaient leur enfant, et que l'amour accepte tout, risque tout, affronte tout. Maintenant que la maternité est facile à assumer, on découvre ses dangers, et l'on crie à l'agression ! On dit à la femme qu'elle ferait mieux d'accomplir une fonction plus lucrative et plus sûre, ce qui prouve que notre époque réprouve l'enfant au nom du lucre et de la sécurité.

Eh bien, si les femmes repoussent la maternité, qu'elles s'abstiennent de concevoir ! Si elles veulent être libres, qu'elles se libèrent d'abord de la sujétion du mâle. C'est leur virginité qui nous garantira la sincérité de leur indignation. Ces femmes soit disant émancipées sont toutes les esclaves du sexe. Elles réclament la liberté de leur corps ; mais leur corps n'est pas libre : elles l'ont vendu.

L'injuste agresseur n'est jamais l'enfant : c'est toujours l'adulte. Jusqu'ici, la loi avait reconnu cette situation, et c'est pourquoi elle sanctionnait l'avortement. Ce que réclament les agresseurs, c'est que leur agression soit impunie, c'est qu'elle soit permise, c'est qu'elle soit approuvée. Et pour cela, ils ont trouvé une diabolique astuce : ils vont déposer en justice contre leur victime désignée, afin que la victime s'appelle désormais agresseur, et que la justice la condamne elle-même. Alors, ils pourront se déchaîner contre elle : en toute liberté. Le grand public ignore souvent (ou feint d'ignorer) les horreurs perpétrées contre l'enfant dans les pays où règne cette heureuse liberté. Les gens de cœur qui ont pu une fois pénétrer dans certaines cliniques de Londres ou de New York en gardent une vision de cauchemar : ces fœtus dont certains ont déjà cinq ou six mois d'existence, extraits en série du ventre de leurs mères, jetés pantelants et criants sur une table ou dans une poubelle, où ils agonisent en attendant leur heure d'aller au four crématoire. Pendant ce temps, la mère endormie ignore tout : on lui dira simplement ensuite qu'on l'a "opérée" ; elle n'a pas assisté à cette tragédie hallucinante ce tout petit auquel elle a elle-même donné la vie, et qui dans un an lui aurait tendu les bras en lui disant "Maman", a été assassiné à côté d'elle, et sur sa propre demande, par un tueur à gages décoré du nom d'accoucheur. Que reste-t-il à dire, sinon que, à New York, ce geste rapporte à son auteur la somme de trois mille francs ?

On comprend bien pourquoi nos médecins libérateurs de la femme veulent imiter dans l'horreur leurs confrères anglo-saxons. Ils ont d'ailleurs commencé à s'y mettre. Et il n'y a aucune indiscrétion à l'écrire, puisqu'ils s'en vantent à qui veut bien les écouter. Mais il faut, pour notre honneur de Français, que cela reste un crime, nous vous en supplions, messieurs les députés : que jamais la Nation, qui vous a confié son honneur, ne soit associée à cette extermination !

Et que les parents de la victime, eux non plus, n'y soient pas associés ! Le comble de l'injustice, dans ce meurtre, c'est que l'agresseur est précisément celui qui est désigné par la nature et la loi pour être le soutien et le protecteur de l'enfant. L'enfant n'a pas demandé l'existence, et c'est à ceux qui la lui ont donnée de faire face à la situation qu'ils ont créée. Non seulement l'enfant à naître est innocent, et à ce titre il n'a aucune rigueur à subir, aucun châtiment, aucune vengeance, mais encore il doit compter sur ses parents. Et c'est pourquoi la mère doit être la dernière personne à lui vouloir du mal, et la première à lui vouloir du bien. Aussi, de sa part, c'est un double crime de réclamer la mort de l'innocent. On invoque l'abandon; mais qui est l'auteur de l'abandon ? L'enfant ou son père ? Plaisante justice qui laisserait courir le père indigne pour condamner son enfant !

Et cette double injustice se complique d'une troisième : l'enfant dans le sein de sa mère n'a encore rien reçu ; il n'a pas encore goûté à la vie ; non seulement il ne peut se défendre, mais il peut ne prendre la moindre part au bonheur universel. Avant même qu'il ait pu guetter un sourire sur le visage maternel, il est lâchement supprimé. On ne peut même parler d'enfant-martyr : un enfant a un visage, un martyr est salué avec reconnaissance ; l'un et l'autre, quand ils ne vivent plus de leur vie propre, vivent dans la mémoire des hommes, qui les honorent de leur regret et de leur ferveur. On pense aux beaux vers de Gilbert quelque temps avant son trépas :

Au banquet de la vie, infortuné convive,
D'apparus un jour et je meurs.
Je meurs, et sur ma tombe où lentement j'arrive
Nul ne viendra verser des pleurs.

Triste sort, en effet, de mourir à vingt-neuf ans. Mais au moins on a connu toute la jeunesse, et on l'a chantée. Et si l'on célèbre la mort, c'est parce qu'on a goûté la vie. Gilbert a eu le temps de développer son talent, et de répondre aux chances que lui offrait son entrée dans le monde. A lui peut s'appliquer, comme aux héros morts à la fleur de l'âge, le vers que chanteront quelques années plus tard les Volontaires de 92 : "Ils sont morts, mais ils ont vécu." L'enfant abjectement sacrifié à la tranquillité de sa mère n'aura même pas reçu d'elle un baiser; il n'aura même pas été entouré dans son berceau ; il n'aura même pas un enterrement, avec des pleurs et des fleurs. Sa courte existence n'aura été saluée que par le silence et le mépris.

On comprend pourquoi l'Église catholique condamne l'avortement sans restriction : il est le meurtre absolu. Et quand tel ou tel théologien d'occasion lui demande hargneusement pourquoi elle ne condamne pas les autres formes de violence avec autant d'énergie, elle peut répondre avec sérénité, forte de sa justice : elle est la seule dans laquelle la victime est absolument innocente et l'agresseur absolument obligé. La guerre est injuste, mais on peut toujours trouver une responsabilité chez chacun des belligérants, et une possibilité de faire valoir ses droits, et des moyens de traiter avec l'adversaire. L'exploitation économique est injuste ; mais l'exploité peut garder l'espérance. A l'enfant assassiné avant même de prendre sa place parmi les hommes, on enlève à jamais l'espérance.

L'horreur d'un tel méfait n'est pas spécifiquement chrétienne. Elle est humaine. Cinq cents ans avant l'avènement du christianisme, Hippocrate et ses disciples considéraient comme un devoir intangible le respect de l'embryon, et leur serment, devenu règle de déontologie médicale, leur interdisait toute prescription d'un abortif. Le médecin qui s'affranchit de ce serment régresse dans une nuit barbare, en deçà de vingt-cinq siècles d'humanisme.

Ce n'est pas l'enfant dans le sein de sa mère qui est l'agresseur : c'est celui qui le condamne qui est l'agresseur absolu; non seulement il refuse lui-même d'aimer, mais il refuse définitivement à un autre d'aimer et d'être aimé.

Ivan Gobry

© Laissez-les-Vivre – SOS Futures Mères, 1971

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