Dans
une lettre aux responsables, médecins et soignants des
établissements hospitaliers et des cliniques catholiques
de son diocèse, le Cardinal LUSTIGER rappelle en termes
vigoureux le respect de la vie, la nécessité d'un
accompagnement des mourants, et le nécessaire respect de
la personne humaine à ses débuts. Puis il ahorde
dans les termes qui suivent les problèmes du diagnostic
prénatal.
C'est
pourquoi,la pratique du diagnostic prénatal en pleine expansion
sous des formes très diverses et pour des cas très
différents, demande un jugement moral précis.
Vous
connaissez la rigueur des principes récemment rappelés
par Jean-Paul II aux participants d'un Congrès médical
international :
« Quels
seront donc les critères dont s'inspirera le medecin desireux
de conformer sa conduite aux valeurs fondamentales des normes
morales ?
II devra avant tout évaluer attentivement les conséquences
négatives éventuelles que l'usage nécessaire
d'une technique d'exploration déterminée peut entraîner
pour l'être en gestation, et il évitera de recourir
à des processus de diagnostic dont la finalité honnête
et la substantielle innocuité ne seraient pas suffisamment
garanties. Et s'il faut accepter un coefficient de risque, comme
il arrive souvent dans les choix humains, il se préoccupera
de s'assurer qu'il soit compensé par une véritable
urgence du diagnostic et par l'importance des résultats
que celui-ci peut permettre d'atteindre au bénéfice
de l'être en gestation lui-même.
Lorsque
la présence d'une malformation sera établie, le
médecin ne manquera pas de mettre en œuvre tous les
moyens thérapeutiques surs qui, dans l'état actuel
de la recherche, sont utilisables : donc non seulement les thérapies
médicales en usage depuis un certain temps, mais aussi,
bien entendu lorsque sa formation le lui permet, ces formes récentes
d'intervention chirurgicale qui, sur la base des informations
apportées dans votre congrès, sont en train de donner
des résultats d'une portée surprenante.
La
decision de recourir au traitement chirurgical ou d'y renoncer,
et le choix éventuel du type d'intervention, comme de la
technique concrète utilisable, sont des questions que le
médecin lui-même devra résoudre selon sa science
et sa conscience, en ayant soin de s'assurer que l'intervention
soir réellement nécessaire, librement acceptée
par les parents, et qu'elle présente des probabilités
inverses. Il existe malheureusement des malformations, dérivant
souvent de maladies chromosomiques, qui échappent, pour
le moment, à des interventions thérapeutiques de
caractère résolutif. Dans ces cas aussi. la médecine
fera ce qui est en son pouvoir pour alléger les manifestations
de la maladie, mais elle se gardera scrupuleusement de tout traitement
qui pourrait constituer une forme larvée d'avortement provoqué.
Le porteur d'une telle anomalie, en fait, ne perd pas pour autant
les prérogatives propres d'un être humain, à
qui doit être accordé le respect auquel a droit tout
patient »(1).
Il
est évidemment bon de pratiquer un diagnostic prénatal
– spécialement dans le cas d'affections héréditaires
– s'il s'agit de déceler une maladie que l'on pourra
ainsi mieux traiter dans le respect et la sauvegarde de la vie
et de l'intégrité de l'enfant à naître.
Mais
quand il s'agit d'affections à la fois très graves
et auxquelles l'on ne sait actuellement pas porter de remèdes
efficaces, on se trouve plus que naguère sollicité
de rentrer dans l'alternative de la vie ou de la mort. La proportion
importante de diagnostics négatifs auxquels on aboutit
constitue un argument en faveur de cette pratique, car des mères
inquiètes et peut-être tentées de recourir
à l'avortement
seront, dans de tels cas heureux, rassurées et leur enfant
sauvé.
Mais,
vous le savez, les diagnostics positifs créent dans ces
cas des situations tragiques et comme insupportables pour vous
et surtout pour les parents de ces enfants. Personne d'autre que
Dieu ne peut être juge des consciences. Mais mon devoir
est précisément devant Dieu, de vous rappeler son
commandement de respecter l'être humain et son droit personnel
à la vie dès la conception.
Cela
signifie qu'un diagnostic positif ne doit pas entraîner
un geste de mort. En effet, si le diagnostic s'avère positif,
le temps de la réflexion doit être ménagé
avec la solliçitude et l'accompagnement dont chacun –
médecin compris – a besoin dans de telles circonstances
: car, il est n'est pas certain du point de vue psychologique
et pas vrai du point de vue moral, que l' "accompagnement"
ou la "prise en charge" d'une mère ou d'un foyer
en détresse puisse comporter l'exécution de gestes
de mort qui paraîtraient les faire échapper à
cette détresse.
Cela
signifie donc aussi que, médecins, vous teniez nettement
compte de ces exigences morales quand vous évaluez les
raisons qui vous permettront d'entreprendre ou non un diagnostic
prénatal. Il convient même, avant tout diagnostic
et dans la mesure du possible, de partager avec les parents ces
exigences morales qui s'imposent à la conscience humaine.
Alors les diagnostics préalables sont licites et même
louables parce qu'ils sont effectués avec le consentement
des parents raisonnablement informes.et ne font courir ni à
l'Ienfant ni à la mère de risques disproportionnés.
Mais ils sont contraires au respect de la personne humaine s'ils
impliquent, fut-ce de manière conditionnée, la décision
d'un avortement provoqué. Il faut dénier à
l'État et à toute autorité civile, scientifique
ou médicale le droit de lier le diagnostic prénatal
et l'avortement provoqué en cas de malformations ou de
maladies chromosomiques.
Cela
signifie encore, à ces étapes décisives,
que vous soyez capables, avec la discrétion requise, d'évaluer
les raisons de vos décisions et de vos gestes avec d'autres
que vous, par exemple avec vos collaborateurs du service et d'autres
responsables de l'établissement. Une telle ouverture requiert
sans doute beaucoup de simplicité et, certainement, une
humilité courageuse. Mais cette attitude permettra non
seulement de sortir des incompréhensions qui minent la
confiance mutuelle, d'éviter les contre-témoignages,
mais aussi de trouver plus vite les chemins d'une pratique plus
conforme à la raison médicale et à l'Évangile.
Elle vous permettra aussi d'éveiller les communautés
chrétiennes, au-delà des établissements de
soins, à ce qu'implique comme effort concret et nouveau
l'accueil des enfants et des parents plongés dans de tels
drames..
(1)
(Doc. catho.) 1983. n° 4. p. 189 au Congrès
medical international du "mouvement pour la vie",
le 4 décembre 1982.
© Laissez-les-Vivre
– SOS Futures Mères, février 1987
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