Il
existe un Droit universel. Non pas seulement une charte des Droits
de l'Homme votée par les représentants des Nations
Unies et qui n'est que l'expression sensible et temporelle
de ce Droit , mais un Droit de la Personne humaine, inscrite
dans sa nature même, et qu'on a appelé pour
cette raison : Droit naturel.
Ce
Droit est l'aspect négatif de la Dignité humaine.
En effet, le droit est une exigence dont on est frustré ;
de ce qui est indispensable à la Personne pour se réaliser,
et dont elle manque pourtant. On peut ici distinguer au niveau
individuel, un droit purement théorique, et qui n'est pas
exigible parce que l'exigence est réalisée, et un
droit pratique, qui est exigible parce que l'exigence est frustrée.
Exemple : l'individu qui jouit d'une profession honorable
et lucrative a .sans doute un droit au travail, mais il n'a pas
à en faire état : le chômeur, lui, a
le même droit, mais il l'a éminemment, car il a à
le faire valoir à la face de la Société ;
et la Société se doit de faire droit à sa
requête.
Ainsi,
de fait, dans la concrétude de l'existence, plus un humain
est démuni, plus il a de droits. Plus une personne est
frustrée de ce qui est lié à sa dignité,
plus elle est .fondée à exiger son droit de Personne.
C'est le malade qui a droit aux soins et non le bien-portant ;
c'est l'analphabète qui a droit à l'instruction,
et non le savant; c'est l'opprimé qui a droit à
la liberté, et non l'homme libre. Et par voie de conséquences,
le bien-portant, le savant, l'homme libre ont des devoirs envers
ceux qui ne possèdent pas les moyens d'assumer leur dignité.
L'enfant
à naître, l'enfant dans le sein de sa mère,
est le plus démuni de tous les humains : c'est donc
lui qui a le plus de droits. Il a droit à l'amour de ses
parents (qui sont les autours de sa conception) ; il a le
droit d'en recueillir les biens (ce qui lui était déjà
reconnu par le Droit romain); il a le droit d'être protégé
tout au long de sa croissance infra-utérine (ce que lui
reconnaît le Code de la Sécurité sociale).
Mais il a d'abord le droit de naître, parce que d'exercice
de tous les autres droits est lié à l'exercice de
celui-là.
Le
racisme (comme toutes les formes de naturalisme) renverse cette
position : c'est le fort qui a des droits contre le faible. De
même, pour un certain libéralisme, c'est le nanti
qui a des droits contre le frustré. Comme, pour un certain
hédonisme, c'est l'homme tranquille quia droit contre ceux
qui pourraient troubler sa tranquillité. C'est cette convergence,
dans notre société riche et satisfaite, du racisme
des forts, du libéralisme des nantis et de l'hédonisme
des jouisseurs, qui remet en question le droit de l'enfant à
vivre.
Certains
des bourreaux (actuels ou potentiels) invoquent un argument humanitaire
qui pourrait fournir, leur semble-t-il, un mobile au meurtre du
ftus : c'est par pitié qu'il faut le tuer. En
effet, s'il naît pauvre, ou taré, ou informe, ou
simplement dans un foyer surpeuplé, il ne connaîtra
pas le bonheur; mieux vaut donc la mort que le malheur. Or, cette
accusation se retourne contre ses auteurs : tout homme a
droit au bonheur; quels que soient sa race, son sexe, sa santé,
en un mot sa condition. C'est parce qu'on refuse à un humain
de lui donner le bonheur, de tout mettre en uvre pour son
bonheur, qu'on lui interdit de vivre. C'est parce qu'une mère
a vocation pour faire le bonheur de son enfant, c'est parce qu'un
médecin a vocation pour faire le bonheur d'un malade, c'est
parce qu'un député a vocation pour voter des lois
justes et humanitaires, qu'ils ont le devoir de dire : Laissez-les
Vivre, nous nous chargeons de leur bonheur. Sinon, ce sont
des renégats et des déserteurs de l'humanité.
Et si la mère est incapable, ou défaillante, ou
indigne, que tout ce qu'il y a de responsable dans l'humanité
conspire à la suppléer.
Les
projets de "libéralisation" de la loi de 1920
constituent, en fait, un complot des forces les plus réactionnaires
de l'humanité repue (ce sont les législateurs des
pays de "haut standing", qui ont inventé cette
nouvelle forme de massacre) contre les droits au bonheur de l'humanité
à venir : un complot contre le droit le plus sacré
de l'homme, celui de venir au monde quand il a été
conçu.
C'est
pourquoi nous en avertissons les législateurs de ce pays
et des pays voisins qui respectent encore les droits de
l'enfant à naître toute législation
du foeticide est le premier pas dans la voie du mépris
de l'homme. Si demain ce droit était bafoué (et
c'est déjà fait, par la tolérance des pouvoirs
publics), ce sont tous les autres droits de l'homme qui seraient
menacés ensemble.
Nous sommes en route vers un nouveau totalitarisme, beaucoup plus
terrifiant que le Nazisme d'hier ; car le Nazisme était
le fait d'un parti et d'un pays ; le nouveau totalitarisme
a pris des options dans tous les partis et dans tous les pays,
de sorte qu'il ne sera plus possible de lui échapper. S'il
vient à triompher, les Droits universels de l'homme auront
cessé d'avoir un sens. Notre humanisme sera l'humanisme
des catacombes.
Ivan
GOBRY
©
Laissez-les-Vivre SOS Futures Mères, juin 1973
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