Trois
projets de loi concernant l'éthique bio-médicale
ont été déposés devant le Parlement
par le gouvernement de Mme Cresson. S'ils sont
repris par le gouvernement de son successeur, ils seront prochainement
discutés par l'Assemblée nationale. Ces projets
traitent de plusieurs questions parmi lesquelles la Procréation
Médicalement Assistée (P.M.A.). Ce sont ces dernières
dispositions qui touchent au respect de la vie dès la conception,
objet de notre association, et donc qui nous préoccupent.
Une
première remarque : dans ces projets, il est question d'un
statut du corps humain, mais pas de la personne humaine, ni d'un
statut de l'embryon. Or, la P.M.A. réalise une dissociation
du corps et du cœur en dissociant la sexualité, quelles
que soient les conditions dans lesquelles elle intervient. Elle
constitue également une violation de l'intimité
du couple: c'est ainsi qu'une femme, engagée dans un processus
de P.M.A., a pu dire qu'elle avait eu l'impression de faire l'amour
avec les trois techniciens qui avaient réalisé l'implantation
de l'embryon.
Et
le donneur
Deuxième
remarque: les projets de loi autorisent les P.M.A. avec donneur
(don de sperme, d'ovules ou d'embryons), organisant ainsi légalement
un éclatement de la paternité ou (et) de la maternité.
En outre, ces P.M.A. sont accessibles, non seulement aux couples
mariés, mais également aux concubins. Le texte dit
: « La P.M.A. a pour objet exclusif de remédier
à la stérilité médicalement constatée
d'un couple » ... Les couples homosexuels ne sont
même pas expressément écartés, bien
que cela semble découler d'autres articles réglant
les problèmes de filiation et qui parlent du « mari
ou compagnon de la mère ». Encore cela
n'est-il précisé que pour réglementer les
actions en contestation de filiation ou en réclamation
d'état. Ainsi rien n'empêche dans le texte à
un couple de femmes homosexuelles (sans aucun
doute stérile) de demander une P.M.A. avec donneur puisque
de toutes façons il n'y aura pas de reconnaissance de paternité,
ni de contestation possible à ce sujet.
Qui
sera père ?
Ce
risque d'absence de paternité reconnue existe dans ce projet
même en cas de couple hétérosexuel,
car le concubin d'une femme qui accouche doit faire un acte de
reconnaissance de sa paternité pour que celle-ci soit établie.
Or personne ne peut le contraindre à le faire s'il a changé
d'avis après l'insémination de sa compagne. Certes,
le projet de loi le rend tout de même « responsable
envers la mère et l'enfant », il pourra
être tenu financièrement envers eux, mais il ne sera
pas le père. Comme la filiation avec le donneur est interdite
par ce projet de loi pour garantir l'anonymat de ce dernier, cet
enfant sera condamné à n'avoir aucun père.
Nous pensons donc qu'il faudrait, au minimum,limiter les P.M.A.
aux couples mariés, le mari étant automatiquement
le père légal defenfant né de sa femme.
La
notion de stérilité médicalement constatée
est aussi très floue et l'on sait l'abus qui en est fait
actuellement, certaines femmes ayant spontanément d'autres
enfants après une P.M.A., prouvant ainsi qu'elles n'étaient
pas stériles.
Embryons
surnuméraires
Un
autre danger réside dans l'absence de toute limitation
du nombre des embryons "fabriqués" pour une P.M.A..
Le projet de loi permet ainsi l'existence d'embryons surnuméraires,
qui ne pourront être réimplantés chez la femme,
avec problème : qu'en fera-t-on ? On peut les garder au
froid pour une future réimplantation, les donner à
d'autres couples, les utiliser pour des expériences comme
du matériel de laboratoire, ou les détruire. Il
arrivera forcément que des embryons soient créés
spécialement à des fins de recherche. (II faud rait
aussi parler des risques pour la santé de la femme des
substances
utilisées pour stimuler l'ovulation et obtenir un grand
nombre d'ovules à la fois).
Autre
problème, dont ne parlent pas les textes : le nombre d'embryons
qui peuvent être réimplantés en une seule
fois chez une femme. En cas de grossesse multiple, il est courant
de procéder à une "réduction embryonnaire"
qui consiste à tuer avant la naissance quelques uns des
embryons "en trop".
Eugénisme
!
Les
textes ne parlent pas non plus du diagnostic prénatal,
mais autorisent les P.M.A. pour « éviter
la transmission à l'enfant d'une maladie grave et incurable ».
Ceci pose le problème du diagnostic pré-implantatoire
(tri des embryons) et donc de l'eugénisme. Robert
Edwards, le pionnier des P.M.A., a bien déclaré
en 1970 que le but des P.M.A. était plus de trier les embryons
que de vaincre la stérilité, propos qui peuvent
légitimement nous inquiéter. A une époque
où l'on privilégie une approche utilitariste de
la vie et où l'on cherche à alléger les charges
de la santé, le coût élevé des P.M.A.
consenti par la Sécurité sociale montre bien que
l'intérêt en jeu est autre que celui du couple (coût
final d'un enfant vivant issu d'une P.M.A. : estimé entre
140 000 et 200 000 F).
Enfant
sans droit
D'une
manière plus générale, les projets de lois
actuels n'accordent aucune protection à l'embryon. L'enfant
n'est plus unique, mais interchangeable. L'embryon devient objet.
Le droit à l'enfant y est reconnu, mais les droits de l'enfant
sont niés, alors même que la France vient --de signer
la Convention Internationale relative à ces droits, s'engageant
par là à les respecter. Il est évident que
cette technique de P.M.A. n'aurait pu entrer dans nos pratiques
sans l'acceptation de l'avortement, donc sans la loi Veil.
Françoise
Rollin
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, juin 1992
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