Le
droit légal de tuer l'être humain innocent et sans
défense mène très loin.
Le
droit à la vie est le premier des droits de l'Homme, qui
conditionne tous les autres, et sans lesquels ces autres droits
ne reposent plus sur rien et peuvent être instantanément
violés. Que valent votre droit à la parole, au déplacement,
vos droits de réunion, de propriété, si le
droit à la vie, donc votre droit à la vie n'existe
plus ?
Bien-sûr,
le droit à la vie n'est pas complétement aboli,
mais seulement pour certains âges : l'extrême début
de la vie c'est fait , la fin dela vie, ce n'est
pas légal, mais c'est d'ores et déjà toléré
par l'actuel gouvernement sans sanction (1). Ce droit est aboli
pour certains malades : eugénisme pré-natal, légal
en France (loi du 17 janvier 1975 article L 162-12)
exactement comme dans l'Allemagne nazie. Cet antécédent
compromettant n'a pas arrêté nos législateurs
pointilleux. Et des propositions sont faites pour tuer les enfants
malades après leur naissance: eugé-nisme post-natal
réclamé par l'Association A.P.E.H. (Association
pour la prévention de l'Enfance handicapée)
et par le Sénateur Caillavet.
La
télévision nationale ouvre toute son influence à
la propagande pour l'euthanasie. Donc l'offensive est lancée.
En
quoi, cette euthanasie peut elle avoir des conséquences
politiques extrêmement graves ?
Le
droit à la vie est la clé de voute de l'édifice
du Droit pour les raisons que l'on va comprendre. L'avortement
est un meurtre prémédité contre un être
humain totalement innocent et complétement sans défense.
La notion de meurtre est formellement établie puisqu'il
y a mise à mort d'un être humain vivant ayant la
totalité de son patrimoine génétique depuis
la conception, donc génétiquement complet. C'est
donc dans la hiérarchie des actes criminels, en criminologie
générale l'acte le plus grave, ayant le maximum
de circonstances aggravantes (préméditation, innocence
compléte et absence totale de défense de la victime).
Sa légalisation introduit dans l'édifice du Droit
une contradiction majeure et en détruit l'harmonie. En
effet, au nom de quoi punir des crimes moins graves, et a fortiori
des fautes, puisque l'acte le plus grave ne l'est pas et est complétement
autorisé, légal ? C'est bien la clé de voute
de tout l'édifice du Droit qui est ébranlée.
Tout le reste du Droit devient arbitraire ainsi que la ligne de
partage entre le Droit normal et l'autre avec toutes les conséquences
que cela comporte sur le plan de l'autorité de la Justice.
Et dans le cas de l'avortement, l'anomalie va encore plus loin,
puisque, non content d'être légal et autorisé,
ce meurtre prémédité sur un être humain
totalement innocent et complétement sans défense,
est en outre remboursé, payé par l'État.
Si l'on pousse la logique de cette derniére disposition
dans ses ultimes conséquences, on arrive à des choses
tout à fait surprenantes. Elle a été établie
sous le prétexte que le meurtre coûte cher à
son auteur et qu'il est ainsi d'accés plus facile aux riches
qu'aux pauvres, et qu'il faut donc que l'État le paye pour
que le pauvre ait la possibilité de tuer autant que le
riche et sans que cela lui coûte davantage. Il est évident
que cette logique dans ses prolongements ultimes conduit l'État
à rembourser les frais de meurtre dans tous les autres
cas, le plus souvent moins graves, à rembourser l'achat
des armes aux gangsters pauvres, afin qu'ils ne soient pas lésés
par rapport aux gangsters riches. Il faut en bonne logique créer
une sécurité sociale du crime pour rembourser le
cout des actes meurtriers. C'est à ces prolongements extravagants
qu'aboutit la loi Roudy, confirmée par trois fois par le
Gouvernement Chirac, sans parler d'autres anomalies, telle que
la violation de l'article 2 de la Constitution (que nous ne développerons
pas ici pour ne pas alourdir notre propos). En fait ceci pose
aussi la question des limites dans lesquelles doit s'exercer la
solidarité (autre débat fondamental).
Puisque
l'acte meurtrier ayant le maximum de circonstances aggravantes
n'est pas sanctionné, est légal et remboursé,
il est évident que la sanction des autres actes moins graves
devient arbitraire comme est arbitraire la limite installée
entre la zone d'application du Droit et la zone où le Droit
n'a plus cours. Et ces arbitraires sont maintenus par qui ? Non
par la logique juridique mais par le pouvoir politique. C'est
un empiétement évident du pouvoir politique sur
le pouvoir judiciaire et une extension énorme du premier.
C'est en outre au passage la fin du principe de la séparation
des pouvoirs judiciaire et politique cher à la démocratie.
L'avortement
légal ajoute encore d'autres désordres qui apportent,
eux, des instruments au pouvoir politique. Il pervertit complétement
la médecine, et peut faire des médecins des instruments
du corps politique par deux faits déterminants. La confiance
du malade dans le médecin tient à deux éléments
essentiels, en outre de sa compé-tence: le respect absolu
de la vie humaine par le médecin, deuxiémement :
l'obéissance du médecin à sa seule conscience
et sa non-obéissance aux ordres donnés par des tiers.
Le
non-respect de la vie humaine par le médecin et l'obéissance
du médecin à des tiers, détruisent la confiance
du malade dans le médecin. Comment confier sa santé
à un médecin qui ne respecte pas la vie, donc peut
tuer (il en a tous les moyens) et qui obéit à des
ordres donnés par des tiers, et qui peut donc tuer sur
ordre ? Tout à fait impossible. L'avortement légal
pratiqué par un médecin démontre que le médecin
ne respecte pas la vie humaine, et comme il est fait à
la demande d'un tiers (à savoir la femme), démontre
qu'il obéit aux ordres d'un tiers. L'avortement légal
détériore donc par ces deux faits décisifs
les bases même de l'éthique médicale.
Mais
ces deux faits sont encore décisifs pour une autre raison:
ils créent un groupe d'hommes et de femmes qui tuent sur
ordre, ce qui offre ainsi un moyen nouveau de premier plan à
un totalitarisme politique éventuel.
A
partir du moment où l'agression contre la vie par pure
convenance est acceptée légalement et remboursée
au début de la vie, il n'a
plus d'obstacle logique à ce qu'elle soit acceptée
un autre moment de la vie, à la fin par exemple, ou à
n'importe quel autre moment, 10 semaines, pourquoi pas 9, pourquoi
pas 11 ou plus. Arbitraire. Il n'y a plus aucune objection juridique,
puisque la logique de la Justice ne se manifeste plus ici et qu'elle
est elle-même remplacée par l'arbitraire imposé
par le corps politique, avec sans doute des secteurs de logique
persistants, entre ces fractures, la logique suprême de
la Justice ne s'imposant plus. C'est l'arbitraire du pouvoir politique
qui décide des zones dela vie où la Justice persiste
et des zones où elle n'existe plus. C'est l'arbitraire
du pouvoir politique qui est doté ainsi d'un accroissement
très important de son pouvoir.
Comme
il n'y a plus d'obstacle logique à ce que l'agression contre
la vie par pure convenance soit acceptée à un autre
moment de la vie, Il n'y a plus d'obstacle logique à l'extension
d'un cadre légal qui par l'avortement ne touchait arbitrairement
que les 10 premières semaines de la vie. Par l'eugénisme
pré-natal légal (article L 162-12 de la loi du 17 janvier 1975
loi Veil), on "gagnait" un certain nombre de
mois. Par l'eugénisme post-natal (pas encore accepté)
mais aucun obstacle logique ne s'y oppose, simplement le fait
du prince, l'arbitraire du pouvoir, on gagnerait encore sur la
durée de ce "droit" et sur l'âge des humains
qu'on peut supprimer. Par l'euthanasie, on saute à l'autre
extrémité de la vie avec des cas intermédiaires
bien-sûr. Il y a des malades incurables ou soi-disant tels
qui ne sont pas des vieillards. Donc, cette possibilité
de tuer légalement touchera ainsi, Si rien ne s'y oppose
pratiquement toute la vie.
On
assiste ainsi au grignotement par le droit légal de tuer
l'extrême début de la vie à la fin de la vie,
en passant par tous les stades intermédiaires, c'est-à-dire
que toute la vie sera concernée.
Dans
un premier temps, pour l'euthanasie, Il s'agit bien entendu de
cas extrêmes : malades totalement incurables, grands vieillards
attirant la pitié par leurs souffrances et qu'il faut "délivrer"
au nom de "l'Humain", mais évidemment les revendications
ultérieures travailleront à élargir les indications
de proche en proche. En URSS, on s'est servi particulièrement
de la psychiatrie. Il suffit de médecins aux ordres qui
obéissent à des tiers, condition réalisée
dans l'avortement légal, donc qui peuvent obéir
à la puissance publique pour déclarer qu'un individu
n'a plus toutes ses facultés mentales et pour l'interner
parfois Indéfiniment et sans qu'on ne le voit plus jamais
réapparaître.
Le
nazisme a utilisé l'euthanasie pour les débiles
mentaux ou soi-disant tels. Rien n'est plus facile à 2
médecins agissant sur ordre, de déclarer que telle
ou telle personne n'a plus la totalité de ses facultés.
Autrement
dit, la brèche dans le Droit ouverte par l'avortement légal
permet l'extension de ce "droit" à toute la vie
humaine et offre à un pouvoir totalitaire la possibilité
d'avoir de nouveaux agents d'exécution, à savoir
des médecins ne respectant pas la vie humaine et agissant
sur ordre. Nous les appellerons les néo-médecins.
Autrement
dit encore, les conditions sont réalisées pour qu'un
nouveau totalitarisme se mette en place. Cette éventualité
est évoquée non pas seulement parce qu'elle est
une possibilité, mais parce qu'elle a effectivement existé
dans l'histoire.
Ce
danger n'est donc pas illusoire. C'est en fait la forme du totalitarisme
qui est en cause.
Il faut en effet comprendre que les groupes et personnes animés
d'intentions totalitaires n'ont plus objectivement un trés
grand choix. Il y a le totalitarisme communiste, mais celui-ci
est officiellement déconsidéré sur le plan
des droits de l'Homme, mais peut-être encore plus sur le
plan économique. Dans son application, la doctrine communiste
se caractérise par une incapacité économique
extravagante et ce qui se passe en Roumanie, en Pologne, en Yougoslavie,
en Éthiopie, au Cambodge, et dans la plupart des états
communistes, y compris l'URSS, dont le niveau plus élevé
que celui de ses stallites est cependant fort médiocre,
fait qu'il y a une réelle indécence à proposer
sur le plan économique les solutions communistes. Et on
ne peut s'empêcher de sourire quand on entend tel ou tel
candidat communiste faire des propositions pour relever le niveau
économique. Pour les amateurs de totalitarisme, cette voie
est rationnellement peu exploitable.
Le
nazisme, autre voie possible, est lui complètement disqualifié,
et ses méthodes et ses manières ne peuvent pas être
proposées à une opinion publique tout à fait
prévenue. Et pour les amateurs de totalitarisme, il faut
là encore de toute évidence trouver autre chose.
Ces deux voies ne sont pas suffisamment subtiles pour attirer
et tromper une opinion publique même naïve.
Il
faut à l'évidence trouver quelque chose de neuf
et d'inédit dans les modalités d'un nouveau totalitarisme
possible.
Le
système qui a la possibilité de tuer légalement
n'importe quel adversaire politique par ses instruments en blouse
blanche, le tout dans une ambiance de tecnnologie avancée,
avec tout l'éclat et le prestige de. celle-ci et des méthodes
très sophistiquées attenantes, avec un contrôle
médiatique absolu et la suppression de la 'liberté
de la presse (réclamée par de nombreuses forces
et non des moindres) est une voie totalitaire possible. inédite,
séduisante pour beaucoup d'esprits ayant cette vocation
et cette tentation, et qui a l'avantage de s'installer insidieusement,
sans qu'on la voie venir avec ses gros sabots.
Ajoutons
qu'avec la reproduction artificielle à part d'embryons
congelés dont les donneurs bien que connus sont volontairement
"inconnus" ou négligés par la puissance
publique, ce même corps néo-médical peut "créer"
des êtres sans parents connus, qui dépendront donc
uniquement de l'État des laboratoires de l'État
et de la puissance publique. Quel atout supplémentaire
pour le nouveau totalitarisme.
Ce
risque nullement imaginaire est une raison de plus et non des
moindres qui nous fait mener la lutte pour le premier des droits
de l'Homme, le droit à la vie, qui conditionne tous les
autres, et sans lequel les autres. ne sont rien. Ceci, à
la différence des défenseurs des droits de l'homme
qui ne défendent plus le 1er de tous les droits, donc seulement
des droits inconsistants, qui sans le 1er peuvent être brisés
immédiatement. La vision lucide de cette réalité
dangereuse subtile et trompeuse, devrait amener à nous,
tous ceux qui sont contre le totalitarisme et tous ceux qui sont
pour de véritables droits de l'Homme. Ainsi le Respect
de la Vie pourra sortir du ghetto où précisément
ces totalitaires nouveau genre déjà en action, essayent
de l'enfermer. Il faut simplement que beaucoup se décident
àouvrir les yeux et à comprendre.
(1)
Nous sommes à peu près dans la même situation
qu'après le procès de Bobigny et après la
circulaire Arpaillange.
E.
Tremblay
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, janvier 1988
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