L'opinion
publique s'est récemment émue d'un projet de directive
européenne permettant la légalisation de l'euthanasie
automatiquement. Le corps médical, à quelques exceptions
près, s'est insurgé. Il est beaucoup mieux préparé
sur le sujet que naguère sur celui de l'avortement, et
il n'entend donc pas se faire rouler une deuxième fois.
L'action et la réflexion des partisans du Respect de la
Vie depuis vingt et un ans y est pour beaucoup.
On
se souvient qu'une levée de boucliers identique avait eu
lieu en 1986 à propos de l'affaire de l'Association J+3.
Laisser mourir faute de soins des bébés handicapés,
voire y aider un peu, voilà une idée qui ne passait
pas, même si elle était mise en application dans
certains services de pédiâtrie.
Pourtant,
il est considéré comme allant de soi de procéder
à l'avortement de tout fœtus malformé, ou soupçonné
de l'être. Il ne vient à l'idée de personne,
en dehors des spécialistes en la matière, que la
recherche de maladies in utéro puisse être
orientée vers leur traitement. Le matraquage médiatique,
concrétisé pour les médecins par l'envoi
gratuit de nombreux journaux et revues, financés par la
publicité des laboratoires, et rabâchant tous les
même lieux communs, vrais ou faux, a donné de la
grossesse l'image d'une maladie dont le germe ou la tumeur est
l'enfant à naître, dont il convient, avant de décider
de le laisser vivre, de s'assurer qu'il n'est pas un monstre.
Un
certain nombre de procès en responsabilité civile
pour empêchement à l'avortement d'enfants mongoliens
a suffit à donner aux disciples d'Esculape la peur de la
maladie génétique et, dans la foulée, de
la maladie incurable. Ils ne réaliseront pas que la plupart
des anomalies reconnues par échographie ne débouchent
pas sur ce qu'on appelle abusivement une interruption
thérapeutique de grossesse, mais sur une opération
programmée à la naissance, sur une césarienne
avant terme en vue d'opération, ou sur un traitement in
utéro. Et quand on leur posera, il est vrai par téléphone,
la question piège : « Faut-il avorter une
femme atteihte de la chorée de Huntington ? »
,les deux-tiers répondront : oui. Sachant que l'enfant
avorté n'aurait été malade qu'à partir
de 40 ans, un humour d'un goût un peu douteux serait de
demander alors s'il faut supprimer les fœtus susceptibles
de décéder avant quatre-vingt ans, et de parier
qu'il serait répondu oui dans un tiers des cas.
Ce
n'est plus la grossesse qui est une maladie, c'est la vie.
Un
magistrat, M. Max Christian Ducomte,et une religieuse,
Sœur Amélie, psychologue de la communauté
de la Maison d'Arrêt des Femmes de Fleury-Mérogis,
ont très bien analysé la dérive d'une loi
viciée au départ, autorisant l' "interruption
thérapeutique de grossesse" s'il existe une forte
probabilité que l'enfant à naître soit atteint
d'une affection d'une particulière gravité reconnue
comme incurable au moment du diagnostic. La forte probabilité
est, pour les femmes séropositives, que l'enfant soit contaminé
dans 25 à 30 % des cas. Les auteurs font ensuite observer
que la contamination par le virus HIV n'est pas une affection.
Celle-ci a un nom : S.I.D.A. Un tiers des enfants contaminés
le développeront rapidement, les autres plus lentement
ou pas du tout (comme pour les adultes, on ne sait pas le pourcentage
de mortalité à long terme).
Proposer
un avortement à une séropositive équivaut
à supprimer un enfant sain dans 70 à 75 % des
cas, et un enfant bientôt "sidéen" dans
9 % des cas. « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra
les siens » fut l'argument du massacre de Béziers.
Après
avoir rappelé que l' "interruption thérapeutique
de la grossesse" est une faculté, pas une obligation,
et que les détenues ont les mêmes droits, en ce domaine,
que les femmes libres, les auteurs envisagent les recours en cas
de pressions abortives. L'on ne peut, en aucun cas, imposer à
une femme, même détenue, même pour motif thérapeutique,
l'interruption de sa grossesse.
En
cas d'insistances, la seule parade est la plainte en provocation
à l'interruption volontaire de grossesse (Article L.647
du code de la santé publique). Cette plainte peut être
consécutive à une information fausse du type : « Madame,
votre enfant va mourir du S.I.D.A., il faut avorter ».
Un protocole écrit doit être remis à la patiente.
C'est bien entendu ce texte écrit qui permet la poursuite
s'il est tendancieux. L'absence de remise de protocole écrit
tombe sous le coup plus grave de l'article 317 du code pénal,
réprimant l'avortement illégal.
La
plainte-peut être en citation directe avec constitution
de partie civile. Elle permet de réparer le préjudice
important de la femme qui « ayant accepté
l'interruption de sa grossesse, s'aperçoit ensuite qu'elle
a été induite en erreur par une attestation médicale
inexacte et en éprouve une véritable détresse ».
Certains
médecins de Créteil doivent se souvenir de cette
femme qu'ils avaient radiographiée en 1977 puis avortée
dans la foulée, car la radio avait montré une grossesse.
Or cette femme cherchait depuis de nombreuses années à
être enceinte. Et les radiations agissent suivant le tout
ou rien : ou bien elle déclenchent l'avortement, ou bien
il ne se passe rien.
Dr
François Volff
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, octobre 1991
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