Ce
que nous appelons respect de la vie, le devoir, non simplement
de ne pas tuer aucun être humain quel que soit son âge
ou son état, mais de lui assurer les meilleures conditions
pour son épanouissement, est un absolu sans exceptions.
II n'est donc pas étonnant, bien que la rapidité
de la transition nous surprenne, que ceux qui estiment nécessaire
de trier avant leur naissance les enfants indésirées
pour quelque raison que ce soit, en viennent à demander
l'extension de cette monstrueuse charité à tous
les gêneurs, infirmes, malades chroniques, vieillards. Dans
leur intérêt, bien entendu, car on est encore un
peu gêné de proclamer qu'ils constituent pour les
bien-portants et la société une charge insupportable,
d'autant plus d'ailleurs que le malthusianisme diminue le pourcentage
des actifs par rapport aux inactifs que la médecine prolonge.
Après
l'avortement, l'euthanasie, la mort douce et heureuse. Mais n'en
déplaise au langage, l'avortement provoqué n'est-il
pas une euthanasie précoce qui n'ose pas dire son nom?
Refusant toute forme d'euthanasie prénatale, le mouvement
Laissez-les Vivre prend fermement position contre tout
assassinat postnatal.
II
s'agit dans les deux cas de déshonorer les médecins,
comme au temps du nazisme, en faisant du médecin un tueur
à la demande des intérêts financiers. Comme
dans le cas de l'avortement, on nous demande, non la simple clémence
pour ceux qui, dans le désespoir, ont succombé à
la tentation d'euthanasie (mais n'ont pas résisté
à en faire une étrange revendication), mais sa légalisation
sans se rendre compte des abus qui en résulteraient.
Comme
dans le cas de l'avortement on veut essayer de préciser
dans quels cas l'assassinat sera légalisé, sans
voir l'impossibilité de fixer des limites et le danger
d'entrouvrir une porte. Va-t-on créer des commissions de
tueurs devant lesquelles l'intéressé ou son entourage
plaidera sa demande ?
C'est
l'euthanasie passive qui est mise en avant. Quoi de plus légitime
qu'arrêter la réanimation d'un sujet au cerveau mort
qui ne reprendra plus jamais conscience ? Mais ce n'est en
rien de l'euthanasie puisque le sujet est mort en tant qu'être
humain. Que le médecin avec bon sens ne cherche pas, par
des prouesses thérapeuthiques, à prolonger une douloureuse
agonie, qu'il n'hésite pas à donner des analgésiques
même si secondairement cela diminue la résistance
d'un mourant, qu'il accepte aussi de ne pas en donner à
qui préfère mourir lucidement, cela est bon et on
doit lutter contre certains abus. Mais de là, pour apaiser
la conscience du médecin, lui prescrire ceux qu'il faut
soigner et ceux qu'il faut laisser mourir, c'est un pas qu'il
ne faut pas franchir.
En
fait, on ne s'intéresse à l'euthanasie passive,
inadmissible pour ceux qui malgré leurs souffrances peuvent
encore vivre, que pour s'orienter insidieusement vers l'euthanasie
active, le droit et le devoir de tuer son prochain. Non pour accélérer
une mort certaine, mais pour enlever la vie à qui n'a pas
une maladie obligatoirement mortelle. Cette euthanasie active
a deux formes. II semble logique de répondre à la
demande de qui demande qu'on le tue; suicide indirect. En fait
personne de sain d'esprit ne veut mourir. Ou c'est une revendication
faite à l'avance étant bien portant qu'on appliquera
contre son gré à l'intéressé qui a
changé d'avis, le moment venu, ou c'est une fausse demande
sous laquelle il faut voir le besoin d'être soulagé.
Vouloir ouvrir des maisons d'aide au suicide, comme en Suède,
pays de l'avortement, est une barbarie.
Mais
de toutes les formes d'euthanasie la plus inacceptable est précisément
celle qui ressemble le plus à l'avortement, la décision
de tuer quelqu'un qui désire vivre sans son consentement
et sans le lui dire. C'est sur cette pente fatale, chemin des
crématoires hitlériens, que nous conduisent a prudemment
et innocemment " en apparence, ceux qui ont signé
le manifeste pour l'euthanasie de certains Prix Nobel. En 1962
préparant une émission télévisée
sur l'euthanasie, I. Barrère et E. Lalou avaient eu la
sagesse d'y renoncer, ne voulant pas en faire une justification
pour des proches égoistes (Barrère et Lalou, le
dossier confidentiel de l'euthanasie, Stock). Dés qu'on
est tenté de se dire : « l'euthanasie, pourquoi
pas », on s'aperçoit que c'est impossible
(Chouard, « L'euthanasie en procès »,
La pensée universelle Sporken ; « Le
droit de mourir », Desclée de Brouwer).
Puisse
le refus de l'euthanasie être le sursaut qui nous conduira
au refus de l'avortement.
Dr
Paul Chauchard
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, décembre 1974
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