C'est
parait-il le choix de la majorité des Français,
à en croire certains sondages. C'est d'autre part, le vu
d'une certaine propagande, c'est enfin la croyance qu'ainsi la
population assure son renouvellement, et pour tous les partisans
de la stabilité démographique, cette formule parait
ainsi un idéal à atteindre.
II
y a beaucoup à dire sur ces différentes remarques
et en particulier, elles comportent de nombreuses erreurs malgré
une apparente vérité et une apparente simplicité.
Il
y a en démographie des pièges et des erreurs qui
peuvent se glisser dans les raisonnements apparemment les plus
valables, erreurs qui peuvent paraître discrètes
à l'examen superficiel et qui ont en fin de compte des
conséquences considérables.
II
y a une notion scientifique démographique concernant le
taux de reproduction et la définition d'un taux égal
à un. Le taux dit de 1 correspond au coefficient de reproduction
qui serait celui de 100 femmes donnant 100 filles. C'est une définition.
Mais très souvent des commentateurs ajoutent : « ce
qui correspond au renouvellement exact de la population et aboutit
à une population stationnaire à mortalité
stable ». Ce commentaire très répandu
est faux et il est à l'origine de l'idée, tout aussi
répandue dans la population, selon laquelle une famille
de deux enfants assure le renouvellement exact de la population,
ce qui, malgré l'apparence, est une notion déjà
différente de la précédente, les deux notions
ainsi commentées étant fausses toutes les deux.
C'est précisément ce que nous nous proposons de
préciser dans ce court article.
Piège
En
effet, pour qu'Il y ait renouvellement exact à mortalité
stable de la population adulte sans augmentation ni diminution,
il faut que 100 femmes donnent naissance non pas à 100
filles mais à un nombre de filles qui donnera 100 femmes.
Ceci est très différent. Donc 1° le coefficient
1 défini ci-dessus n'assure pas le renouvellement exact
de la population, et 2° une famille de deux enfants n'assure
pas le renouvellement exact de la population. Ces deux remarques
sont distinctes alors qu'on les croirait facilement identiques.
II importe de faire comprendre où se situent les erreurs
dans les raisonnements que nous venons de dénoncer.
Pour
avoir 100 femmes adultes il faut un nombre de filles qui donnera
100 femmes adultes. Or, et ceci est évident et incontestable,
il existe une mortalité de 0 à l'âge adulte.
Quel âge adulte faut-il choisir ? II y a là
une discussion. On pourrait prendre 20 ans, 30 ans, 35 ans, 40
ans. Quel âge choisir? II faut de toute évidence
choisir l'âge auquel la famille est terminée. Certes,
il peut y avoir des naissances après 40 ans, mais elles
sont rares, et l'on peut prendre 40 ans comme âge de
référence considérant que l'essentiel de
la famille se trouve terminé à 40 ans. En raison
du fait qu'un petit pourcentage de fécondité et
de natalité peut encore apparaître après 40
ans les chiffres qui résulteront de ce calcul seront considérés
comme minimum. L'I.N.S.E.E. (Démographie et emploi, série
D n° 36, tableau A 30 p. 80-81) nous donne la réponse
à cette première remarque. Étant donné
que pour faire un couple il faut un homme et une femme, nous avons
pris la moyenne de mortalité de l'homme et de la femme.
10 000 naissances donnent 9 468 adultes de 40 ans, moyenne hommes-femmes
(9 316 pour 10000 pour les hommes et 9620 pour 10000 pour les
femmes, année 1972, dernière année répertoriée
et dont nous avons les résultats complets). Ainsi pour
avoir 100 adultes de 40 ans, il faut un chiffre de naissances
qui aboutira à 100 adultes de 40 ans. Ce chiffre est le
suivant; compte tenu des coefficients de mort par maladie, accidents,
etc., 106 filles à la naissance pour avoir 100 femmes atteignant
40 ans. Cela veut dire que si l'on compte maintenant 100 hommes
et 100 femmes il faudra avoir 212 naissances pour obtenir 100
hommes et 100 femmes atteignant 40 ans. C'est un premier rectificatif
très important et qui est fonction des coefficients de
mortalité des populations considérées. II
est évident que ce chiffre sera beaucoup plus élevé
dans une population ayant une haute mortalité et qu'il
n'est donc ainsi pas le même dans une population de type
occidental à mortalité faible comme la France que
dans une population de type Indes ou Éthiopie où
la mortalité reste très élevée.
Deuxième
rectificatif
Ce
premier rectificatif non négligeable étant fait,
il y en a d'autres. On entend par exemple la phrase :
« Je
suis pour une population stationnaire et je considère qu'un
ménage doit avoir deux enfants ». Ceci veut
dire dans l'esprit des auteurs d'une telle phrase que les ménages
de deux enfants assurent une population stationnaire. Cette assertion
comporte plusieurs erreurs :
1°
Elle comporte déjà l'erreur qui vient d'être
évoquée ci-dessus, mais
2° chacun sait qu'il existe toujours dans une population un
certain nombre de célibataires qui ne se marient jamais
ou qui se marient après l'âge de la fécondité.
Dans une statistique de l'I.N.E.D. qui sera publiée dans
le numéro 1 ou 2 de l'année 1976, parmi les générations
hommes parvenant à l'âge de 40 ans, sur la moyenne
de huit années, le chiffre des hommes mariés atteint
84,925 % c'est-à-dire que un peu plus de 15 % des hommes
jusqu'à 40 ans ne se marient pas. Dans le sexe féminin
les proportions sont un peu différentes: pour les mêmes
années, toujours jusqu'à 40 ans, on obtient 91,65%
de femmes mariées, c'est-à-dire que un peu plus
de 8 % ne se marient pas (8,35 %). Pour éviter toute surestimation
ou toute sous-estimation nous prendrons la moyenne de ces deux
chiffres, ce qui nous donne 12 % de personnes n'étant pas
mariées jusqu'à 40 ans (donc 88 % mariées).
3ème
cause d'erreur
La
3ème cause d'erreur est que parmi ces ménages constitués
qui ne représentent donc que 88 % des adultes, un certain
nombre de ces ménages sont spontanément stériles.
Le pourcentage généralement admis est de 10 %, toutefois
certains statisticiens estiment le chiffre un peu trop élevé
et pensent que la vérité doit se situer autour de
8 %. Rappelons qu'en 1910 25 % des ménages n'avaient
pas d'enfants du tout et que dans la période 1950 à
1960 le nombre de couples sans enfants était de un peu
moins de 15 % si l'on compte tous les ménages et 11 % si
fort compte que ceux où la femme a moins de 50 ans.
L'incorporation
de tous ces pourcentages et de ces trois erreurs d'interprétation
ou plus exactement de ces trois rectificatifs permet d'obtenir
le chiffre des naissances par ménage qui assurent effectivement
le renouvellement de la population adulte. Ces différents
correctifs permettent les conclusions suivantes: sur ces 200 adultes,
176 seulement formeront des couples, donc 88 couples, sur ces
88 couples 8 % sont spontanément stériles, restent
donc 81 couples féconds soit 162 adultes (8 % de 88 = 7,04).
Ce sont ces 81 couples qui doivent donner 212 enfants pour que
ceux-ci fournissent 200 adultes de 40 ans. II faut donc 212 :
81 =2,617 enfants par ménage.
Près
de trois enfants
C'est
donc 2 617 enfants. par ménage fécond, en ne tenant
compte que des ménages spontanément et naturellement
stériles, qui peuvent assurer le remplacement strict, sans
diminution ni augmentation de la population adulte. Si l'on incorpore
les couples volontairement stériles, le chiffre nécessaire
est nettement plus élevé. En tenant compte des couples
volontairement stériles, on arrive 8 11 % de couples stériles,
c'est-à-dire que sur les 88 ménages seuls 78 seront
féconds. Ce qui donne alors 212 : 78 =2,718 enfants par
ménage.
On
voit donc que le raisonnement : pour une population stationnaire
il faut que 200 adultes donnent 200 adultes à mortalité
stable n'est pas du tout similaire au raisonnement : pour une
population stationnaire, il faut deux enfants par ménage.
On
voit aussi que ce dernier raisonnement est entièrement
faux comportant plusieurs erreurs, dont la résultante est
finalement considérable, erreur de 35,5 %. Certes on peut
discuter sur le choix du chiffre de 40 ans. II est certain qu'une
petite quantité de personnes ont encore des enfants après
40 ans et qu'on pourrait prendre un chiffre plus tardif. Mais
le pourcentage est discret et peut être négligé.
II est certain que la mort d'un adulte avant 40 ans empêche
souvent l'achèvement d'une famille et d'autant plus que
la mon est plus précoce. Prendre un chiffre plus bas que
40 ans crée donc une cause d'erreur notable. On peut
aussi discuter sur le pourcentage de célibataires. Nous
avons pria la moyenne des hommes et des femmes. II a d'autre part
des pères et des mères célibataires qui ne
sont pas des célibataires démographiquement parlant
mais qui le sont sur le plan de l'état civil et leur effectif
doit être décompté de l'effectif des célibataires
réels. Nous avons de plus écarté les célibataires
de 20 à 25 ans qui sont la majorité et se marieront
plus tard en grand nombre. Si nous incorporions ces classes de
20 à 25 ans le pourcentage des célibataires serait
plus élevé que 12 % et majorerait le chiffre final
abusivement. Nous ne tenons compte que des célibataires
le restant à l'âge de 40 ans, ce qui est semble-t-il
assez valable pour les calculs. Le chiffre aurait été
plus élevé aussi si nous avions tenu compte de tous
les célibataires y compris ceux de plus de 40 ans, mais
ceci n'intéresse pas significativement les problèmes
de fécondité et aurait grossi notablement les pourcentages
alors qu'an sait que leur rôle dans la fécondité
est négligeable.
Sous
réserve donc d'études statistiques beaucoup plue
précises, mais qui nous entraîneraient au-delà
des limites de cet article, on peut admettre que les chiffres
retenus sont valables et très prés de la réalité.
Le but de cet article n'est d'ailleurs pas d'obtenir le chiffre
statistiquement absolument exact, mais de montrer toute l'étendue
de l'erreur commise par le grand public qui traduit la phrase
selon laquelle 200 adultes doivent donner 200 adultes pour avoir
une population adulte stationnaire à mortalité stable
par l'idée que les ménages doivent avoir 2 enfants
pour obtenir ce résultat. Il en faut presque trois. L'erreur
est donc énorme et la vérité est que le ménage
de deux enfants en moyenne entraînerait une régression
trèsrapide de la population active et un vieillissement
ultra rapide de la population avec toutes ses conséquence.
Cette erreur grossière est bien entendu répandue
à profusion par les mass media, radio-télévision,
grand presse, etc. Trois enfants par ménage fécond
est une moyenne. Pour l'obtenir, en raison des ménages
volontairement stériles et surtout du nombre très
important des ménages de un ou deux enfants, il faut nécessairement
qu'il y ait un nombre important de familles nombreuses, 4, 5 enfants
ou plus, sans lesquels la moyenne de 3 ne serait pas atteinte.
II est donc nécessaire que Ia France pour survivre ait
une politique familiale énergique sans laquelle on ne verra
plus ou presque plus le troisième enfant et a fortiori
les suivants.
Expansion
L'objectif
du simple remplacement de la population adulte active sans aucune
augmentation est un objectif discret. Il ne permet absolument
pas la correction du vieillissement de la population. En raison
de la détérioration sans précédent
de la situation c'est pourtant un objectif déjà
considérable. La survie sans expansion est un objectif
d'une grande ampleur par rapport à la politique suicide
de l'actuel pouvoir. Mais nous considérons pour notre compte
que le véritable objectif minimum reste la correction du
vieillissement de la population, sans même parler de statu
quo de la proportion française dans le monde (actuellement
très rapidement régressive) mais tout à fait
inaccessible dans l'état actuel des choses.
E.
Tremblay
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, juillet 1976
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