La
société industrielle embrigade dans ses immenses
armées de gros contingents de femmes. Ce fait, encore nouveau
du point de vue de l'histoire est à l'origine d'un profond
déséquilibre dans la vie des familles. Les femmes
au travail et les enfants dont elles sont les mères sont
les principales victimes de cette situation contre nature. L'étude
attentive et objective de leurs conditions de vie met en évidence
la quasi impossibilité qu'il y a de concilier les nécessités
propres des activités professionnelles des femmes avec
les droits sacrés de la mère et de l'enfant.
Le
"marché" du travail, tel qu'il se présente,
pousse les femmes, tout comme les hommes, à rechercher
des emplois, parfois fort loin de leur domicile ou de leur lieu
d'origine. Il en résulte de véritables migrations
multiformes des zones rurales vers les grandes concentrations
urbaines. Celles-ci donnent l'illusion du surpeuplement du pays
et constituent, par là-même, un obstacle réel
à l'épanouissement démographique normal de
la nation. Le travail, les déplacements, la fatigue qui
en résulte; la solitude, l'exiguïté des logements,
les loisirs frelatés qu'offre la ville, vouent ces femmes
déracinées à une dépendance particulièrement
pénible à supporter : pourvoir à leur subsistance
et à celle des leurs, payer le loyer, garder à tout
prix l'emploi trouvé parfois à grand peine deviennent
vite les principales sinon les seules préoccupations. Survienne
une grossesse, l'événement, d'ordinaire dit heureux,
prend alors les proportions d'un accident d'autant plus grave
qu'il met en danger la sécurité de l'emploi. Il
ne manque malheureusement pas d'employeurs dont la logique intéressée
est assez froide pour considérer la grossesse d'une salariée
comme une faute dans le cadre de l'exécution du contrat
de travail.
Mais
une telle attitude, moralement inadmissible, est dans tous les
cas contraire à la loi.
La
loi française protège la femme salariée en
état de grossesse, qu'elle soit mariée ou célibataire,
qu'elle soit française ou étrangère.
Toute
femme salariée a le devoir de connaître ses droits
en ce domaine. En effet, ses droits ne sont pas seulement les
siens, ils sont aussi ceux de l'enfant qu'elle est susceptible
de porter.
Mais
pour le militant de "Laissez-les Vivre", connaître
la législation relative au contrat de travail et à
la maternité, en exiger la mise en uvre sont deux
aspects, et non des moindres, de la lutte quotidienne qu'il convient
de mener contre les causes de la demande d'avortement dont la
recrudescence est une des tares de la civilisation matérialiste.
L'étude
de cette législation comprend deux parties : la première
traite des situations protégées. La seconde décrit
les modalttés de la protection de la femme enceinte titulaire
d'un contrat de travail.
Toutefois,
avant d'aborder cette étude, il convient de préciser
la signification juridique exacte de l'expression "contrat
de travail".
Le
contrat de travail est un accord personnel par lequel un travailleur
s'engage à exécuter un ouvrage que lui confie son
patron, lequel, en échange, lui verse une rémunération
appelée salaire. Le contrat de travail suppose un lien
de subordination entre le patron et le salarié.
II
importe peu que le contrat soit ou non concrétisé
par un document écrit. L'embauche verbale et le commencement
d'exécution de l'accord suffisent à donner naissance
au contrat.
La
preuve du contrat de travail peut être faite par tous les
moyens : production de documents tels que lettres d'embauche,
bulletin de paie, certificat de travail, bordereaux de cotisations
à la Sécurité sociale, témoignages...
La
rupture du contrat peut intervenir à la volonté
de l'une des parties, mais toujours dans des conditions fixées
par la loi, la réglementation, la convention collective
ou les clauses particulières convenues avant ou après
l'embauche. Ces conditions portent notamment sur le délai-congé
ou préavis dont elles fixent la durée.
Soulignons
enfin que toutes clauses particulières du contrat de travail
qui seraient contraires à la loi, à la réglementation
ou à la convention collective seraient nulles de plein
droit. C'est ainsi qu'une grossesse, présente ou future,
ne saurait en aucun cas être considérée par
voie d'accord proposé... ou imposé à la femme
salariée comme étant un motif de renvoi. Le licenciement
prononcé dans de telles conditions, sauf le cas de force
majeure, serait considéré comme abusif.
Les
textes officiels principaux applicables en cette matières
sont les suivants :
La
Loi n° 66.1044 du 30 décembre 1966 relative à
la garantie de l'emploi en cas de maternité. (Journal officiel
du 31 décembre 1966).
Le
Décret n° 68.643 du 9 juillet 1968 concernant l'application
de l'article 29 du Livre 1er du Code du Travail relatif à
la garantie de l'emploi en cas de (J.O. du 14 juillet 1968).
Divers
arrêts de la Cour de Cassation précisent la jurisprudence
et l'interprétation qu'il convient de donner à ces
textes.
Les
situations protégées
Le
législateur s'est fixé trois objectifs :
1°
Protéger la femme salariée enceinte contre le risque
de perdre son emploi.
Il y a en effet une incompatibilité au moins momentanée
entre l'activité professionnelle et la maternité.
C'est pourquoi la loi institue un droit au maintien d'un emploi
préexistant semblable à celui qu'elle réserve
aux travailleurs libérés de leurs obligations militaires.
2°
Protéger la santé de la femme.
Les répercussions du travail professionnel sur la santé
gynécologique de la femme risquent d'être dommageables.
D'autres causes extérieures à l'existence d'un contrat
de travail peuvent augmenter ce risque. Le médecin aura
donc la possibilité de prescrire des arrêts de travail
même si l'état pathologique de la femme enceinte
reçoit une acception plus large que la maladie.
3°
Protéger l'enfant à naître et son éducation.
La loi du 30 décembre 1966 permet à la femme "en
vue d'élever son enfant"de ne pas reprendre son
travail pendant un an tout en bénéficiant d'une
priorité de réemploi.
Il
s'agit là d'un progrès, mais en fait, la loi n'a
guère permis d'augmenter la présence au foyer des
mères de jeunes enfants : l'extension rencontre d'importants
obstacles tant du côté des employeurs que de celui
des femmes salariées dont le revenu baisse au moment précis
où il serait le plus nécessaire.
C'est
la raison pour laquelle" Laissez-les Vivre" revendique
le droit au SALAIRE MA TERNEL.
Modalités
de la protection
La
suspension du contrat de travail pour maternité, à
la différence des autres motifs de suspension, contraint
l'employeur pour lequel elle constitue un cas de force majeure.
II est cependant difficile d'affirmer que la maternité,
pour la femme salariée est toujours un cas de force majeure
: une femme a naturellement la possibilité de concevoir
volontairement un enfant. C'est d'ailleurs en exploitant cet argument
que les partisans de l'avortement propagent leur théorie
antinaturelle et fausse de surcroît selon laquelle toute
femme aurait le droit de "choisir" la solution qui lui
conviendrait le mieux. Le choix de l'avortement, de l'aveu même
de la plupart de ceux qui s'en font les adeptes n'est qu'un pis-aller
imposé par les conditions de vie et de travail des salariées.
On ne voit guère la place de la liberté face à
une telle situation, et la vraie solution, la plus humaine en
tout cas, est contenue dans les possibilités qu'offre la
loi telle qu'elle existe actuellement. Bien entendu, pour l'avenir,
il faut revendiquer l'amélioration de ces possibilités.
Le
moment venu, et à l'initiative de la femme, il s'agit donc
de mettre en uvre la suspension du contrat de travail. Ceci
implique la connaissance de la législation en vigueur.
Le
texte de la loi et celui du décret relatifs à la
garantie de remploi en cas de maternité sont cités
en annexe du présent article.
Tout
adhérent de "Laissez-les Vivre" a le devoir,
armé d'un peu de science juridique et d'esprit pratique
d'informer de leurs droits les femmes salariées en situation
de grossesse. Il ne doit jamais hésiter à intervenir,
avec l'accord de l'intéressée et avec la discrétion
qui convient, pour aider à assurer la défense d'une
femme victime d'un employeur abusif. Une telle action constitue
une part importante de la mission des animateurs des réseaux
du "S.O.S. Futures Mères".
La
procédure est simple : elle consiste à consulter
sans tarder l'inspecteur du Travail, ou l'inspecteur des Lois
sociales en Agriculture, s'il s'agit d'une profession agricole.
Le cas échéant, sur le conseil de ce fonctionnaire,
il conviendra d'inciter l'intéressée à saisir
la juridiction compétente : le Conseil des Prud'hommes.
Par
le caractère réaliste et opiniâtre de notre
combat quotidien, noues parviendrons à rendre courage à
celles qui s'en remettent à nous pour les aider à
affronter l'aventure maternelle.
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, avril 1974
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