"LAISSEZ-LES
VIVRE" n'a pas pour but de s'opposer simplement à la liberté de
l'avortement en négligeant le drame des avortements clandestins.
Ce n'est pas suffisant d'expliquer objectivement et scientifiquement
que l'avortement provoqué est un assassinat prénatal dès la conception.
Montrer que c'est mal ne supprimera en rien le besoin d'avortement.
Ce besoin est certes un besoin monstrueux par rapport à l'inconscient
maternel féminin. L'important est d'analyser les causes qui poussent
la femme à l'avortement afin d'y remédier. Bien des partisans
de l'avortement reconnaissent que ce n'est pas la solution et
qu'il ne faut s'y résoudre "qu'en attendant". En attendant quoi
? Le miracle qui changera la situation. C'est exactement l'inverse
qu'il faut faire : dans son exposé des motifs la proposition de
loi Peyret reconnaît la nécessité de mesures sociales et familiales,
mais propose la solution de l'avortement pour les rendre inutiles.
Ce sont ces mesures qu'il faut prendre d'urgence et voir leurs
effets sur l'avortement clandestin.
C'est
une grave déficience de la proposition de loi que de ne pas être
au niveau de la loi Neuwirth sur la contraception qui prévoyait
une organisation de l'éducation sexuelle. II est vrai que cet
aspect de la loi n'a pas été appliqué et qu'on en est resté à
la distribution de contraceptifs dont certains sont abortifs.
Une loi sur l'avortement ne doit pas le légaliser, ni l'interdire,
mais proposer les moyens d'en supprimer le besoin.
Devant l'ampleur de l'avortement nous avons le tort de penser
que cela concerne les intéressés et le gouvernement. En fait c'est
comme tous les problèmes humains, l'affaire de tous, nécessitant
à l'opposé de l'anarchie libertaire ou du libéralisme ou totalitarisme
étatique, une prise en charge communautaire amicale. La femme
qui se découvre enceinte et pense que cela ne lui est pas possible,
a besoin immédiatement d'une aide psychologique, d'un soutien,
d'une amitié cordiale. Elle aura certes besoin d'aide matérielle,
mais immédiatement il faut la sortir de l'angoisse et de l'affolement.
L'expérience montre qu'un appui affectif et affectueux qui ne
donne pas de "bons" conseils ou des directives moralistes aide
à se reprendre, y voir clair et trouver la possibilité d'accepter
l'enfant. Toute femme enceinte en tentation d'avortement a besoin
d'un conseiller de maternité comme un alcoolique a besoin d'une
cure médicale. Mais cela ne servirait de rien si l'alcoolique
ne trouvait pas ensuite un milieu d'accueil, ce que réalisent
les associations d'anciens buveurs ou de volontaires de la sobriété.
Prenons donc conscience de notre responsabilité dans les avortements
qui se passent à notre insu dans notre quartier. Nous pouvons
dès aujourd'hui les empêcher, si nous y croyons, jusqu'à accepter
de perdre de notre temps pour cette entraide, qui ne s'arrête
pas à la naissance.
S'il
y a en effet des cas difficiles demandant des conseillers formés
à la technique du conseil, le plus souvent un soutien chaleureux
suffira à sortir de l'angoisse, de l'isolement. Face à l'engagement
des militants de l'avortement, nous avons besoin de l'engagement
passionné de militants faisant l'impossible pour aider les mères
désespérées à pouvoir assumer leur maternité. Et c'est cette prise
de conscience à la base qui imposera au nom de l'opinion publique
les mesures sociales et politiques nécessaires.
Paul
Chauchard, président
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, 1971
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