Depuis
que la guerre a été déclarée aux enfants
de France pour cinq ans, et puis continuée pour un temps
supposé indéfini, nous avons assisté à
une sorte d'écroulement de la médecine ; les digues
se sont effondrées brusquement, et il y a eu comme une
invasion. Mais il restait comme une zone libre (...)
Il suffisait que l'enfant soit né pour qu'il devienne légalement
intouchable. Mais cette zone libre, maintenant qui est envahie
à son tour.
Après
sa naissance, l'enfant, depuis cette années, est attaquée
officiellement dans notre pays. Vous vous rappelez certainement
comment a été montée la campagne des promoteurs
de la mort. Ils nous avaient dit, tout au début, la pilule
remplacerait l'avortement, comme l'avortement avait remplacé
l'infanticide. Or, comme toujours, la réalité était
l'inverse de ce qu'ils disaient, parce que la réalité
et eux le savaient était l'inverse de ce
qu'ils disaient : c'est la pilule qui a amené l'avortement,
et l'avortement permettant de tuer des êtres humains très
jeunes, il devait nécessairement amener à l'infanticide.
D'ailleurs
l'infanticide est déjà inscrit dans la loi Veil.
Vous savez qu'il suffit de deux médecins pour que la grossesse
puisse être interrompue, en cas de danger redouté
pour l'enfant, à toute époque de la grossesse. C'est
dans la loi française.
Et
quand pour un médecin, la loi dit « Vous
avez de tuer un enfant à toute époque, à
6 mois, à 7 mois, à 8 mois in utero » ;
tant qu'il n'est pas sorti de l'abri maternel, on sait que cette
loi inscrit, non pas la lettre, mais vraiment dans l'esprit, la
notion d'infanticide. (...)
C'est
l'origine de cette euthanasie. Elle a été inventée,
mise au point, pratiquée par des médecins qui n'étaient
pas membres du parti nazi. C'est dans les années 1924,
en Allemagne, qu'est née, chez des médecins particulièrement
respectables, la théorie des vies qui ne valaient pas la
peine d'être vécues. Il y a un extraordinaire petit
livre, imprimé en gothique, qui date de 1924, et qui explique
tous les arguments que vous entendez aujourd'hui à propos
des enfants anormaux, des vieillards ayant dépassé
la limite de décrépitude, ou des blessés
ayant été trop gravement abimés par un accident.
La
responsabilité de la médecine est d'une gravité
extrême. C'est parce que des médecins avaient commencé
cela qu'a été érigée par une loi
alors là par le gouvernement national socialiste
une euthanasie spécifique, dont les services étaient
réservés d'ailleurs aux aryens, et qui s'est appelé
le grabentaut. Elle a exterminé à peu près
60 000 Allemands et dans les règles les plus
remarquables. (...)
La
responsabilité de la médecine est énorme.
Les médecins sont les gardiens de la vie ou plutôt
les serviteurs de la vie. Le jour où ils changent de camp
et pactisent avec la mort et la maladie, ce jour-là la
société qui possède ces médecins est
en danger. (...)
On
nous accuse, on nous a accusé, d'être des passéïstes
d'une part et surtout de faire des procès d'intention.
Et quand nous avons dit à "Laissez-les-Vivre"
que de voter l'avortement c'était mener à l'infanticide
et à l'euthanasie, on nous a dit : « Vous
n'avez pas le droit de dire cela, vous faites des procès
d'intention. Les gens qui font des avortements ne voudraient pas
tuer des enfants déjà nés, ne voudraient
pas tuer les vieillards ». Eh bien, ce n'était
pas un procès d'intention, c'est une prévision pure
et simple qui était strictement inévitable. (...)
Rappelez
vous la technique qui a été employée. C'était
en mettant en avant le bataillon des anormaux, des mal aimés,
des mal venus, des malformés qu'on a commencé à
parler de l'avortement. C'est ce qui a permis aux promoteurs de
la mort d'avoir accès au public. Car il y a vingt ans personne
n'aurait pu faire le panégyrique de l'avortement. (...)
Le
coup d'envoi était prévu par une émission
télévisée de M. Pivot. A cette émission,
il était prévu de parler d'euthanasie pour la première
fois à la télévision française. Parce
qu'un médecin, qui s'occupe de réanimer des enfants
prématurés, avait écrit un livre dans lequel
il parlait, pendant seulement un chapitre, mais c'était
ça le vrai sujet. Il s'est produit ce jour là un
événement imprévisible par tous. Quelques
heures avant l'émission, il y a eu un attentat dans une
synagogue rue Copernic, et lors de l'émission, les personnes
qui allaient parler, très discrètement très
noblement, avec une certaine distance, et avec énormément
de gentillesse, de bonhomie, d'éliminer quelques malades,
ces personnes devant l'atrocité, étaient obligées
de condamner en bloc le fait de tuer, et n'ont pas osé
parler de ce qu'elles voulaient faire, à savoir accoutumer
les citoyens à l'idée que l'on pourrait tuer certains,
de temps en temps, et sans en faire une habitude.
Mais
la provocation a été reprise et pour commencer l'année
des handicapés, il y a eu une émission de télévision
qui a proposé comme sujet non pas "A-t-on le droit
de les tuer ?", mais, toujours en inversant les choses
"A-t-on le droit de les laisser vivre ?".
C'était
une émission à laquelle, malheureusement j'ai été
obligé de participer. Je dis malheureusement. Il était
malheureux que nous soyons obligés de prendre la parole
à la télévision pour défendre la vie
des malades. C'est un grand malheur que ce soit nécessaire.
[Un
auditeur : « faites-le plus souvent ».]
Que
je, ou que nous parlions plus souvent aux mass médias,
ce n'est pas possible. Nous sommes interdits. La seule possibilité,
c'est comme vous le montrez d'un mouvement, c'est d'aller de l'avant
et de foncer quand même.
[Le
Professeur Lejeune s'alarme alors d'un article anonyme, paru il
y a un an dans un des principaux journaux médicaux du monde,
et dans lequel un anonyme expliquait qu'en présence d'un
nouveau-né anormal, il demandait aux parents si, en cas
de syncope grave, il fallait essayer tous les moyens possibles
pour le réanimer, et qu'en cas de réponse un tant
soit peu ambigüe, il supprimait l'enfant avec un biberon
de véronal.]
La
spina bifida
Alors,
cette guerre qui est déclarée ; il fallait lui trouver
une raison que le public puisse comprendre et sur lequel on puisse
polariser son attention. Et on a choisi la spina bifida. La spina
bifida est une maladie relativement rare. Au début de la
formation de l'embryon se forme un minuscule petit tube qui sera
la moelle épinière et dont l'extrémité
supérieure grossira pour devenir le cerveau. Ce tube neural
se replie sur lui-même comme une gouttière, se referme
comme une fermeture éclair et finit par se fermer en bas
et en haut. Et s'il ne se ferme pas tout à fait, en haut,
le cerveau ne se développera pas. L'enfant sera sans cerveau,
ce sera un anencéphale. Si au contraire c'est en bas, il
y aura une plaie au niveau des os qui contiennent normalement
la moelle épinière et on verra au bas du dos une
hernie qui contient les nerfs de la moelle épinière.
Comme c'est les épines postérieures qui ne sont
pas jointives on dit "spina bifida".
Le
principe, c'est de prendre une maladie relativement rare, relativement
connue dans certains pays (elle est spécialement connue
dans les pays anglo-saxons) et d'en faire un tableau absolument
abominable. Ceux d'entre vous qui ont vu l'émission télévisée
ont probablement retiré l'impression qu'un enfant atteint
de spina bifida est un être complètement broyé
par une malformation, qu'il mène une vie grabataire, presque
sans relation avec le monde extérieur et qu'il serait tout
à fait incapable de mener une vie, même difficile,
mais ressemblant un peu à la vie ordinaire. Et ça,
c'est la technique, parce que les spina bifida en moyenne, et
dans 90 % des cas à peu près, c'est un handicap
qui peut être grave ou plus ou moins grave. Mais pour vous
donner une idée, les cas les plus graves donnent une paralysie
des membres inférieurs avec des difficultés importantes
pour l'élimination de l'urine et des matières, mais,
en gros, un enfant atteint de spina bifida grave est à
peu près dans l'état d'un petit polio dans son fauteuil.
Qui, il y a trente ans, aurait proposé de tuer les petits
polio ? Or c'est ce que l'on propose à l'heure actuelle.
Et pourquoi ? Probablement parce que nos sociétés
sont plus désespérées qu'elles ne l'étaient
il y a encore une trentaire d'années.
[Le
Professeur Lejeune poursuit en expliquant certaines circonstances
de survenue de la spina bifida, sa prédisposition dans
certaines familles, le rôle déclenchant des pommes
de terre infestées de nielle en année humide, puis
il montre que, depuis les travaux de Smithells en Angleterre,
on incrimine à l'origine de la spina bifida le manque d'une
vitamine, l'acide folique, pendant la vie prénatale.]
Et
la lumière pour une fois, et à contrario
nous est venue des avorteurs. II y a une vingtaine d'années
un certain Thiersche, en Amérique, avait inventé
de faire des avortements avec de l'aminoptérine. C'est
un produit qui empêche les tissus d'utiliser cette vitamine
dont je vous parle, l'acide folique. Et on se sert de l'aminoptérine
comme d'un médicament puissant pour tuer les cellules cancéreuses
qui requièrent beaucoup d'acide folique pour se diviser.
On traite ainsi les cancers. Or M. Tiersche eut l'idée
abominable de provoquer des avortements en donnant à la
mère de faminoptérine exactement comme s'il avait
cru que le ftus est un cancer. Et il a tué de nombreux
ftus. Mais certains ont survécu et ceux qui ont survécu
avaient des spina bifida, des encéphalocèles, des
anencéphalies, et même des hydrocéphalies.
C'est-à-dire que nous savons, par une abominable expérimentation
humaine, qui heureusement a été très vite
arrêtée, qu'effectivement, empêcher l'usage
normal d'une vitamine chez la femme enceinte peut provoquer cette
maladie. Alors M.Smithells a eu l'idée très simple
de voir si on ne pourrait pas empêcher la maladie en donnant
de l'acide folique.
Mais
en Angleterre, on n'a pas accepté les idées de Smithells,
car c'est un des pays, avec les États-Unis, dans
lequel on a dépensé le plus d'argent pour mettre
en route un énorme programme de dépistage in
utero de cette maladie. Car on peut s'apercevoir qu'un enfant
est malade, qu'il a cette spina bifida, parce qu'il y a une fuite
d'une certaine substance, l'alpha ftoprotéine, quand
le cerveau ou la moelle épinière sont mal fermés.
Cette substance passe dans le liquide amniotique et passe dans
le sang de la mère. On a fait des programmes de dépistage
énormes pour savoir si l'enfant a émis beaucoup
d'alpha fto-proléine et éventuellement le
tuer. Ces programmes sont extrêmement coûteux, et
on discute à l'heure actuelle au Sénat américain
pour savoir si on imposera au contribuable cette nouvelle "aide"
à l'enfance.
Or,
avec Smithells c'est beaucoup plus simple s'il y a effectivement
un trouble chimique, le mieux ne serait-il pas de choisir les
mères qui ont déjà eu un, enfant atteint,
et dont on sait qu'il y a un grand risque (une chance sur vingt)
que le prochain enfant soit atteint et de leur donner préventivement
une certaine dose de vitamine folique quelques mois avant la mise
en route du prochain bébé et de voir si on préserverait
ainsi les enfants. Les résultats ont été
excellents. II a traité 178 mamans et un seul enfant est
né atteint. Parmi les témoins, c'est-à-dire
parmi des mères dans le même cas et qui n'avaient
pas eu de traitement, Smithells a recensé, ensuite, 260
cas, et 12 enfants étaient atteints, c'est-à-dire
à peu près 1 sur 20, comme on s'y attendait.
II
est vraisemblable, scientifiquement, on devrait dire raisonnablement
sûr, que Smithells est sur la bonne voie, qu'il a trouvé
quelque chose de très important. Or, et c'est là
où je vous pose la question : Est-ce-que vous avez
entendu parler de lui dans vos journaux ? Et ce qui est plus
extraordinaire, c'est qu'en Angleterre non plus. La grande presse
n'a pas repris cette information. Et quand j'étais il y
a deux mois à Chicago, j'ai parlé de cela avec des
spécialistes de la spina bifida. II n'en savaient rien
non plus.
II
faut vous dire, et vous parliez tout à l'heure de l'accès
à la télévision, que même lorsqu'un
chercheur publie quelque chose, qui est scientifiquement important,
s'il ne va pas dans le sens de la mode, s'il ne va pas dans le
sens de ce que l'on répète tous les jours, à
savoir qu'il faut dépister tôt les maladies pour
pouvoir tuer les malades, sa nouvelle n'est pas diffusée.
Et
pourtant, il est vraisemblable que nous sommes en train de renverser
l'équilibre des forces. Ceux qui luttent pour la mort des
enfants sont en train de perdre du terrain parce que la médecine
est en train de gagner. Nous n'avons pas encore gagné une
victoire, mais nous avons déjà établi, au
moins en ce qui concerne la spina bifida, une première
tête de pont et le gros de l'armée va s'y engouffrer
dans quelque temps.
Mais
ce n'est probablement pas le seul endroit où la balance
est en train de pencher.
Les
maladies de l'intelligence humaine
L'autre
endroit où la balance est en train de pencher, c'est l'ensemble
des maladies qui frappent l'intelligence humaine. Celles qui font
qu'un enfant riait frappé dans sa chair et son esprit et
se trouve condamné à la débilité de
l'intelligence. C'est la maladie, c'est la seule maladie qui soit
typiquement humaine, car seuls les hommes peuvent souffrir de
n'être pas intelligents. Les animaux n'en souffrent pas.
Et c'est en même temps la plus inhumaine parce qu'elle interdit
au sujet qui en est frappé de jouir pleinement du vrai
patrimoine des hommes, c'est-à-dire de pouvoir penser.
Et
cette maladie est peut-être celle pour laquelle on aurait
la plus tendance à s'imaginer que peut-être une vie
pareille n'est pas aussi élevée en valeur qu'une
vie pleinement normale. Ce serait un jugement tout à fait
absurde. II tiendrait compte de la puissance intellectuelle, comme
on tiendrait compte de la puissance fiscale d'un véhicule
; il ne tiendrait pas compte d'une autre puissance qui, elle,
n'est pas diminuée chez les débile mentaux qui est
la puissance du cur. Et cette puissance là n'est
peut-être pas toujours normale chez les gens à grand
quotient intellectuel qui ont une raison désespérée.
[Le
Professeur Lejeune explique alors comment la plupart des maladies
constitutionnelles du système nerveux sont dues à
une déficience d'acide folique, ou plutôt de ses
métabolites dans le cerveau, et en particulier dans la
myéline qui isole les fibres nerveuses. Il poursuit :]
Nous
avons pour la première fois une maladie dans laquelle une
anomalie d'un chromosome, un petit fragment d'un chromosome ne
fonctionne pas très bien et on voit au microscope qu'il
ne prend pas très bien la couleur. Et cette maladie d'un
chromosome est spécifique de certains sujets débiles
mentaux, pas tous les débiles mentaux, mais une grande
catégorie, probablement aussi nombreuse que la trisomie
21. Chez ces enfants, un australien, M. Sutherland, a découvert
que si on enlève l'acide folique, l'anomalie augmente.
Cela
amène à ce résultat, que je vous confie,
car il ne sera publié que demain à l'Académie
des Sciences, pour la première fois, en utilisant un médicament
relativement simple (proche de l'acide folique et déjà
employé pour récupérer des malades atteints
de leucémie qu'on avait un peu trop traités par
l'aminoptérine) on a pu transformer un état pschotique,
chez un enfant, en un état normal. Ceci comme si on agissait
directement sur le mécanisme chimique qui est en jeu.
Ça
ne veut pas dire que nous avons gagné la guerre, mais il
est sûr et quand je dis nous, ce n'est pas notre équipe,
mais tous les chercheurs dans les différents pays du monde,
il est sûr que nous avons fait sauter un verrou et que,
dans les années qui viennent, vous verrez ça
mettra un temps que je ne peux prévoir, un an ou dix ans,
mais pas cinquante ans vous verrez que ces maladies,
qui étaient considérées comme irréductibles,
comme hors d'atteinte, vont être comprises progressivement.
(...)
Et
si je dis cela ce n'est pas pour vous rassurer, ce n'est pas pour
vous dire que les euthanasistes ont tort et que ça va s'arranger,
je vous le dis parce que c'est vrai et que la science n'est pas
désespérée.
C'est
très important. Non pas de laisser croire aux parents qui
ont des enfants anormaux qu'on va les guérir demain, car
je ne sais pas quand est le demain pour tel enfant particulier.
Mais de comprendre que la position désespérée
qui consistait à dire le raisonnement en trois points des
euthanasistes :
II y a des malades, c'est vrai.
Ce sont des maladies graves que nous ne savons pas guérir,
c'est vrai.
Donc il faut les tuer, c'est faux.
Donc il faut les guérir et cela n'est pas impossible.
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, janvier 1981
|