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HISTORIQUE DE LAISSEZ-LES-VIVRE – SOS FUTURES MÈRES



IMPRIMERXIe Congrès – Jacques Bichot (de Lyon) :
Les droits économiques des familles

Directeur de recherches à l'Université Lyon II
Président de l'Union Départementale des Associations Familiales du Rhône
Vice-Président Délégué de la Fédération des Familles de France

Les idées développées dans cet exposé engagent la responsabilité de leur auteur, mais en aucune manière celle des organismes ou il exerce des responsabilités.

Les questions économiques sont secondaires par rapport aux questions philosophiques et morales. Plus exactement, elles leur sont subordonnées, car la vocation de l'économie est d'être au service de l'homme, au service des œuvres de l'esprit.

J'ai donc conscience de venir parler ici d'un sujet qui a moins d'importance, intrinsèquement, que vos réflexions sur le respect de la vie, sur le rôle irremplaçable de l'amour au sein de la famille, sur la nécessaire solidité de la cellule familiale, sur l'éducation de nos enfants, sur la liberté de choix dont les familles doivent pouvoir disposer, notamment en matière d'éducation scolaire, etc...

Néanmoins, l'économie est une dimension de l'homme, une dimension qui prend beaucoup de son temps, et notre accomplissement, en tant qu'homme, notre amour et notre dévouement se réalisent pour une part non négligeable à travers des actions qui ont un caractère fortement économique. Quand une mère de famille prépare le déjeuner ou emmène ses enfants dans les magasins leur acheter des habits, il n'y a aucune séparation entre son amour maternel et sa fonction économique : l'un s'incarne dans l'autre.

Il en va de même de la réflexion économique. Pour moi, faire progresser l'analyse du rôle économique de la famille, de ses responsabilités et de ses droits dans ce domaine, c'est une manière de servir l'idéal familial auquel je suis attaché de toute mon âme. Pour un homme, faire les efforts que requiert sa profession, son gagne-pain, c'est une manière de se mettre au service de sa femme et de ses enfants, et partant de les aimer. L'effort que je vais vous demander en matière de réflexion économique est analogue à ce labeur quotidien. Il est moins gratifiant de travailler dur toute la journée que d'embrasser les enfants et de jouer avec eux en rentrant à la maison, mais c'est aussi un acte d'amour. Pareillement, il est moins exaltant de chercher à comprendre les services économiques que rendent les familles à la société, et les droits qui en résultent, que d'écouter un orateur nous conforter de nos positions en faveur du respect de la vie dès son origine, mais ce n'est pas une moindre preuve de dévouement réel à la cause de l'humanisme que nous défendons tous.

J'en donnerais une preuve, parmi d'autres : si la population française, si ses dirigeants avaient plus clairement conscience des services rendus à la nation par ceux et celles qui mettent des enfants au monde et les élèvent de leur mieux, l'accueil de l'enfant dans la société française serait meilleur, et l'on trouverait plus fréquemment, aux problèmes de celles pour qui la grossesse ne se présente pas comme l'accomplissement merveilleux d'une attente ardente, des solutions autres que la mise à mort du fœtus.

C'est dans cette perspective que j'entends vous entretenir maintenant des services que rendent à la société ceux et celles qui engendrent des enfants et les éduquent de leur mieux, ainsi que des droits qui forment la contrepartie légitime de cet apport irremplaçable.

SANS ENFANTS, PAS DE RETRAITES

Il y a quelques années, une compagnie d'assurances avait entrepris une campagne publicitaire sur le thème : vous qui êtes en période d'activité, ne comptez pas trop sur les bébés qui naissent aujourd'hui pour vous assurer une retraite confortable. ils ne sont pas assez nombreux pour cela. Venez plutôt souscrire nos contrats d'assurance-vie ! Cette campagne fut interrompue parce qu'une caisse de retraite complémentaire l'attaqua devant les tribunaux et obtint gain de cause. En un sens, c'est dommage, car cette publicité, en dépit de ses objectifs mercantiles, attirait l'attention du public sur un vrai problème: le lien direct entre la naissance et l'éducation des enfants, et le financement des futures retraites.

On peut résumer ce lien en une phrase, un slogan dont j'ai d'ailleurs fait le titre d'un article qui va paraître incessamment dans Informations Sociales, la revue de la CNAF : pas d'enfants, pas de retraites. Ou bien, plus positivement : c'est la mise au monde et l'éducation des jeunes générations qui assure aux personnes ayant aujourd'hui la quarantaine ou la cinquantaine, qu'elles pourront partir à la retraite d'ici une vingtaine d'année ou peut-être moins, et plus précisément partir à la retraite avec l'assurance de toucher régulièrement pendant les nombreuses années qui leur resteront alors à vivre, du moins en moyenne, l'assurance de toucher régulièrement une pension suffisante pour conserver un niveau de vie équivalent, ou presque équivalent, à celui dont elles bénéficient aujourd'hui.

La pension de retraite est garantie à tous, de façon presque indépendante de la situation de famille, dés lors qu'il y a eu activité professionnelle. Autrement dit, les personnes qui n'ont pas d'enfant, ou qui ont un fils ou une fille unique, comptent sur les enfants des autres pour subvenir à leurs besoins passé 60 ou 65 ans. Il y a là une version modifiée de la fable de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi : la cigale ayant chanté tout l'été, ne se trouva pas dépourvue quand la bise fut venue, car la fourmi lui donna accès aux provisions qu'elle avait engrangées. En d'autres termes, les foyers qui ont donné la vie avec générosité sont les fourmis qui partagent : lorsque vient le moment de quitter la vie professionnelle et de vivre du labeur des plus jeunes, elles laissent les cigales profiter autant qu'elles des cotisations que versent les gènèrations actives.

LES DROITS DES FAMILLES DÉCOULENT
DES SERVICES QU'ELLES RENDENT

Mais quand on partage les bénéfices, il convient de partager aussi les investissements. Quand on partage le fruit du travail des générations plus jeunes, il convient de partager aussi les frais inhérents à l'entretien et à l'éducation des enfants.

Les droits économiques des familles résultent entièrement de ce prinicipe de simple équité
puisque chaque famille ne se réserve pas le fruit du travail de ses membres les plus jeunes, puisqu'elle laisse la société, par l'intermédiaire des caisses de retraite, s'emparer d'une large fraction de cette production, il serait totalement injuste qu'elle ne bénéficie pas en contrepartie d'un apport au moment où la formation des jeunes est coûteuse.

Tel est le principe de la compensation des charges familiales. Il ne s'agit pas d'aider les familles, parce que celles-ci seraient en quelque sorte des cas sociaux incapables de subvenir à leurs besoins. L'expression "aide à la famille", si souvent utilisée, et de la façon la plus officielle, est une contre-vérité, un exécrable déguisement de la réalité. Ce ne sont pas les besoins des familles qui légitiment les prestations familiales et d'autres apports de la collectivité dont nous parlerons dans un instant : ce qui justifie que les familles reçoivent de certains organismes de l'argent ou des services gratuits, tels que la scolarisation gratuite ou quasi-gratuite de leurs enfants, c'est que cet apport va être rendu et il est remboursé avec un taux d'intérêt considérable, croyez-moi, au moment où les enfants qui en ont bénéficié, devenus grands, vont se mettre à financer, par leurs cotisations, les caisses de retraite.

LES PRESTATIONS FAMILIALES :
UN PRÊT REMBOURSÉ AU TAUX FORT

Prenons une comparaison : vous voulez acheter une maison ou un appartement, mais vous n'avez pas l'argent voulu, alors vous empruntez, est-ce que la Banque ou la Caisse d'Epargne vous fait un cadeau ? Non, cet organisme fait son métier, qui est de mettre à votre disposition de l'argent au moment ou il est utile pour réaliser vos projets, et de vous faire rembourser ensuite le prêt, progressivement, et en prélevant au passage des intérêts suffisants pour couvrir ses frais de fonctionnement et dédommager ses propres créanciers. Il n'y a pas là-dedans de la philantropie, les banques ne sont pas des Sœurs Thérésa ou des St-Vincent de Paul. Ce sont des organismes qui permettent de réaliser certains échanges entre des gens qui ont une utilisation immédiate de certaines sommes, et d'autres personnes qui, au contraire, sont disposées, à attendre plus tard, à condition de percevoir des intérêts.

Et bien, la sécurité sociale, au sens large du terme, incluant les caisses de retraite complémentaires, assume un rôle un peu analogue à celui des caisses d'épargne ou du crédit foncier. En versant de l'argent aux familles ayant des enfants à charge, elle finance un investissement, le plus bel investissement qui soit : l'investissement humain, l'investissement dans les personnes humaines. Et il ne s'agit pas d'un investissement à fonds perdu : ces enfants, nos enfants, sont d'ores et déjà ses débiteurs, ils sont destinés à payer des cotisations aux caisses de retraite, et vous pouvez être surs qu'ils n'y couperont pas !

Poussons le parallélisme encore un peu plus loin. L'argent que l'organisme de crédit prête au ménage qui fait construire, ce n'est pas son argent, ses fonds propres, c'est de l'argent emprunté à une multiplicité d'épargnants, qui comptent un jour ou l'autre en obtenir le remboursement. Pareillement, ce que les caisses d'allocations fa'miliales versent aux familles, ce n'est pas leur argent à elles, ce n'est pas l'argent de l'État, c'est l'argent des cotisants. Il s'agit là, sans doute d'une épargne forcée, et non pas d'une épargne volontaire l'analogie avec les institutions financières n'est pas totale ! Mais, cette épargne sera bel et bien remboursée un jour : les pensions de retraite constituent un tel remboursement.

UNE IDÉE REÇUE À BALAYER

Une objection, cependant doit se présenter à nombre d'entre vous quand un retraité touche sa pension, il a le sentiment de la mériter en raison de ses cotisations antérieures aux caisses de retraite, et non pas aux caisses d'allocation familiales. C'est vrai. Ce sentiment est très répandu. Mais entre un sentiment et la réalité, entre ce que les gens croient (ou ce qu'on leur fait croire) et la vérité, il y a souvent un monde ! N'est-on pas parvenu à persuader nombre de femmes qu'une grossesse non désirée est un incident qu'elles peuvent supprimer sans le moindre problème moral, que le fruit de leurs entrailles, s'il a fait son apparition à un moment qui ne leur convient pas, est un intrus qu'on a le droit de mettre à la porte comme un visiteur importun ou un colporteur sans gêne.

De fait, on a réussi a persuader la majorité des braves gens que ce sont leurs cotisations aux caisses de retraite qui leur valent des droits à la retraite. La législation s'y est même employée, comme elle s'est employée à déculpabiliser l'avortement. Mais, quand on regarde attentivement, ce mirage s'évanouit, ces faux-semblants cessent de faire illusion.

En effet, pour acquérir des droits, des droits qui concernent l'avenir, il faut contribuer à préparer l'avenir. Si vous souscrivez des obligations ou des titres participatifs, disons de St-Gobain, vous pouvez vous attendre il être remboursé seulement parce que St-Gobain utilise cet argent pour moderniser ses usines ou pour développer sa recherche, c'est-à-dire pour préparer ses activités futures. Or, quand nous versons de l'argent aux caisses de retraite (ou quand notre employeur le fait pour nous), cet argent ne sert pas à préparer l'avenir. Il est utilisé pour verser des pensions aux retraités, ce qui est très bien, mais cela constitue une consommation et non pas un investissement.

Au contraire, Quand notre argent passe aux caises d'allocations familiales ou à l'éducation nationale, il sert à nourrir, à vêtir, à instruire des enfants, et c'est cela préparer l'avenir. Ces enfants, un jour, seront capables de produire et par conséquent de nous rembourser nos avances. Tandis que le Monsieur de 65 ans qui touche sa pension grâce à nos cotisations, comment diable pourrait-il bien faire, dans 20 ans, pour nous rendre la pareille ?

Balayons donc une fois pour toutes l'illusion que les caisses de retraite forment un système autonome, balayons l'illusion que les retraites peuvent se préparer en versant des cotisations aux caisses de retraite par répartition. Les caisses de retraite dépendent des enfants, et par conséquent des familles ce qui les Iie iIndéfectiblement aux caisses d'allocations familiales et à l'éducation nationale. Les retraites se préparent en donnant le jour à des enfants, en les éduquant jour après jour, pendant une vingtaine d'années, jusqu'à ce qu'ils soient capables, par leurs compétences professionnelles et aussi par leurs qualités morales et leur santé, aussi bien psychique que physique, d'occuper des emplois productifs. Masquer cette vérité conduilt à produire ce que J. RUEFF appelait des "faux droits", et ce grand économiste a montré avec beaucoup de clarté qu'une civilisation qui produit trop de faux droits s'empoisonne elle-même, et finit pour en mourir. Et cette mort est là, à notre porte, elle a le visage de ce que M.CHAUNU appelait la peste blanche, c'est-a-dire le refus de l'enfant. Mes amis DUMONT et LEGRAND ont dû vous parler, hier, du péril mortel que représente pour l'Occident le fait de ne plus suffisamment vouloir la vie. Et bien, les faux droits et les mensonges que je dénonce aujourd'hui devant vous, avec l'espoir que votre militantisme vous amènera à les démasquer à votre tour et à faire la vérité autour de vous, ces impostures, dis-je, constituent de véritables mouches tsé-tsé de la peste blanche, des vecteurs très efficaces de diffusion de cet horrible bacille.

DES ORDRES DE GRANDEUR

Je voudrais maintenant donner quelques chiffres qui montrent l'ampleur de l'effort réalisé par les familles au service de la collectivité.

Je vous communiquerais tout d'abord, en l'actualisant, un calcul fait en 1975 par Alfred SAUVY. Il s'agit de ce qu'un enfant coûte en moyenne à sa famille, de sa naissance à 18 ans, abstraction faite des frais de scolarité pris en charge par les administrations. Au total, on obtient 430 000 F de 1983. Ce chiffre n'a rien d'étonnant, construire un homme, si je puis m'exprimer ainsi, cela peut bien coûter aussi cher que construire une maison Phénix ! Mais faisons le total, pour l'ensemble des familles françaises: cette année, elles auront dépensé pour entretenir leurs enfants mineurs environ 360 milliards, soit 24 000 francs par enfant en moyenne. Ce chiffre est un ordre de grandeur très fiable, puisqu'une étude toute récente de l'INSEE aboutit a 10 % près au même résultat.

Face à ces 360 milliards qui ne tiennent absolument pas compte du travail effectué par les mères de famille au service de leur progéniture, l'apport de l'État et des caisses d'allocation familiale se situe aux alentours de 120 milliards : le tiers. Vous voyez qu'il y a une marge considérable entre les frais que les familles engagent pour leurs enfants, assurant ainsi l'avenir du pays et notamment celui des caisses de retraite, et les compensations qu'elles reçoivent en retour.

On peut cependant aboutir à une proportion supérieure au tiers si l'on tient compte de facteurs tels que la gratuité de l'enseignement, c'est-a-dire plus exactement du report des coûts de l'enseignement sur l'ensemble des contribuables. Je vais donc vous indiquer quelques ordres de grandeur que j'ai récemment calculés, et qui montrent l'exploitation dont sont victimes les familles, en particulier les familles nombreuses.

ÉVALUATION DE L'APPORT NET D'UNE FAMILLE NOMBREUSE

Prenons une famille comptant 5 enfants, et calculons d'une part ce que cette famille apporte aux régimes de retraite, d'autre part ce qu'elle reçoit de la société.

Devenus grands, les enfants de cette famille verseront au minimum 1 800 000 F aux caisses de retraite (il s'agit de francs 1980 - nous raisonnons ici en francs constants de 1980).

La famille, elle, touchera au mieux 400 000 F de prestations familiales ; la gratuite de la couverture maladie peut être estimée à 160 000 F et celle de la scolarité, en comptant très largement à 700 000 F.

Au total, donc, et en calculant largement, c'est 1 260 000 F que la société aura dépensé pour l'entretien et l'éducation de ces 5 enfants qui, en revanche, leur rapporteront au moins 1 800 000 F. Vous voyez que la société fait la un très joli placement !

En d'autres termes, une famille nombreuse de 5 enfants est bienfaitrice de la nation, et surtout des personnes sans enfants ou n'ayant qu'un enfant unique à hauteur de 54 0000 F de 1980, ou si vous pré-férez de 730 000 de nos francs 1983.

En quelque sorte, chaque famille nombreuse construit l'équivalent d'une maison et en fait cadeau à la France.

Pour la remercier, les dirigeants de notre pays, de quelque formation politique qu'ils relèvent d'ailleurs, se gargarisent en parlant de l'effort social de la nation en faveur des familles, de l'aide à la famille. Comme les personnages de Molière, le caractère grostesque de ces propos nous amène a en rire, alors même que la dimension tragique de ce contre-sens, de ce mensonge porteur de la peste blanche, pourrait a bon droit nous tirer des larmes.

LES FAMILLES SONT EXPLOITÉES
COMME L'ÉTAIENT JADIS LES OUVRIERS

Si nous voulions rétablir a peu près l'équilibre, l'équité, nous pourrions mutiplier la masse des prestations familiales par un cœfficient compris entre 2,5 et 3. Telle est l'ampleur de la spoliation dont sont victimes les familles. Et telle est par conséquent l'ampleur de ce que ceux qui militent pour la justice et contre le virus de la peste blanche sont fondés à réclamer pour les familles françaises, qui sont pourtant parmi les moins injustement traitées au sein des pays développés.

Il ne s'agit pas de demander une aumône ; il s'agit d'obtenir une juste contrepartie pour des services que les familles rendent a la nation, sans même le savoir, et que la nation ne reconnaît pas a sa juste valeur. Il s'agit de faire en sorte que l'échange qui existe entre personnes ayant plus ou moins d'enfants soit conforme à l'équité, à ce que l'on appelle parfois la justice commutative. Quand les ouvriers, au XIXe siècle réclamaient de meilleurs salaires, c'est-à-dire une part plus importante du revenu national, ils ne voulaient pas qu'on leur fasse la charité, mais qu'on leur accorde une part de la production qui soit en rapport avec leur participation à l'activité productive. Fort heureusement, les salariés ont obtenu gain de cause É et peut-être même un peu plus, mais ceci est une autre histoire –. Les familles doivent exercer une pression analogue, pour obtenir que le paternalisme de l'État, qui ressemble tellement aux bonnes œuvres de certains milieux patronaux du XIXe siècle, cède le pas à l'organisation d'échanges équitables.

Les familles n'ont pas d'autres droits économiques que ceux qui forment la contrepartie des devoirs qu'elles assument et des services qu'elles rendent. Militer pour que ces droits soient pleinement reconnus, c'est donc combattre pour plus de justice, et en même temps, c'est combattre en faveur de la vie, car il est clair, il est certain, même si les responsables cherchent toutes sortes de mauvaises raisons pour ne pas le voir, il est clair que le renouvellement des générations ne s'effec-tuera normalement en Occident, que le jour où ceux qui mettent des enfants au monde ou envisagent de le faire, sentiront concrètement que, ce faisant, ils obtiennent la considération et le respect qui leur est dû, et non pas la condescendance de gens qui les traitent en assistés.

Dérrière les questions d'argent. il y a donc une question de dignité, qui est essentielle. Si nous voulons que la famille soit respectée et honorée, nous devons obtenir que ses droits économiques le soient, car l'exploitation et le mépris vont de pair, et c'est bien souvent en mettant fin a l'exploitation que l'on parvient à transformer le mépris en consi-dération.
Je voudrais, en conclusion, vous dire très brièvement dans quelle direction nous devrions, me semble-il, axer nos efforts.

COURAGE ET LUCIDITÉ

Tout d'abord, il est évident qu'on ne peut pas se contenter d'augmenter massivement les prestations familiales, sans rien modifier à la sécurité sociale. Cela reviendrait à augmenter massivement les cotisations ou les impôts, et cela n'est pas envisageable. Il faut avoir le courage de le dire : traiter correctement les familles suppose que l'on jette moins d'argent par les fenêtres dans d'autres secteurs.

A ce propos, comment ne pas s'inquiter du choix désastreux qui a été fait a propos de la retraite à 60 ans ? Ce choix, je le comparerais à celui que font quelques entreprises : céder aux revendications salariales, donner à leurs employés la totalité de l'argent qui rentre dans les caisses, si bien qu'il n'en reste plus pour investir, il ne reste pas même de quoi assurer le renouvellement normal du matériel. Le directeur d'une telle entreprise sera sans doute très applaudi, dans un premier temps, par ses employés, surtout si toute la formation économique dont ils disposent pour analyser la situation consiste dans les discours inlassablement rabachés de certains syndicats ! Mais au bout de quelques années, ce sera la faillite. En ce qui concerne la sécurité sociale, les temps de réponse sont plus longs, c'est seulement dans une génération : 20 à 30 ans, que l'on s'apercevra de l'ampleur du désastre. Les hommes politiques qui ont pris la décision démagogique de sacrifier les familles pour favoriser les départs précoces à la retraite ne seront plus là, mais nous subirons bel et bien les conséquences de leurs actes.

Les remboursements de frais médicaux par l'assurance maladie doivent, eux aussi être freinés au profit de la politique familiale. Beaucoup ont fait des gorges chaudes, parce que M. Bérégovoy a établi un forfait hospitalier de 20 F par jour. Où allons-nous avec des réactions d'un conservatisme pareil ? Est-ce qu'une cantine scolaire non subven-tionnée pourrait tourner avec moins de 10 F par repas ? Une société de petits vieux frileusement recroquevillés sur leurs avantages acquis, voilà l'image de la France qui ressort de ces réactions.

Pour moi, je préférerais une France qui acceptât de se faire soigner un rhume ou une rougeole sans remplir de feuilles de maladie, et qui ne sacrifierait pas ses familles. Il faut savoir dégager les vraies priorités.

Un mot enfin sur le chômage. Le budget des ASSEDIC est sur le point de rejoindre celui de caisses d'allocations familiales. En 1973, si quelqu'un avait proposé un programme de développement des prestations familiales coûtant 80 milliards par an à l'horizon 1983, tout gouvernement sérieux aurait dit : vous voulez ruiner la France ! Or, ces 80 milliards ont été trouvés pour le chômage. Plus question, cette fois, d'impossibilité. On a même été jusqu'à emprunter pour financer les ASSEDIC, c'est-à-dire pour payer des dépenses de consommation, alors que jamais un gouvernement n'aurait eu l'idée d'emprunter pour financer les caisses d'allocations familiales, qui elles financent l'investissement le plus nécessaire à l'avenir du pays.
Voici donc un 1er point; pour donner aux familles ce à quoi elles ont droit en bonne justice, il faut avoir le courage de manier la hache. Rien ne peut se faire sans ce courage là.

SORTIR DE LA ROUTINE

Mais, le courage ne suffit pas, il faut aussi des idées, de l'imagination. Et de ce point de vue, je ferais, pour me limiter, deux propositions :

d'abord, pourquoi ne pes donner aux familles le choix entre des prestations familiales ou un complément de droits à la retraite ? Des familles aisées se passeraient des prestations, ayant de quoi vivre confortablement sans elles ; en échange de cet effort réalisé au niveau de l'éducation des jeunes générations, le père et la mère de famille recevraient des points de retraite. La justice y trouverait son compte, et cela ferait autant de sommes en moins à prélever et à redistribuer. Dans la même optique, pourquoi faire payer des cotisations "famille" aux pères et mères de familles nombreuses. Laissons-les recevoir de leur employeur l'argent correspondant : ce sera toujours autant de moins à leur verser sous forme de prestations.

2ème proposition : celle d'un statut de la mère de famille, y compris l'alIocation de libre choix, il est essentiel que les mères de famille reçoivent es-qualité des droits à la retraite, et pas sous forme d'une bonification de 2 ans pour celles qui ont un emploi, mais sous forme de points attribués à toutes, de façon égalitaire. Il est essentiel que ces mères, quand elles veulent s'occuper elles-mêmes de leurs enfants, et notamment de leurs bébés, qu'elles voudraient pour la plupart garder chez elles, plutôt que de les confier à une crêche ou à une nourrice – il est essentiel, dis-je, qu'on ne les en dissuade pas pour des raisons pécuniaires. S'occuper d'un petit bonhomme, lui apprendre à marcher, à devenir propre, à parler, lui donner toute l'affection dont il a un besoin absolu, est-ce que cela serait moins utile que mettre des petits pois en boîte ou d'adresser à des milliers de gens des réclames qu'ils mettent directement à la corbeille à papier ? Alors, si ce n'est pas moins utile, pourquoi refuser à la mère les moyens pécuniaires de s'adonner à la plus noble des occupations ?

Je terminerais en reliant ce refus à celui que vous combattlez de toutes vos forces, le refus de la vie. Pourquoi des femmes en viennent-elles a considérer le fœtus comme un gêneur qu'il faut faire disparaître ? Parce que l'enfant est souvent vécu lui-même comme un gêneur, un boulet que l'on traîne en plus d'une activité professionnelle absorbante, dont on se débarrasse dans une crèche ou entre les mains d'une nourrice. Une société qui soustrait les enfants à l'affection de leurs mères durant les 2 premières années de l'existence, pour de mesquines questions d'argent, est tout naturellement une société prête à soustraire le fœtus à la protection du ventre maternel. Une enquête que j'ai dirigée récemment dans les maternités lyonnaises, montre que 90 % des jeunes mères voudraient se consacrer pendant 2 ans entièrement à leur bébé. La plupart ne le peuvent pas, pour des raisons pécuniaires. Une société qui tolère cela, qui préfêre envoyer des dizaines de milliers d'hommes de 50 ans à la pré-retraite, que de financer l'allocation de libre choix, une telle société n'a ni le respect de la famille ni celui de l'amour maternel. Quoi d'étonnant à ce qu'elle n'ait pas davantage le respect de la vie ?

Alors, je vous en conjure, continuez à lutter de toutes vos forces pour convertir cette société, pour la faire enfin se diriger vers l'avenir, qui appartient à la vie, a ceux qui l'aiment et qui savent en construire les conditions, y compris les conditions économiques de son épanouissement.

Théodore SCHULTZ (Prix Nobel d'Économie) , Il n'est richesse que d'hommes (Ed Bonnel. 1983). « Nous nous inquiétons beaucoup des dlsponibiliés alimentaires, énergétiques en espace et en autres données liées aux caractéristiques physiques de la terre. Mais cette inquiétude n'est pas nouvelle. Elle a été exprimée avec force au debut du XIXe siecle par David Ricardo et Thomas A. Malthus. Dans la mesure où les sombres prédictions actuelles se fondent encore pour l'essentiel sur l'idée d'un déclin des ressources physiques de la Terre, je les rejette en bloc, quant à moi, car toute prévision plausible doit faire entrer enligne de compte la faculté qu'a l'homme de surmonter les modifications de son environnement physique et les estimations pessimistes n'en tiennent pas compte, la clé de la productivité economique à venir et de sa contribution au bien-être humain se trouve dans l'accroissement des aptitudes acquises de la population du monde entier et dans le progrès des connaissances utiles.
Mon argumentation repose sur un point essentiel : ce sont les investissements en qualité de la population et en savoir qui déterminent pour une bonne part les perspectives futures de l'humanité. La prise en compte de ces investissements ne peut qu'entraîner une réfutation des prédictions d'epuisement des ressources naturelles...
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© Laissez-les-Vivre – SOS Futures Mères, novembre 1983

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