L'effacement
des certitudes
Je
veux d'abord répondre à une question : que
vient faire la philosophie dans notre galère ? Pourquoi
faut-il emprunter le détour du raisonnement, de la réflexion,
alors que les certitudes semblent vives et les convictions assurées
au moins chez les membres de "Laissez-Ies-Vivre" ?
C'est
qu'il y a, à ce moment de notre histoire, un effacement
général de ces certitudes, et peu à peu,
de manière de plus en plus massive, un oubli quant à
la manière d'être de l'existence humaine. Il semblait
acquis, aller de soi, c'était passédans les institutions,
que chaque individu de notre espèce était habité
par un être d'esprit, qui avait une valeur, un prix infini,
c'est-à-dire pas de prix, infini, ç'est-a-dire incommensurable
avec tous les biens de la terre. Or cette administration générale,
cette croyance passée dans la lettre de la législation
et des constitutions était cependant récente ;
et vous savez que ce qui est récent est fragile.
Et
si l'on examine l'histoire, que cela plaise ou non, on est obligé
de remarquer qu'il a fallu un acharnement séculaire de
la pensée du christianisme, où l'on affirmait que
chacun était promis à une destinée divine,
pour faire admettre ce qui autrement allait contre toute certitude.
Mais
il s'est produit en premier lieu ceci : avec l'accélération
du savoir scientifique, cette admission générale,
cette certitude inscrite dans les institutions, tend à
s'effacer dès lors que la science ne peut procéder
qu'en en faisant abstraction. On a constitué un savoir
scientifique par une sorte de choix collectif. Il n'y a pas longtemps,
trois ou quatre siècles, avec certains instigateurs de
génie, comme Descartes par exemple, un choix collectif
a été fait de constituer une science de la matière
sur le mode mathématique, c'est-à-dire capable de
techniques. On ne pouvait le faire qu'en mettant entre parenthèses
que l'être humain diffère infiniment de la vie animale
et qu'il a son ordre propre. Ce qui veut dire, pour prendre le
domaine ou, probablement, l'accélération du savoir
a été la plus vive depuis la guerre, les sciences
bio-médicales, qu'un médecin qui a fait de la biologie
pendant au moins sept ans n'y a jamais appris (car autrement cela
n'aurait pas été de la biologie), que les "individus
de notre espèce" recèlent un être spirituel,
et que, par conséquent, on ne peut pas traiter l'homme
comme un animal, par exemple dans l'expérimentation médicale.
On le savait, on le sait peut-être encore, mais d'un savoir
venu d'ailleurs que de la science, puisque la science en fait
méthodiquement abstraction, abstraction que nous ne pouvons
nous permettre. On le savait communément, massivement,
parce qu'il y avait une éthique de la médecine conforme
à une morale générale, elle-même portée
par une croyance religieuse. Elle ne l'est plus maintenant et
ce qui venait massivement de certitudes liées à
une foi religieuse a disparu.
Il
faut prendre la mesure de cette situation qui fait que par exemple,
au terme de la science, un médecin ne peut savoir en quoi
il diffère d'un vétérinaire, sinon parce
qu'il est assigné à une seule espèce animale.
La manière du savoir scientifique crée le risque
d'un oubli de la manière d'être spirituelle de l'homme.
Je ne fais pas un procès à la science en ce moment,
je dis qu'il y a un revers à la médaille de notre
savoir scientifique.
Dans
le même temps, l'observation scientifique ne considère
que ce qui est manifeste, c'est-à-dire ce qui est de l'ordre
des phénomènes observables, mesurables, vérifiables.
Il en résulte ceci : l'être étant mesuré
à l'une de ses manifestations, si on considère le
paquet de chair et d'os, pour parler comme Descartes, qu'est la
vie humaine commençante, on n'y aperçoit aucun phénomène
qui puisse assurer, qu'est présent là, étrangement
au secret et recélé dans l'être naturel, quelqu'un
promis à une destinée spirituelle. Si ce qui ne
se manifeste pas n'existe pas, alors on traitera différement,
ne serait-ce que du point de vue du droit, l'âge adulte
et l'enfance, la maturité et l'extrême vieillesse,
l'handicapé et le bien portant, la vie cornmençante
et la vie manifestée. Cela par nécessiténon
pas sociale, mais biologique, car la biologie qui n'a d'autre
norme que la performance biologique verse tout entière
dans un eugénisme. c'est aux individus qui manifestent
le plus de capacités de
vivre qu'il faut donner le plus de chances.
S'ajoute
à cela que la capacité opêratoire de la science
a multiplié les besoins avec les techniques. Et cette prolifération
a entrainé la récession, voire l'extinction de ce
qui est constitutif de l'existence proprement humaine, de ce qui
en est proprement le manifeste premier : une demande illimitée
qui ne demande pas la satisfaction des besoins, mais qui fait
que nous serons éternellement insatisfaits. Insatisfaits
de tout, et de la guerre et de la paix et du bonheur et du malheur.
Cette demande illimitée, dès l'instant où
elle s'éveille chez l'enfant c'est tout à
fait étonnant fait qu'un être naturel a des
besoins, des exigences qui ne servent pas la vie. Une demande
qui fait que l'enfant porte en germe toutes les aventures de l'existence
humaine, toutes ses requêtes, la recherche sourde d'un salut
de la mort, parce que, en dépit de la vie et de la mort,
il est désir d'être, parce qu'il est désir
de liberté, parce qu'il est exigence d'absolu.
Si
ce désir s'efface, fait silence ou s'éteint au profit
de demandes en termes de besoins, alors il est bien certain que
le respect, et à fortiori le respect
garanti par la loi d'un être jugé comme ayant un
prix infini, parce que c'est un être d'esprit, disparaitra,
non pas parce l'homme est méchant, mais parce qu'il n'en
percevra plus la nécessité.
Dès
lors, chaque fois que la demande n'exprime pas des besoins que
la production peut satisfaire, chaque fois qu'il s'agit de manifester
et de porter une exigence qui dépasse la vie naturelle,
on trouve de façon massive une indifférence et par
suite un état des murs qui fait que, par exemple,
on ne s'adressera plus au pouvoir pour qu'il protège les
droits de la liberté, en particulier chez l'innocent, mais
pour qu'il gère notre vie économique. C'est pourquoi
on mettra le meilleur économiste de France comme Premier
Ministre. C'est pourquoi aussi un pays a la législation
qu'il mérite. Ce n'est pas par un coup de force artificiel
qu'on a fait sauter dans la loi l'affirmation que la vie humaine
commençante devait être respectée pour son
prix infini, c'est parce que massivement, on n'y croyait plus.
Et que par suite, aucun pouvoir ne pouvant supporter les dossiers
judiciaires intraités parce qu'intraitables, il fallait
changer la loi.
Vie
naturelle et vie humaine
La
conséquence de cette différence radicale entre vivre
et exister humainement, ce n'est pas le respect de la vie. Le
respect de la vie n'est rien. La vie n'est faite que pour mourir.
Laissez vivre qui ? les chats, les chiens vivent. Et la vie
vaut la vie, ni plus ni moins. Et il est évident, c'est
la chose élémentaire et la plus banale, que la naissance
sur le plan de la vie naturelle n'a pas d'autre avenir que la
mort. Il faut la disparation, la mort, pour que la vie continue,
c'est-à-dire pour que les générations se
remplacent. C'est bien pourquoi (et là je me permets d'insister,
dans une époque très animalière où
les gens dépensent une fortune pour soigner leur chat ou
leur chien, mais se refusent à donner quoi que soit pour
la conséquence de leurs actes et de leurs plaisirs, par
exemple la naissance), ce qui est en cause, ce n'est pas le simple
vivre, c'est exister humainement et spirituellement par différence
de la vie. C'est là où se situe le "tout ou
rien" dans nos certitudes, et en particulier en ce qui concerne
la signification de la mort pour l'homme. On a dit, on a répété,
que l'homme pouvait se définir par le fait qu'il anticipait
la mort, qu'il savait qu'il allait mourir. En quelque manière,
c'est exact. Pourquoi sommes-nous angoissés par la mort,
quand nous n'en sommes pas, jour après jour, détournés,
divertis, oublieux ? C'est parce que, pour nous, la mort
est le signe possible, non pas de la fin biologique, non pas de
la décomposition de notre paquet de chair et d'os, mais
la fin possible de notre être d'esprit. Et là, c'est
le "tout ou rien" qui inquiète. Etre ou n'être
pas. Si l'on pense qu'entre la naissance et la mort, on vit plus
ou moins, on évolue, on passe de l'enfance à l'âge
adulte, puis à la vieillesse et au tombeau, il ya des degrés
et par conséquent, il n'y a pas de prix infini qui exigerait
le "tout ou rien", une affirmation péremptoire.
Par
contre si la mort est envisagée comme la menace, non pas
sur "l'animal bipède sans plumes", mais sur un
être d'esprit qui éprouve au moins à certains
moments qu'il est à donner à lui-même sans
retour, c'est-à-dire éternellement, alors là,
il y a effectivement une situation où on ne peut pas biaiser,
une situation ou on ne peut être plus ou moins certain,
et où les choix qui sont faits dans l'ordre de l'existence
personnelle, comme dans l'ordre du droit politique, ne peuvent
en appeler à des degrés de force et de capacité,
mais à ce qui est sans degrés, ni parties, tout
ou rien, là ou pas là.
Bien
entendu il se trouve que cet être d'esprit est entré
dans le corps vivant lié à la vie naturelle. C'est
ce qui fait, que cette vie étant menacée, dans notre
anticipation de la mort, nous sommes en inquiétude. Mais
une inquiétude que ne connaît pas l'animal. Elle
porte sur être ou ne pas être, et non sur exister
plus ou moins bien, survivre plus ou moins bien et plus ou moins
longtemps. Et je me demande ce qu'il y a derrière ce que
l'on a appelé la demande de santé, Mme Simone Veil
disait que, selon une enquête, la demande prioritaire des
Français était la santé. Je ne sais pas ce
que c'est exactement que cette demande, mais probablement il y
a là en effet quelque chose de très significatif.
Demander la santé, ce n'est pas désirer d'être
éternellement, mais d'avoir une vie avec le moins d'épreuves
possible, la plus anesthésiée possible, la plus
prolongée possible, et par conséquent avoir en effet
une vie naturelle qui soit aussi bien soignée que possible,
comme on peut soigner un chat ou un chien. Si c'est cela qu'on
entend par le respect de la vie, alors je dis tout de suite que,
de mon point de vue, cette vie ne mérite pas d'être
respectée. Si par contre, on entend par vie humaine la
présence étonnante qui, pour la décrire,
exige un discours difficile, parce qu'elle n'est pas toujours
manifeste, parce qu'elle commence par être au secret, la
présence d'un être spirituel en peine de son origine
comme de sa destinée et qui, en tous cas, s'affirme comme
ayant vocation à exercer sa liberté, à désirer
plus que la vie et la mort, à être traité
comme ayant un prix infini, surtout là ou l'innocence est
patente, alors là, c'est autre chose que de respecter la
vie humaine.
Toute
la question est donc de savoir ce qui exige ce respect, s'il y
a bien ou non la présence de quelqu'un dans un corps et
comment on peut en être sur, bien qu'il ne se manifeste
pas encore dans la vie commençante, ou qu'il ne se manifeste
plus dans la vie meurtrie ou dans la vie menacée en peine
de sa mort.
La
verlté de nos certitudes : L'homme être d'esprit
Il
y a donc chaque fois une alternative. Bien entendu cette alternative
est supprimée dès lors qu'on considère que
l'homme n'est que le représentant d'un espèce biologique
parmi d'autres.
Si l'on considère que nous ne sommes que cela, il est bien
évident que la question de savoir si, en arrêtant
la vie humaine commençante, on fait un meurtre ou pas,
ne se pose plus. Parce que le meurtre a ici un sens humain, à
savoir qu'on raye de la carte expressément un être
d'esprit dans le temps même où par ailleurs on affirme
que chaque être humain doit être protégé
par une loi, quel que soit l'état de son corps. Si cependant
on maintient que c'est un meurtre, on le fait en prenant acte
d'un certain nombre de phénomènes de l'esprit. Ainsi
pour prendre l'exemple le plus simple, comment connaissons-nous
quelqu'un ? Ce n'est pas du tout par suite d'une analyse
bio-chimique, ni à l'aide d'une carte d'identité
développée, qui nous expliquerait très précisément
son rôle social, son origine, les journaux auxquels il est
abonné, sa fortune, enfin tout ce que les ordinateurs sont
en train de faire pour nous connaître. C'est précisément
dans la mesure ou son être propre, singulier se revèle,
non pas dans des mots, mais par ses gestes, par son visage, son
regard. Et c'est tout à fait étonnant là
aussi, aussi étonnant que ce désir non naturel dont
je parlais tout à l'heure. Rappelons-nous bien qu'autrement,
nous ne connaîtrions jamais personne, et c'est pourquoi,
quand on parle de nous. "on ne parle pas de nous", parce
qu'on emploie des mots tous trop généraux et qui,
par conséquent, ne peuvent pas signifier l'être singulier
et unique que nous sommes. C'est très important : si nous
sommes un être unique (bien que nous soyons quelqu'un, c'est-à-dire
un parmi d'autres), cela veut dire que nous avons quelque chose
qui nous apparente au divin, lequel n'est rien s'il n'est l'Unique
absolument.
Revenons
à l'alternative: "y-a-t-il meurtre ou pas, dès
lors qu'on arrête la vie humaine ?" J'ai tenté,
en 1973 de faire inscrire cette alternative dans les préambules
d'une loi que vous connaissez. Ce fut sans succès. On me
disait qu'il ne fallait pas mettre trop sur les épaules
des gens. C'est pourtant important de savoir ce que l'on fait.
Est-ce un meurtre ou non, quand la vie comme telle n'est pas manifeste ?
Est-ce que l'on tue quelqu'un ou pas, quand sa vie n'est pas adulte ?
Il apparait que lorsqu'on répond : "non l'avortement
n'est pas un meurtre, non l'euthanasie n'en est pas non plus",
alors de deux choses l'une. Ou bien on revient à ce que
je disais tout à l'heure: il faut traiter l'homme selon
sa vie naturelle, et il ne vaut pas mieux, peut-être moins
que le chat ou le chien pour lesquels les français dépensent
1 % de leur produit intérieur brut. Ou bien
et c'est le raisonnement implicite, qu'il eût fallu expliciter,
des partisans de la loi autorisant l'avortement on identifie
l'être humain avec sa manifestation adulte, du moins une
manifestation suffisante pour qu'il soit reconnu tel ; mais
on ne peut plus affirmer que l'être spirituel de chacun
était présent dès l'origine, au secret et
en puissance, et par suite, on sera obligé d'ajouter qu'un
homme, un être humain n'est pas tel, avant son éducation,
avant que la société l'ait fait. Autrement dit,
il n'est rien par lui-même dans son être personnel
(triomphe du mythe de l'âge adulte qui a fleuri avec la
philosophie des lumières) et son être propre n'est
pas présent, indépendamment de sa manifestation.
C'est là le point Iraglle des positions prises par le législateur
de 1973 : on confond ce qui est avec ce qui est manifeste.
Si
par contre vous tenez que c'est un meurtre, il faut pouvoir et
c'est aujourd'hui de nécessité fondamentale, exposer
clairement que ce qui est propre à l'esprit est tout entier
présent, en puissance, avant sa manifestation, de la même
façon que nous ne sommes pas moins libres, quand nous ne
prenons pas une décision, que quand nous la prenons. Raisonnement
difficile, explication qu'il faut sans cesse reprendre, parce
qu'elle est largement oubliée. Quelques vives que soient
nos certitudes, face à cet oubli massif elles ne suffisent
pas. De plus, il faut être capable de démonter le
discours de ceux qui réduisent l'être humain à
ses manifestations et de leur faire mesurer les immenses conséquences
de cette réduction. Auraient-ils jamais dit et jamais soutenu
qu'un être humain qui a un prix infini quand il se manifeste,
n'en a pas quand il ne se manifeste pas.
Avant
de conclure, essayons de bien tenir, d'un seul tenant du raisonnement,
ce lien consubstantiel, cette implication nécessaire entre
"être spirituellement quelqu'un" (par différence
de la vie naturelle) et "échapper nécessairement
à une réduction en termes de phénomènes".
Ceci est capital, car c'est là qu'on n'a pas trouvé
en 1973 l'argumentation convaincante pour affirmer qu'un être
humain dans sa vie commençante recélait intégralement
tout son être spirituel pour la protection duquel la loi
est faite. Il faut donc tenir, et la série simple des manifestations
principales de notre esprit, qui sont telles qu'elles manifestent
justement ce qui est caché, et l'être d'esprit qui
est manifesté.
Au
fond, je veux dire par là qu'il faut s'assurer le relevé
de ce que j'appelle l'archipel des manifestations propres à
l'homme, concernant sa mort, concernant la connaissance d'autrui,
concernant ce fait élémentaire que connaissent ou
connaissaient les parents, que quand un enfant arrive, tout un
monde arrive, et pas simplement un paquet de chair et d'os, de
telle sorte qu'on fait l'aveu implicite d'être procréateur
et non créateur et qu'il y a là, reposant sur lui-même,
un être d'esprit voué à lui-même, donné
à lui-même et que le don de son être n'est
pas tel, s'il n'est pas don tout entier sans degré et dès
l'origine. Il est donné à lui-même et par
conséquent ne peut être retenu (donner et retenir
ne vaut). L'être qui est là est là, donc tout
entier. avec ses promesses, sa destinée qu'il passera sa
vie à quêter. Il est donné simplement parce
qu'il n'est pas son propre auteur et c'est pourquoi, quand nous
essayons de faire le tour de nous-mêmes, il y a au fond
de nous cette tache aveugle qui fait que nous ne sommes pas à
l'origine de nous-mêmes.
Notre
être n'est pas d'esprit s'il n'est un être de don
donné à lui-même et par conséquent
libre : est libre ce qui est donné à soi. Habituellement
on parle de don à propos de l'avoir ; on donne quelque
chose à quelqu'un. Il s'agit ici d'une situation, d'une
situation propre à l'esprit, où le bénéfice
est en même temps le bénéficiaire, où
par conséquent celui qui n'a fait que faire venir au monde
n'a rien donné de l'être neuf qui arrive, et où
par suite, ce qui est donné est donné tout entier,
avant même sa manifestation, dans l'absolu de lui-même
et peut-on dire, tel que toutes les aventures de sa vie n'ajouteront
rien à sa manière d'être personnelle (elles
pourront manifester sa puissance ou son impuissance ce qui le
fait résider géographiquement et historiquement
quelque part, sans que jamais elles n'ajoutent quoi que ce soit
à son être et à sa manière d'être
originale qui est celui de l'esprit, d'être donné
à soi-même). C'est pourquoi l'enfant est en état
de conversion à soi-même, repose sur soi-même,
avant même de réfléchir, consciemment, psychologiquement.
Cette conversion native à soi, qui fait que nous sommes
donnés à nous-mêmes et par conséquent
libres, est notre unité constitutive, notre principe d'identité
qui informe les choses de la matière. On sait que d'elle-même,
elle s'évente dans la poussière infinie de ses éléments.
Par contre, l'être d'esprit est ce qui fait réflexion
sur soi, ce qui repose sur soi, ce qui est donné à
soi, parce que par là il a son principe d'unité.
Loin d'être le matétiel de la vie naturelle l'esprit
est ce qui est éminent.
Pour
résumer, je rappelerai ce que je disais au point de départ.
S'agit-il seulement, quand on parle du respect de la vie, de la
vie naturelle ? Alors ce n'est pas la peine de se mettre
en frais et charges de se battre pour la faire respecter. La vie
commençante, si elle est toute naturelle n'est que celle
d'un individu d'une espèce naturellement médiocre
et elle ne naît que pour mourrir. Par contre, si nous sommes
assurés qu'il y a vivre et vivre, que ce qui compte, ce
n'est pas la vie, mais l'existence humaine et l'esprit qui l'habite,
alors oui, cela vaut la peine de se battre pour la faire respecter
et de se mettre en frais pour faire partager de plus en plus massivement
notre assurance. Cela implique que nous puissions, simplement
mais communément, rendre raison de la vérité
de nos certitudes.
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, novembre 1983
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