Dans
l'histoire démographique de la France, un sursaut démographique
d'une vingtaine d'années est parvenu à surmonter
le déclin. Cette renaissance n'est pas le produit du hasard.
Elle a correspondu à l'état psychologique des Français,
mais surtout à une prise de conscience politique. Quelques
hommes, sensibilisés aux dangers du vieillissement de la
population française, ont contribué àfaire
voter en 1939 le Code de la Familie, dont l'application a débuté
dès 1940. Ce code instituait une compensation des charges
familiales permettant aux couples souhaitant élever des
enfants de le faire dignement. L'efficacité de cette politique
familiale a été certaine. Quatre constatations permettent
de le montrer.
La
fécondité a été plus marquée
et plus durable en France que dans les pays voisins après
la deuxième guerre mondiale. Ensuite, les enquêtes
d'opinion ont indiqué que 97 % pourcentage
rarement atteint des Français donnaient aux allocations
familiales un rôle décisif dans la reprise de la
natalité. D'autre part, la fécondité de la
France a baissé beaucoup moins que celle de ses voisins
depuis 1960. Cet écart positif peut être rapproché
d'une législation familiale plus favorable. Enfin, les
chiffres d'après-guerre indiquent une corrélation
entre la fécondité des catégories sociales
et l'application des allocations familiales aux différentes
catégories, application qui ne s'est uniformisée
que par la suite.
L'appauvrissement
Au
long des années postérieures, deux changements sont
intervenus.
La
politique familiale a enrigistré une dégradation
continue. Cette politique est devenue pratiquement marginale.
Elle ne représente même plus 10 % des transferts
sociaux. Les transferts concernant la vieillesse et la maladie
forment la majorité du budget des transferts.
L'emploi
a dépassé depuis 1981 le montant des transferts
pour les familles.
Or,
les transferts sociaux représentent dans leur ensemble
le tiers du revenu disponible des ménages (revenu hors
impôt direct) (1). Cela signifie que les efforts de la nation
en faveur de la famille représentent désormais environ
3 % du revenu disponible des ménages. Autant dire une somme
négligeable. Voici le résultat d'un appauvrissement
continu de l'esprit du Code de la Famille de 1939. Cet appauvrissement
se constate par l'effondrement du pouvoir d'achat relatif des
prestations familiales (2). C'est l'effet de modifications structurelles
d'un système remplaçant une politique de compensation
par une politique d'assistance comme nous l'avons montré
dans La France Ridée (3). C'est enfin l'effet d'un système
déficient de représentation des familles. Dans une
société où s'exercent des rapports de force
entre les groupes sociaux, ceux qui n'ont pas la possibi-lité
ou la capacité de faire valoir avec suffisamment de poids
leur défense ne comptent pas.
Changements
Le
second changement important intervenu concerne l'évolution
de la sociologie de la France. La France des années quatre-vingt
n'est plus celle de 1939. Une politique familiaie adaptée
à son époque ne peut plus être seulement le
Code de la Famille de 1939. Deux chiffres peuvent illustrer cette
nécessaire mutation. D'une part, le triplement du niveau
de vie des Français tandis que stagnaient les prestations
familiales d'autre part, le changement spatial des Français.
En
1936. tandis qu'une poignée d'éminents Français
élaboraient le Code de la Famille. la population urbaine
représentait 52,4 % de la population de la France,
la population rurale (4) 47,6 %. Trois décennies ont
apporté de profonds changements à cette répartition
moitié-moitié. Les migrations des campagnes vers
les villes se sont développées, tandis que les actifs
agricoles hommes passaient de 4 042 000 en 1946 à
1 416 000 en 1975. La population rurale est devenue
aujourd'hui une minorité(27,1% au recensement de 1975)
tandis que la plupart des Français vivent dans des villes.
Un
projet familial nouveau doit tenir compte de ces changements.
Il doit souligner l'importance de prendre des mesures qui permettent
à une population urbaine de baigner dans une liberté
familiale. Car, dans une société où la contraception
est plus facile que la conception, dans une société
où le refus de l'enfant est mieux remboursé que
son accueil (5), la liberté familiale est véritablement
une liberté à conquérir.
Pour
être réelle, cette liberté doit pouvoir exister
dans le triple environnement que nous présenterons plus
loin : l'environnement physique le cadre de vie
l'environnement médiatique l'information et en particulier
la place de la télévision l'environnement
affectif un milieu de vie plus humain.
La
liberté familiale appelle une place reconnue pour la famille
dans la commune. Son respect suppose une intelligence nouvelle
des compagnons de la famille que sont les outils audiovisuels.
En
troisième lieu, la possibilité donnée à
chacun de s'épanouir nécessite des aménagements
pour préserver le droit de chacun à l'affectivité
dans sa vie quotidienne.
Pour
l'enfant, pour la famille, la commune doit être accueillante.
Une ville qui est ouverte à la vie est une ville qui construit
son avenir. Une commune qui ne prend pas en compte les problèmes
propres aux familles est une commune qui oublie de se préoccuper
de son devenir.
Attitudes
Irresponsables
A ce titre, l'année 1982 a mis en évidence des attitudes
peu responsables. En effet, les premiers résultats du recensement
de 1982 ont montré des diminutions de la population dans
la plupart des grandes villes. Dans le même temps, les résultats
ont corrigé les erreurs des évaluations inter-censitaires
qui avaient exagérément majoré la diminution
démographique dans certaines villes comme Paris.
Et
soudainement, quelques maires, élus ou réelus en
1977, ont découvert l'importance de la démographie,
après cinq ans de mandat et au moment de le terminer. Que
n'avaient-ils compris qu'une commune, c'est d'abord une population
et un territoire (6). Mais, Ils n'ont découvert la démographie
qu'à travers des craintes budgétaires. En effet,
les résultats du recensement s'exercent directement sur
les finances locales : le chiffre de population détermine
principalement la répartition de la dotation globale de
fonctionnement; il détermine également le nombre
de conseillers municipaux, la rémunération du maire,
celle du secrétaire général, (7).
Des
maires qui auraient pu suivre la baisse des naissances dans leur
ville, essayer d'y porter remède, n'ont rien trouvé
de mieux que de critiquer l'organisme recenseur l'INSEE
quand celui-ci leur a annoncé une diminution de
leur population en 1982 par rapport à 1975. Certes, Ie
recensement ne peut être parfait et ne peut comporter une
exactitude sans failles. Mais c'est une attitude peu responsable
de se contenter de critiquer le travail de l'INSEE quand
celui-ci annonce un chiffre déplaisant pour les finances
de sa commune. Il vaudrait mieux s'informer tout au long de son
mandat des réalités démographiques et se
rappeler que le maire est le premier responsable de la surveillance
des opérations de recensement dans sa commune.
A
travers cette péripétie de l'année 1982,
on comprend combien la famille est souvent insuffisamment prise
en compte dans les communes. Les habitants détenteurs du
droit de vote ont plus d'importance que ceux qui n'ont pas de
droit de vote, tels les enfants des familles. Ces derniers comptent
pourtant dans la population et représentent les forces
vives du futur de la commune.
La
société doit donc avoir une considération
particulière pour les familles, qui élèvent
le pays de demain. Cette considération nécessite
que les politiques au niveau gouvernemental comme au niveau des
communes, des régions, des départements mais également
les politiques des institutions comme les offices de logement,
les centres culturels, les transports publics agissent dans le
respect et la reconnaissance du fait familial.
Un
triple environnement
L'être
humain doit être considéré dans le triple
environnement dans lequel il vit. Il se meut, en effet, au milieu
d'un espace à trois dimensions.
Le
cadre matériel, c'est l'environnement physique qui l'entoure,
dont le caractère peut être plus ou moins agréable
ou plus ou moins pratique selon le parti qui a été
fait des logements et de l'urbanisation.
Le
cadre informatif est une seconde dimension. C'est pour beaucoup
la télévision devant laquelle chaque Français,
chaque Française, chaque enfant, passe en moyenne un temps
quotidien non négligeable. Est-il besoin de rappeler que
l'on considère que 80 % des Français regardent
les actualités quotidiennes à la télévision.
Mais ce circuit d'information comprend aussi les radios
radios d'État ou radios libres les jeux, les conversations
à l'école, les vidéos-cassettes pour ceux
qui possèdent un magnétoscope, les magazines, le
cinéma, la presse...
J'utiliserai
pour tout cela, une expression qui ne me satisfait pas mais permet
de synthétiser le circuit d'information dans lequel l'être
humain baigne. Je parlerai de l'environnement médiatique
dont l'influence sur l'être humain est importante.
En
troisième lieu, il convient de ne pas oublier l'un des
besoins essentiels de l'homme, le besoin d'affection. L'être
humain ne peut trouver son équilibre que dans un environnement
affectif répondant à son attente. L'enfant, en particulier,
a un besoin d'attachement essentiel pour son épanouissement.
Un
projet familial adapté à notre temps doit donc être
capable de rendre humain le triple environnement des familles:
environnement physique, environnement médiatique et environnement
affectif.
Une
erreur historique
L'environnement
physique a été mal pris en compte. La théorie
voulait alors que le progrès nécessitât automatiquement
la concentration. Toute une politique de désaménagement
du territoire consista à encourager les familles à
s'installer aux portes des grandes villes. Bien sûr, pendant
tout ce temps, on assista à une baisse importante de la
population rurale, fournissant une main-d'uvre précieuse
au développement de l'industrie. Mais la politique dite
des "métropole d'équilibre" accentua la
tendance. Les grandes villes pillèrent aussi les villes
moyennes. Elles construisirent dans la précipitation des
logements où des populations rurales se trouvaient déracinées,
isolées, déséquilibrées, Et les cités-dortoirs
ne sont pas un cadre de vie satisfaisant pour les familles.
Grâce
à une réflexion sur les erreurs de l'idôlatrie
de la dimension, la tendance fut renversée au début
des années soixante-dix, non sans mal. Condamner l'excessive
concentration urbaine, le pillage humain des campagnes apparaissait
auparavant comme un acte inutile. L'opinion des décideurs
était faite : ceux qui, comme moi, osaient porter de telles
condamnations, étaient rejetés sous prétexte
qu'iis n'étaient pas dans le sens de l'histoire.
Autrement
dit, la réalisation de "cabanes à lapins"
propres à loger les familles, était acceptée
comme une sorte de déterminisme historique. L'installation
d'usines, d'ateliers, de bureaux à la campagne apparaissait
utopique.
Quand
il apparut que la France était aussi un pays de villes
moyennes à vivifier, et non à étouffer, il
était trop tard. Les erreurs d'urbanisation se paient encore
aujourd'hui. L'insécurité, la délinquance,
les drames familiaux sont en partie les conséquences de
ces erreurs. Et la réalisation de squares, de jardins publics,
qui viennent plusieurs années après la construction
de tours, donner un peu de chaleur à un environnement triste,
ne peut corriger toutes les erreurs passées.
Pour
demain, ces faux pas du passé nous montrent les voies à
ne pas suivre. Ils indiquent la politique d'environnement physique
que l'on doit promouvoir à trois niveaux.
Repenser
les logements
Le
logement appelle une politique anti-malthusienne. L'aménagement
des espaces communs doit se faire au service des hommes. Enfin,
le cadre de vie doit répondre aux besoins de loisirs variés
de ses habitants.
Une
véritable politique familiale du logement doit se rappeler
que l'être humain est à la fois un être individuel,
un être familial et un être social. Etre individuel,
l'homme a besoin d'avoir des espaces personnels, ce qui signifie
une pièce, une chambre pour chacun. Etre familial, l'homme
a besoin de lieux où il peut vivre avec les autres, comme
la salle de séjour ou la cuisine. Etre social, l'homme
a besoin de lieux où il puisse rencontrer d'autres hommes,
ou s'adonner avec d'autres à des activités associatives.
Satisfaire
cette triple nécessité appelle une révision
complète de l'état d'esprit malthusien qui semble
présider aux politiques de logement. Donnons-en quelques
exemples concrets. Les offices d'HLM publient périodiquement
des statistiques sur le nombre de logements qu'ils gèrent
ou qu'ils construisent. Or, ces statistiques sont toutes iInexactes.
Elles indiquent, en effet, des nombres de logements, critères
qui n'a aucune signification pour les familles. Dans ces statistiques,
les deux-pièces est compté de la méme façon
que le cinq ou six pièces. Il reste donc indispensable,
pour connaître la réalité, de changer ces
chiffres et de publier des statistiques en tenant compte du nombre
de mètres-carres par appartement.
Autre
exemple, le nombre d'immeubles construits ces dernières
années, sans rampe à landaux ou à poussettes,
est considérable. Il y a même des immeubles ou il
est interdit a la fois de prendre l'ascenceur avec un landau et
de laisser un landau dans l'entrée.
Les
cuisines, lieu de vie familiale important, sont également
négligées. On a vu de grands architectes, mondialement
connus, concevoir la cuisine comme la pièce la plus petite
et la plus sombre des immeubles alors que toute famille sait que
c'est une pièce dans laquelle on vit beaucoup. Pour être
précis, disons qu'une famille a besoin d'une cuisine d'au
moins douze mètres-carrés et qu'on ne devrait pas
concevoir des cuisines d'une superficie inférieure dans
les appartements familiaux.
Les
communes et les départements peuvent moduler les taxes
d'habitation selon les charges de famille. Cet abattement est
égal pour chacune des deux premières personnes
à charge à 10 % de la valeur locative
moyenne des habitations de la commune. Pour chacune des personnes
à charge suivantes, à 15 % de cette même valeur
locative moyenne. Ces taux peuvent être majorés de
5 points ou de 10 points par le Conseil Municipal, qui peut donc
les porter de 10 % à 15 % ou 20 %, de 15 %
à 20 % ou 25 %.
Dans
un pays qui doit prendre en compte ces familles, toutes les collectivités
locales devraient appliquer la majoration maximale, qui répond
à l'equilibre-famille
Il
devrait étre possible de prévoir des conventions
entre les offices de logement et ceux qui participent à
leur financement : ces conventions prévoiraient la
réalisation minimum d'appartements de dimension suffisante,
l'aggrandissement des appartements à l'occasion de rénovation,
la mise en place d'agencements extérieurs pour les familles,
l'élaboration de politiques de loyers tenant compte de
critères familiaux, la concrétisation d'une politique
architecturale permettant une souplesse d'habitation avec l'imbrication
d'appartements moyens et de chambres dont l'adjonction ou la séparation
sont possibles (8)...
Tout
ceci ne peut se réaliser en un jour, mais appelle un état
d'esprit nouveau, une conception dynamique de la politique du
logement, une lutte permanente contre l'esprit de rigidité
pour que le droit de chaque être a un logement puisse s'exercer.
Aménagements
urbains
L'aménagement
du cadre urbain est complémentaire de celui du logement.
La cité est l'espace de base le plus adapté pour
mener une politique familiale. L'enfant doit pouvoir s'épanouir
en toute sécurité dans son quartier, dans sa commune,
comme dans son logement.
L'enfant
se forme en interaction avec son environnement physique. Il doit
pouvoir découvrir librement cet espace. Pour cela, si la
voiture doit avoir sa place, elle ne doit pas avoir toute la place,
ni bénéficier a priori d'une priorité
systématique. De nombreuses actions sont possibles pour
que le cadre urbain soit accueillant et sécurisant pour
les familles.
L'agencement
des bâtiments publics pour les rendre accessibles aux landaux
et aux poussettes est un exemple ; l'élargissement
des trottoirs à la sortie des écoles en est un autre ;
la réalisation de cheminements pour les piétons
et pour les vélos est une troisième nécessité.
Des
commissions municipales ou extra-municipales peuvent étudier
les moyens d'aménager les routes et tout particulièrement
les endroits dangereux afin d'améliorer la sècurité
des enfants. Une amélioration de la signalisation, notamment
à l'approche des écoles, est possible. La reconquête
des trottoirs, la réalisation de systèmes de ralentissement
de la vitesse des voitures dans des points où la sécurité
des piétons est en danger sont essentiels pour que les
familles puissent vivre dans un espace de liberté et non
dans un enfer d'insécurité et de bruit. Les trottoirs
sont pour les familles un lieu de vie, parfois à reconquérir,
souvent à élargir pour permettre la libre circulation.
Cette
libre circulation passe également par des politiques justes
en ce qui concerne les transports publics. Quand des villes accordent
la gratuité des transports en commun à tous les
habitants âgés de plus de soixante-cinq ans, est-il
logique que les enfants et les adolescents, de quatre à
dix-huit ans, supportent un tarif normal ? Quand on institue
dans une région un système de carte orange, est-il
logique que l'on refuse dans le même temps d'instituer un
abattlement de la carte orange pour les familles ?
Ne
peut-on envisager d'ouvrir au public des jardins abandonnés
ou peu utilises avec, en contre-partie, des engagements de la
ville de les entretenir ? Ne peut-on imaginer que les cours d'écoles,
abandonnées le dimanche, puissent alors servir d'espaces
de jeu ? Ne peut-on faire en sorte que des terrains, temporairement
libres ou à l'abandon, soient utilisés comme terrains
d'aventure ?
L'être
humain a besoin pour s'épanouir d'un milieu de vie ou il
se sente accueilli. L'environnement matériel des familles
doit remplir son rôle de regroupement, de protection, d'ouverture
permettant la créativité et la spontanéité.
Des
informations perturbatrices
Les
familles, outre la sphère physique dans laquelle elles
vivent, sont également prises dans une sorte de tourbillon
d'information. Volens nolens, les familles sont des récepteurs
d'informations d'images qui leur parviennent de toute part. Des
informations, des images sont précieuses et utiles pour
les familles. D'autres viennent les pertuber. D'autres, enfin,
sont insuffisantes.
Dans
ce que j'appelle l'environnement médiatique des hommes,
il y a les télévisions, les radios, la presse, l'école,...
dont les excès viennent souvent culpabiliser les familles.
Telle
publicité fait comprendre aux parents que, s'ils n'achètent
pas ce jouet éducatif miraculeux pour leur enfant, celui-ci
sera un imbécile au lieu de devenir un génie.
Telles
informations font croire que pour bien se connaître et bien
connaître son enfant, il faut au préalable, recueillir
l'avis du médecin, de l'assistante sociale, du psychologue,
du psychiatre, du conseiller d'orientation, de l'orthophoniste,
du rééducateur, en psychomotricité, etc.
Au
sortir de toutes ces consultations que l'on présente comme
indispensables, les familles font parfois des découvertes
de bon sens présentées comme sensationnelles : les
enfants ne sont jamais parfaits, ils sont souvent malades, égoïstes,
parfois repliés sur eux-mêmes, ou contestataires,
agressifs, gêneurs...
L'énvironnement
informatif peut ainsi contribuer à détruire l'équilibre
précaire que chaque famille essaie de construire tous les
jours. D'ailleurs certaines émissions de radios savent
sonner le glas: « comment, vous voulez élever
des enlants, sans mêne avoir subi une psychanalyse ! ».
Ces quelques rappels montrent combien l'Information peut avoir
des effets perturbateurs.
Promouvoir une image positive
Pour
y pallier, il ne s'agit pas d'obliger les médias à
ne pas parler des problèmes posés par l'éducation,
mais il s'agit aussi de donner la possibilité aux familles
de s'exprimer pour rappeler, par l'exemple, des vérités
très simples comme celle-ci : les meilleurs spécialistes
de l'éducation des enfants sont encore leurs proches et
les spécialistes, cités ci-dessus, en peuvent être
que des conseillers, non des substituts à une éducation
patiente et quotidienne.
Toute
une série d'actions qui concerne les familles, les médias
et les collectivités publiques, est possible pour contribuer
a créer un environnement informatif moins agressif a l'égard
des familles. Il appartient aux mouvements famillaux de présenter
une image positive aux medias, pour que ceux-ci véhiculent
le fait familial, tel qu'il est vécu tous les jours, avec
l'importance de son caractère gratifiant et aussi avec
les petites difficultés qu'une société plus
accueillante doit aider à résoudre.
Les
pas timides faits en France pour donner un peu de liberté
aux médias devront être plus grands. Mais ce pluralisme
souhaitable des radios et télévisions suppose que
puissent s'exprimer tous les courants de la société.
Dans l'attribution des fréquences radio, doit-on privilégier
une radio gay, selon l'expression actuelle, c'est-à-dire
une radio pour un mouvement homosexuel, ou une radio pour un mouvement
familial ? Doit-on privilégier une radio pour les
propriétaires de chiens ou une radio pour un mouvement
familial ? Il appartient aux autorités, en répondant
à ces questions, de mettre en évidence l'aide qu'une
société équilibrée doit apporter à
la vitalité de ses familles.
Chacun
a pu constater que l'année 1982 a étécelle
d'une sorte de découverte pour les partis politiques, pour
ceux de l'opposition comme pour ceux de la majorité. Le
Président de la République en premier, le Gouvernement,
les manifestes électoraux de l'opposition ont affirmé
avec une insistance particulière la nécessité
d'encourager les entreprises, la création d'entreprises
et l'esprit d'entreprise pour que la France puisse avoir une économie
assez forte au service de sa population.
En
ce qui concerne les familles, une prise de conscience semblable
est nécessaire. La vitalité d'une société,
l'équilibre d'une société dépendent
du fait familial qu'il serait temps de reconnaître comme
une micro-société fondamentale qui apporte à
l'homme, pris entre l'isolement de l'individu et son écrasement
par l'importance de l'État, une dimension vitale.
Des
"spots" familiaux
Cette
reconnaissance passe par la possibilité pour les mouvements
familiaux d'être présents sur les médias.
De nombreuses formules pratiques peuvent être envisagées.
L'existence, évoquée ci-dessus, de radios locales
familiales est une premiére possibilité. La réalisation
d'émissions plus familiales peut être envisagé
soit à la libre initiative d'hommes de télévision,
soit sur les conseils de mouvements familiaux, soit encore avec
"appui logistique de mouvements familiaux." Il serait
facile de développer le système de la tribune libre
instituée trop modestement sur FR3, système
qui permet aux associa1ions de s'exprimer.
La
création de commissions familiales chargées du suivi
des médias serait précieuse. Ll'actuel Comité
Consultatif de la Famille, qui comprend une majorité
de représentants de l'Administration, devrait être
redéfini, réactivé et redéployé
pour contribuer à cette tâche. Il faut également
le repenser compte tenu de l'évolution même des médias :
radios libres, radios locales, vidéo-cassettes...
Bénéficiant
d'un rôle consultatif, elles pourraient porter à
la connaissance du public leur point de vue sur les émissions
réalisées, sur ce qu'il serait souhaitable de promouvoir.
Elles proposeraient des initiatives nouvelles. Elles auraient,
en vertu de cahier des charges, la possibilité de susciter,
à côté des habituels spots publicitaires,
des "spots familiaux" informant les familles des problèmes
qui les concernent : éducation, santé, culture,
jeux, sports, mais également petits conseils d'organisation,
besoins de sommeil des enfants...
Pour
des citoyens actifs
Ces
commissions, dans le cadre de tribunes libres par exemple, pourraient
expliquer aux téléspectateurs ce qu'est la télévision
et comment elle se fait. En effet, il est toujours utile d'expliquer
aux citoyens les techniques audiovisuelles. Et, d'autre part,
une meilleure compréhension du fonctionnement des médias
développerait l'esprit critique de chacun et permettrait
une meilleure estimation des émissions, si chacun pouvait
apprendre à écouter et à regarder.
Une
télévision libérée peut être
une télévision inventive. A la télévision
française, une des émissions les plus indépendantes
est en réalité une émission qui donne le
goût de pratiquer une autre activité : la lecture.
En effet, la fameuse émission sur les livres du vendredi
soir est, en fait, un véritable levain de la lecture.
De
même, il est possible de promouvoir des émissions
donnant lie goût de pratiquer des activités alternatives
au spectacle souvent passif de la télévision :
bricolage, jeux, mimes, jeux de rues, activités de plein
air...
Dans
ce but, une personnalisation est souvent nécessaire. Chacun
sait que Borg, avec l'appui des médias, a déclenché
un développement considérable du tennis. Pourquoi
ne pas imaginer demain un Borg du bricolage, un Borg des jeux
d'enfants, un Borg des jeux de rues, et aussi un Bernard Pivot
de la lecture pour les enfants, un Bernard Pivot de la lecture
pour les adolescents...
Un
développement des émissions qui donne au télespectateur
un rôle participatif et pas seulement un rôle passif
est également souhaitable.
Des
feuilletons familiaux
Chacun
peut également constater l'absence quasi-générale
du fait familial dans les films et dans les feuilletons. le ministère
de la Défense réalise ou participe régulièrement
à des émissions pour montrer comment les armées
consacrent leurs activités à assurer l'indépendance
de la France. En l'absence d'initiatives de réalisateurs
dotés de la sensibilité nécessaire, ou de
mouvements familiaux, on pourrait souhaiter que des organismes,
comme par exemple, les Caisses d'Allocations Familiales ou la
Caisse Nationale d'Allocations Familiales, à défaut
le ministère chargé de la Famille, apportent une
contribution à la réalisation de feuilletons familiaux
contemporains ou de films dans lesquels ont voit vivre des familles
d'aujourd'hui.
Ces
contributions seraient peut-être plus utiles que le financement
de certaines recherches théoriques mal définies,
mal orientées, mal exploitées et dont les résultats
se situent parfois totalement en dehors des réalités
du vécu quotidien des familles. Les familles ont besoin
de se voir pour mieux se connaître. Ce serait précieux
pour elles de se regarder dans les médias, dans des films
ou des téléfilms où l'on verrait vivre des
familles modernes, confrontées aux réalités
de la vie économique et sociale.
Tout
cela montre qu'une réflexion de fond s'impose sur la famille
et les médias (prolongeant le rapport de Maurice Dousset
de février 1981) en prenant en compte les changements actuels
et à venir de l'environnement médiatique, tel le
développement des vidéo-cassettes et demain de la
télévision par câbles.
Pour
cette prise en compte, un autre élément essentiel
du circuit d'information dans lequel baignent les familles ne
doit pas être oublié : c'est l'école.
Celle-ci ne doit pas devenir un grand spectacle audiovisuel. Mais
elle doit utiliser les techniques audiovisuelles quand elles contribuent
à l'éducation. Dans le même temps, la formation
de tous, et particulièrement des jeunes, aux médias,
demeure indispensable.
Des
publicités discutables
Dans
l'environnement médiatique, il convient de ne pas oublier
les publicités. Nous avons montré, à l'aide
d'exemples, combien la famille est très peu représentée
dans la publicité, et quand elle existe, combien elle est
restreinte (9). Il y a notamment ce logos créé par
l'administration, que l'on peut voir dans quinze mille bureaux
de postes et sur des millions de documents publicitaires. C'est
le logos de la Caisse Nationale de Prévoyance. Il symbolise
la prévoyance par une famille comprenant le père,
la mère, un enfant et deux parapluies. Le démographe
peut affirmer que deux parapluies ne pourront jamais empêcher
une nation d'enfants uniques de subir les effets du vieillissement,
de la dépopulation et du déclin de la vitalité.
Un État qui instaure une politique familiale moderne doit
donc déjà balayer devant sa porte. Il lui est facile
de faire en sorte que les publicités des ministères
et des administrations prennent en compte le fait familial. Or,
ce n'est pas le cas comme le prouve notamment la principale affiche
de la campagne 1982 du ministère du Temps libre ou la publicité
1982 pour les bons du Trésor (10).
Mais
il faut aussi que les pouvoirs publics et les mouvements familiaux
développent un rôle incitatif sur les publicités
privées.
En
août 1980, la société General Motors
publie, dans toute la grande presse, une double page dont l'une
représente une Opel Ascona avec un couple et un chien sur
une plage. Un slogan accompagne ce couple et ce chien: "Opel,
l'esprit de famille" ! Face à une présentation
aussi discutable, ne pourrait-on imaginer une sorte de campagne
ou une sorte de droit de réponse tournant en ridicule le
publicitaire. Car le stéréotype de l'animal domestique,
utilisé comme substitut, est difficilement acceptable.
Il
n'est pas question de définir aux publicitaires, qui sont
et doivent être des professionnels libres, des normes obligatoires.
Celles-ci n'auraient d'ailleurs aucun sens, car il s'agit non
de privilégier tel type de famille par rapport à
tel autre, mais de susciter un pluralisme de la représentation
familiale. Par une action quotidienne pour le faire connaitre,
tous ceux qui veulent promouvoir le fait familial peuvent suggérer
des idées élargies aux publicitaires.
A
travers ces différents éléments, chacun perçoit
l'importance du cadre informatif des familles. En particulier,
la télévision ne doit pas étre un simple
instrument de consommation béate ou éloignée
de la vie réelle, au risque d'accroître le désengagement
social des télespectateurs. Dans une sociétédémocratique
et humaine, les différents médias n'ont pas pour
rôle de se substituer aux relations interpersonnelles avec
l'entourage. Ils doivent au contraire, permettre d'accroÎtre
le réseau des échanges interhumains, notamment au
sein de l'univers familier. Ce qui implique est extension des
espaces de liberté.
Nous
proposons donc un cadre de vie pour les familles, plus accueillant,
plus solidaire, plus fraternel et in fine, plus humain.
Pour cela, il faut concevoir d'une maniére adaptée
aux années 1980. C'est une conception totalement renouvelée
de la politique pour les familles qui s'impose.
Nous
avons trop vécu sur les acquis du Code de la Famille de
1939 comme si celui-ci était une bible qui ne nécessitait
pas d'adaptation. Nous avons trop accepté de mettre en
lambeau, pièce par pièce, certains éléments
qui contribuaient à une plus grande justice à l'égard
des familles. Nous continuons d'accepter, parce que les familles
ne sont pas un groupe social suffisamment mobilisé, que
toute politique d'austérité commence par se faire
sur le dos des enfants et des familles.
Cette
attitude irrespectueuse et ce manque de considération de
la société vis-à-vis des familles, qui contribuent
pourtant à sa survie, est terriblement scandaleux.
Aujourd'
hui, un grand sursaut est nécessaire. La contribution hautement
positive des familles à la vie doit être reconnue
dans toute son ampleur, et respectée dans toute sa valeur.
Mais cela ne sera que si les familles françaises savent
parler haut et fort de ce qu'elle sont, de leur rôle fondamental
de levain de la société, de leur contribution à
l'épanouissement du monde de demain. Dire que la famille
est la cellule de base de la société ne suffit pas.
Il faut aussi provoquer toute occasion pour le montrer.
Pour
la vie, pour les enfants du futur, pour ne pas être écrasés
par le double rouleau compresseur de l'individualisme exacerbé
et de la massifi-cation étouffante, pour bâtir ensemble
l'espérance de demain, mobilisons-nous.
(1)
32,4% en 1980, soir 655 milliards de francs contre 24,7 % en 1970.
(2) Cf. APRD-Information n° 5. 4ème trimestre
1978.
(3) Gérard-François DUMONT et alil. La France
Ridée, Hachette, collection Pluriel, 1979, p. 254 et
ss.
(4) Population des communes de moins de 2 000 habitants agglomérées.
(5) Jean LEGRAND, Le Quotidien de Paris, 27 décembre
1982.
(6) Cf. la collaboration de Gilbert GAUER à l'Enjeu
Démographique, Editions de L'APRD, 1981, p. 40 et ss.
(7)Cf.: Gérard-Frençois DUMONT et alii, La Tragédie
deFrance, Economica. 1983. p. 110 et 55.
(8)
Cf. Gérard-François DUMONT. La Tragédie
de France, Economica et édiditions de l'APRD, 1983.
(9) Cf. Gérard-François DUMONT et alii, La France
Ridée, Hachette, collection Pluriel, 1979.
(10) Cette publicité, parue dans de nombreux périodiques
comme Le Nouvel Economiste du 15 novembre 1982, montre
la famille idéale pour le Tresor Public: le père,
la mère et l'enfant unique d'une dizaine d'années.
L'observateur notera que les deux parapluies de la Caisse Nationale
de Prévoyance sont remplacés par trois paires de
bottes. L'argument est le suivant: « Les économies
d'aujourd'hui pour bien vivre demain ». serait
facile de rappeler qu'un pays sans enfant est un pays sans avenir.
Faire des économies d'enfant (comme sur le dessin de la
publicité) n'est absolument pas un "placement sûur",
contrairement à l'affirmation affichée.
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, novembre 1983
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