Il
serait présomptueux de vouloir présenter la Belgique
comme le champion des droits de la famille. Ce le serait encore
davantage maintenant que s'y livre dans des conditions de plus
en plus défavorables le combat contre le fruit le plus
éclatant de la vie familiale : l'éclosion de la
nouvelle génération.
M.
Jean-Paul André DUMONT vous a parlé de façon
si claire de ce grave prooleme qu'il serait surabondant d'y vouloir
revenir.
S'il
est ainsi quelque chose de pourri au Royaume de Belgique, il ne
faudrait pas en déduire que tout y soit négatif.
En
cette fin des travaux de votre Congrès, il me plaît
de regarder plus haut que les embûches posées devant
les pieds de notre génération et de celle de nos
enfants. Redressons notre tête et cherchpns à voir
si certaines âmes ne nous apparaissent pas au-dessus des
miasmes des cloaques dans lesquels nous pataugeons.
L'exemple
que je propose de livrer à votre regard concerne des mesures
fiscales.
Si
l'on désire des familles unies,stabIes, fécondes
et entreprenantes, il faut Ieur donner les moyens d'agir ou tout
au moins éviter que des mesures législatives ou
règlementaires ne viennent décourager les personnes
de fonder une famille.
Il
est bien connu qu'une politique fiscale peut devenir un moyen
pour diriger une large part de la vie des citoyens.
Jusqu'à
présent, la politique fiscale avait, de facon volontariste
ou non, découragé le mariage.
La
mesure fiscale la plus critiquée était le cumul
des revenus des époux pour établir l'assiette de
l'impôt des personnes physiques.
En
resumé, cette mesure consistait en ceci : les revenus des
deux époux étaient additionnés, ce qui avait
pour effet de majorer sensiblement l'impôt par le fait de
la progressivité. Si deux époux ont par exemple
chacun 750 000 FB de revenus, ils étaient imposés
ensembls sur un revenu de 1 500 000 FB. Or, la progressivité
de l'impôt signifie que plus l'on entre dans des tranches
elevées de revenus, plus le pourcentage d'impôt lui-même
est élevé. Ainsi les deux époux ensemble
payaient sensiblement plus d'impôts que deux concubins ayant
exactement les mêmes revenus.
La première mesure fiscale favorable à la famille
concerne ce que l'on appelle le décumul partiel des revenus
prévus dans la loi de ré-forme fiscaledu 7 décembre
1988.
Cette
même loi prévoit d'autres mesures fiscales telles
que le quotient familial, l'extension de l'attribution d'une part
des revenus professionnels à l'époux aidant un indépendant
et la modification du système de réduction fiscale
pour personnes à charge.
Tout
ceci est fort technique et ne se prête pas aisément
à un exposé verbal. Ce serait davantage la calculette
et le tableau noir qui conviendraient. Je m'efforcerai cependant
de rester compréhensible, même pour les auditeurs
qui ne sont pas familiarisés avec le système fiscal
belge.
Tout d'abord le décumul partiel :
Ainsi
qu'indiqué plus haut, le nouveau système qui entre
en vigueur cette année, prévoit que les revenus
professionnels des époux ne sont plus additionnés
pour le calcul de l'assiette de l'impôt. Ainsi, les époux
ne sont plus défavorisés par rapport aux concubins
de ce chef.
Il faut cependant souligner que cette mesure, intéressante
sans doute, n'a qu'un effet relatif.
Tout
d'abord, il ne s'agit que des revenus professionnels, les autres
revenus des époux (revenus mobiliers, tels qu'interêt
ou dividendes, revenus immobiliers, tels que revenus de location
d'une maison ou autres) sont ajoutés aux revenus professionnels
de l'époux ayant le plus de revenus et sont donc taxés
dans les tranches les plus elevées. Les concubins ne connaissent
pas une telle addition de leurs revenus.
Comme
il ne s'agit que des revenus professionnels, cet avantage ne concerne
que les époux ayant tous deux de tels revenus, c'est-à-dire
les cas où les deux époux travaillent. Il est vrai
que detelles situations se sont multipliés les dernières
décennies, mais cefte situation reste peu concevable pour
les familles nombreuses ; tout au moins lorsque les enfants sont
en bas âge.
Une
troisième remarque concerne les familles visées
par de telles mesures. La progressivité de l'impôt
a pour conséquence que plus les revenus professionnels
des époux sont élevés, plus l'avantage fiscal
est important. Les"riches" y sont donc favorisés.
N'oublions cependan pas que ceci est le corollaire assez normal,
du fait que les mêmes "riches" sont, ceux qui
paient le plus,d'impots, et qui étaient dès lors,
plus défavorisés en cas de mariage qu'en cas de
concubinage.
Il
est même un casoù les époux etaient et restent
favorisés fiscalement par rapport aux concubins : il s'agit
du cas ou un des époux subit des pertes dans son activité
professionnelle. Dans le régime ancien, ces pertes pouvaient
être déduites des revenus cumulés. C'était
logique, lorsque l'on additione les revenus des deux époux.
Cette faculté subsiste ,dans le nouveau système.
L'effet en est qu'en cas de mariage, ces pertes procurent une
réduction d'impôts ; alors qu'elles n'en procurent
pas en concubinage.
Une
deuxième mesure favorable à la famille concerne
le quotient conjugal
NOus
avons vu que le décumul concerne des ménages où
les deux époux ont des revenus professionnels, c'est-à-dire
pratiquement les cas où les deux époux travaillent
à l'extérieur.
Nous
avons vu également qu'il reste nombre de ménages
où cela n' est pas le cas, spécialement auprès
des familles nombreuses où les charges familiales sont
telles qu'elles s'accomodent difficilement avec une activité
professionnelle des deux parents.
Pour
ces situations le législateur de décembre 1988 a
prévu un encouragement fiscal, dénommé le
quotient conjugal. Le principe en est le suivant :
Une part de 30 % des revenus professionnels de l'époux
qui travaille à l'extérieur est attribuée
a l'époux qui tient le ménage et taxée séparément.
II s'en suit un allegément fiscal oscillant aux environs
de 20 %. Cet avantage est cependant limité à 270 000
FB, soit environ 40 000 FF.
Cette
limitation a pour effet de réduire l'avantage fiscal pour
les hauts revenus. Ce sont surtout les ménages à
revenus bas ou moyens qui en tireront un bénéfice.
Un
troisième avantage fiscal en faveur des familles concerne
également des travailleurs indépendants.
Le
travailleur indépendant qui est aidé par son conjoint
dans son travail pouvait lui attribuer fictivement une part de
rémuneration, permettant un abattement fiscal.
Dans
l'ancien système, cette attribution ne pouvait avoir lieu
que lorsque le conjoint aidant n'avait pas de revenus professionnels
propres dépassant 21 000 FS (+ 3 250 FF) par
an. Ce plafond a été relevé à 350 000
FB (+ 54 000 FF), ce qui permet au conjoint aidant d'exercer
une activité professionnelle à temps partiel et
de bénéficier quand même du transfert fiscal
fictif.
Un
quatrième avantage est prévu en ce qui concerne
les enfants à charge.
Le
mode de calcul, assez complexe, de l'ancien systeme a été
rnodifié de facon favorable, spécialement à
partir du troisième enfant à charge. Il est à
noter que cette déduction concerne aussi bien les enfants
de familles où les parents sont mariés que les autres
formes de ménage précaire ou même d'enfants
nés de mères célibataires. Il ne s'agit donc
pas à proprement parler d'un avantage octroyé aux
familles par rapport aux concubins ou autres, mais l'avantage
reste réel par rapport au système ancien, surtout
en cas de familles nombreuses.
Il
y aurait encore à parler de mesures fiscales moins importantes,
telles la déductibilité de certains frais de gardiennage
des enfants et d'un forfait compensatoire pour les ménages
où un seul des parents travaille à l'extérieur.
Le résultat de cette mesure est cependant assez, limité
dans le temps.
Pour
conclure :
Comme
ces mesures fiscales n'entrent en vigueur qu'en 1990, il est difficile
d'en mesurer l'impact sur la natalité et sur l'attrait
du mariage.
Il
est cependant certain que ces mesures réduisent la pénalisation
fiscale du mariage et même favorisent dans certains cas
le mariage par rapport au concubinage.
C'est
un pas important. Ce n'est pas le dernier. Aussi longtemps que
le concubinage restera plus attrayant financièrement que
le mariage pour certaines catégories de personnes
et je pense ici à ceIles dont les revenus proessionnels
sont peu importants et les autres revenus sont élevés
aussi longtemps donc qu'un tel état de fait subsistera,
il faut considérer qu'un état n'a pas fait son devoir.
Le
mariage offrira toujours, même dans une société
laïcisée comme sont nos sociétés occidentales,
des garanties de stabilité, d'unité, d'affection
nécessaires à l'épanouissement individuel
et bénéfiques à la nation tout entière.
Me
D. Le Fevere de Ten Hove
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, mars 1990
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