Ces
dernières années, les Pays-Bas se sont acquis la
triste réputation d'être le premier pays du monde
où l'on a conçu des projets sérieux pour
arriver à une certaine légalisation de l'euthanasie.
Bien-sûr, ces projets ne sont pas tombés du ciel.
Au contraire, ils se sont formés peu à peu, à
partir de deux notions :
le soi-disant droit de libre disposition,
et la notion de la qualite de la vie.
En
1981, il y a eu chez nous un nouvel arrangement législatif
concernant l'avortement provoqué. Cette loi comprenant
toutes sortes de restrictions, mais son dispositif rend impossible
tout contrôle de ces restrictions, et en pratique, depuis
la loi de 1981, l'avortement provoqué peut se faire librement
aux Pays-Bas. La loi sur l'avortement provoqué est une
tache honteuse pour le système juridique neéerlandais,
parce que c'est avec cette loi que, pour la première fois
dans notre histoire, on a donné la possibilité aux
hommes d'ôter la vie à d'autres hommes, c'est-à-dire
aux non-nés, à ceux qui sont, dans le sens le plus
strict, au pouvoir total de la mère. Avec cette loi, le
respect pour la vie humaine a fait marche arrière en faveur
du droit du plus fort.
Durant
le combat pour cette loi qui était mené avec une
grande intensité dans les années 70, le respect
de la vie a constamment attiré l'attention des politiciens
sur le fait qu'ils commettaient une erreur fatale, en croyant
qu'après la libéralisation de l'avortement, ils
ne seraient plus gênés par les questions d'ethique
dans le domaine politique. On n'avait vraiment pas besoin d'ouvrir
les yeux très grands, pour voir que, après la légalisation
de l'avortem-nt, la legalisation de l'euthanasie serait mise à
l'ordre du jour. Et en effet, cela est arrivé.
Celui
qui voit la situation néerlandaise, peut facilement arriver
à la conclusion qu'aux Pays-Bas, on est à peu près
d'accord sur ce qu'on entend par euthanasie.
l'euthanasie, ce n' est pas : donner des analgésiques et
des calmants, même s'ils précipitent la venue de
la mort, à condition que le but soit de calmer la douleur
et non de précipiter la mort.. l'euthanasie, ce
n'est pas : arrêter un traitement médical qui n'a
plus de sens, parce que la mort du malade est inévitable.
l'euthanasie c'est : tuer quelqu'un, qui a exprimé
le désir de mourir, parce qu'il ne peut plus supporter
de viyre. L'euthanasie, c'est aussi : secourir et aider quelqu'un
qui veut mettre fin à sa propre vie.
Mais
ici, je dois immédiatement ajouter qu' on a introduit une
sorte de falsification d' idée : On parle d'euthanasie
passive.
L'euthanasie
passive :c' est donner des calmants, en acceptant le résultat
inévitable d'une mort precipitée, ou quand on arrête
un traitement médical qui n'a plus de sens.
Par
contre, on appelle euthanasie active : tuer quelqu'un qui prononce
ce désir sincèrement ou aider quelqu'un à
se suicider.
Pourquoi
j'utilise ici le terme de falsification d'idée ? Parce
que les comportements qui tombent sous la notion d'euthanasie
passive ne sont en eux-mêmes pas mauvais, mais acceptables,
tandis que ce qui tombe sous la notion euthanasie active est,
en soi-même mauvais et inacceptable. Ce sont des crimes
contre la vie.
En
parlant donc d'euthanasie passive et active, on donne l'impression
contraire à la verite, qu'il y a une notion générale
d'euthanasie, qui est bonne en soi-même, et c'est un acte
qu'on ne conclut que légalement.
L'euthanasie active paraît bonne.
Mais
le mal ne se laisse pas, par definition identifier avec le bien,
et celui qui, en utilisant une certaine terminologie, veut donner
au mal l'apparence du bien, se rend coupable de tromperie.
Dès
que vous entendez donc parler l'euthanasie passive, sachez donc
qu'on vous manipule et qu'on essaye de vous entraîner dans
une direction qui vous emmène vers le mal. Il y a encore
d'autres éléments qui rendent difficile d'être
d'accord quand on se sert du terme euthanasie.
Récemment,
la question s'est posée : si les médecins ne devaient
pas avoir la compétence, dans certains cas, de tuer des
personnes qui ne l'ont pas demandé : les malades comateux,
les non-nés et les. nouveaux-nés gravement handicapés.
Selon moi, on ne peut plus appeler cela euthanasie.
Et
que penser du cas qui s'est passé récemment aux
Pays-Bas ? C'est-à-dire le cas d'une malade qui était
depuis 15 ans dans le coma et qu'on a laissée mourir d'une
mort lente,mais certaine, en supprimant nourriture et liquide
? Est-ce qu'on peut appeler cela encore "euthanasie" ?
Bien-sûr que non ! Mais c'est à partir de la notion
d'euthanasie qu'on conclut que cela est licite.
Je
me suis penché sur la question, quel est le contenu de
la notion d'euthanasie, parce que déjà du, temps
du combat de la libéralisation de l'avortement provoqué,
il etait prévisible que le combat suivant serait la liberalisation
,souhaitée de la légisation sur l'euthanasie.
Jusqu'en
1969, il n'en était pas question. Mais, à partir
de 1969, cela a changé. Car, en 1969, est parue une brochure
intitulee : « Pouvoir médical et Éthique
medicale ».
L'auteur
fait un plaidoyer pour une nouvelle éthique médicale
selon laquelle les médecins doivent avoir le pouvoir de
tuer des personnes âgées, ou démentes, des
enfants handicapés et autres, qui sont une charge pour
la société.Tout ce qui s'est
passé sur le terrain de l'euthanasie depuis 1969, d'abord
de façon hésitante, mais ensuite avec une vitesse
croissante, est trop abondant pour que je puisse en donner ici
un aperçu. Je dois me limiter en vous disant que :
En 1982, le Gouvernement a créé un comité
consultatif sur l'euthanasie.
Et qu'à la fin de 1987, le Gouvernement a déposé
un projet de loi, qui, à travers une construction juridique
assez compliquée, donnait aux medecins, sous certaines
conditions, la liberté de mettre fin à la vie de
leurs malades.
Toutes
sortes de complications politiques ont eu comme résultat
que, ,jusqu'à maintenant, ce projet de loi n'a pas abouti.
Le
traitement de ce projet est différé, car le Gouvernement
actuel veut d'abord se former une image de ce qui se passe en
matière d'euthanasie aux Pays-Bas. Il y a quelques semaines,
le Ministre de la Justice a designé un comité spécialisé
à cet effet.
Entre
temps, il s'est developpé, avec le consentement des autorités
de justice et du juge criminel, une pratique d'euthanasie parfaitement
illégale. Le Gouvernement actuel laisse cette pratique
tranquillement se faire.
Combien
de cas d'euthanasie se font aux Pays-Bas ?
Dans
la Presse, on mentionne parfois quelques milliers de cas par an.
Mais, les chiffres vraiment dignes de confiance ne sont pas disponibles.
Pour vous l'expliquer, il faut que je fasse une petite explication
juridique :
Quand
une personne est decédée, il faut qu'elle soit enterrée.
Aux Pays-Bas, on peut seulement enterrer quand il y a une permission
des autorités. Ce permis, on ne peut le donner que quand
il y a un certificat signé par le medecin, disant qu'il
s'agit d'une mort par suite de cause naturelle.
S'il
n'y a pas de tel certificat, il y aura une enquête judiciaire,
pour vérifier qu'il y a eu un crime contre la vie.
Alors,
le Medecin qui a tue son malade ne peut déclarer, selon
la vérité, que son malade est mort d'une mort naturelle.
Un tel medecin risquerait d'être soumis à un interrogatoire
de justice, ensuite condamné, par la justice criminelle,
pour crime contre la vie.
Tout
cela n'est pas, pour le médecin, une perspective attrayante.
Qu'est-ce
qu'un médecin fait donc, après avoir tué
son malade ?
Il
déclare, contrairement à la verité que son
malade est mort de mort naturelle, ce qui est un autre delit :
un faux en écritures, et ainsi, on couvre un délit
par un autre délit. Il existe bien chez nous une organisation
officielle des Medecins, mais elle ne condamne pas ces prafiques
illégales. Elle est plutôt conciliante.
Je
dis tout cela pour vous expliquer pourquoi, jusqu'ici, il n'y
a pas de chiffres officiels et sûrs disponibles. D'ailleurs,
s'il n'y avait que quelques medecins qui, exceptionnellement se
rendaient coupables en tuant leurs malades ou en donnant l' aide
à ceux qui veulent se suicider, on n'entendrai pas, du
côté des médecins avec autant d'insistance
cette revendication pour la légalisation de l'euthanasie.
Il n'y a donc bien une raison pour supposer que le nombre de cas
d'euthanasie que les médecins aux Pays-Bas commettent sur
leurs malades, n'est pas insignifiant.
Quels
sont maintenant les arguments qu'on amène en faveur de
l'euhanasie ? En premier lieu, ce prétendu droit de libre
disposition : c'est à l'homme seul de decider quand et
comment il mourra. En second lieu, une série assez diverse
d'arguments qui peuvent se résumer ainsi :la qualité
de
la vie : des souffrances graves et de longue durée, une
agonie, tout cela n'aurait plus rien à faire avec la vie
humaine, avec vivre comme un homme.
Autrement
dit, il serait bien de venir en aide à ceux qui n'ont d'autr'e
avenir que cela et de les y soustraire par une mort choisie par
eux-mêmes.
Essayons
maintenant brièvement.de soumettre ces deux arguments pro-euthanasiques
à un examen critique :
Premièrement,
le droit de la libre disposition : il faut reconnaître que
l'homme lui-même est au plus haut degré responsable
de ce qu'il fait ou ne fait pas. Cette responsabilité implique
entre autre, qu'il doit accepter les conséquences de ses
faits et gestes. Mais, l'homme n'a pas l'entière disposition
de soi-même. En tout cas, il n'a pas la puissance de s'appeler
à la vie. La naissance comporte, pour tout le monde, indépendamment
de soi, la mission de vivre. Il s'en suit que l'homme n'a pas
le droit de se dérober par la mort choisie à la
mission qui lui a été donnée : celle de vivre.
Le
deuxième argument pro-euthanasique, celui d'une souffrance
longue et grave semble sans valeur, lui aussi, après ce
qui est dit plus haut. Car, si par principe, on refuse à
l'homme le pouvoir de déterminer soi-même le moment
de sa mort, on ne peut pas faire une exception pour ceux qui souffrent
beaucoup. Mais, dira-t-on, n'est-ce pas une conséquence
cruelle de votre théorie ? N'est-ce pas justement un témoignage
d'humanité, d'amour pour son prochain de le libérer
de ses souffrances par la mort ?
On
peut comprendre cette objection, mais on ne peut pas éluder
ces questions plus fondamentales.
Pourquoi
sommes-nous sur cette terre ?
Quel est le sens de la souffrance, que chacun de nous doit
subir ?
Je
dois me limiter, et je veux me contenter de dire ceci :
Ce dimanche-ci, dans la liturgie de notre Église, on demande
particulièrement notre attention pour la souffrance et
la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ. Selon les mesures
humaines, la qualité de Sa Vie ne representait rien. Il
est mort de la manière la plus indigne, dans les souffrances
atroces qu'on ne peut imaginer, mais c'est justement cette vie,
ces souffrances et cette mort auxquels l' umanité toute
entière doit sa déIivrance de sa mort.
Je
ne veux pas dire non plus que nous devons abandonner à
son sort malheureux l' homme qui souffre. Ces derniers temps l'on
met beaucoup l'accentsur l'efficacité des traitements de
la douleur et cela surtout parmi les médecins du respect
de la Vie. Ainsi, en est-il en Angleterre, avec "L'Hospice
Mouvement", qui permet aux malades de faire face et d'attendre
la mort naturellement dans un entourage apaisant. Voilà
les chemins par lesquels nous devons essayer d'accompagner le
mieux possible les autres. Mais la société qui fait
pacte avec la mort, et qui y voit la solution de tous ses problèmes
se perdra, à coup sûr, par la force destructrice
de son allié même.
Encore
quelques remarques générales pour clore.
L'avortement
provoqué est un mal terrible qu'on doit combattre de force.
Dans une mesure importante, notre attention doit aller vers un
secours concret à la femme qui est enceinte san l'avoir
desiré.
Par-ailleurs,
nous devons comprendre que l'avortement provoqué est un
problème international, qu'il est, dans ses bases directement
lié à d'autres phénomènes inquiétants
: l'euthanasie, les expériences médicales sur les
ftus, les manipulations.géréthiques, qui tous
exigent une union de nos forces sur un niveau international.
Exploitons
le mieux possible les possibilités qui nous sont offertes
! Nous étions déjà en route vers une Europe
plus unie en 1992.
Par
les developpements en Europe de l'Est ces derniers mois, s'ouvrent
des possibilités pour un contact international et une collaboration
internationale.imipensables jusqu'à ces derniers temps.
Une responsabilité particulière repose sur les politiciens
et juistes. Il faut que nous ayons un système de droit
européen basé sur le respect fondamental de la valeur
et la dignité inviolable de la vie humaine individuelle,
un système de droit dans lequel on n'accepte pas la légalisation
de l'avortement, de l'euthanasie et assure à l'un le pouvoir
de tuer impunément un autre. Cela, c'est le droit du plus
fort et c'est à son tour la marque caractéristique
du totalitarisme. Vous voyez donc comment les sujets dont nous
nous occupons pendant ce Congrès sont d'une vaste signification.
Nous
avons beaucoup, beaucoup à faire ! Personne de nous ne
peut se dérober à sa responsabilité. Travaillons
donc, Chers Amis, et prions le bon Dieu qu'il veuille bénir
notre travail collectif.
Dr
Th. A-M Van der Horst
Association néerlandaise des Juristes Pro Vita
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, mars 1990
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