Laissez-les-Vivre

Qui sommes-nous ?
Programme
Communiqués
Le "Courrier"
Publications
Diffusez vos idées
Adhérez
Liens
Archives

SOS Futures Mères

Qu'est-ce que c'est ?
Un cas SOS FM
Joindre une antenne
Aider SOS FM
Sa vie avant la naissance
Qu'est-ce qu'un avortement ?

DOCUMENTATION

Démographie mondiale
F.A.Q.

Nous contacter
HISTORIQUE DE LAISSEZ-LES-VIVRE – SOS FUTURES MÈRES



IMPRIMERXIIIe Congrès : VIE - FAMILLE - ACTION
Causes de résistance à la politique familiale

Vous m'avez demandé d'intervenir sur un sujet très important que vous avez vous-mêmes défini et qui est : "causes de résistance à une politique familiale". C'est un sujet vaste et difficile. Nous allons poser quelques jalons majeurs. Le cas de la France nous fournira l'occasion de dire un mot de la place de la politique familiale et surtout des allocations familiales (qu'il ne faut pas confondre avec la politique familiale) dans l'ensemble de la politique sociale de la Nation. Nous insisterons surtout sur la distorsion de la politique sociale qui s'accuse depuis trois décennies au détriment des enfants.

C'est en conclusion que nous montrerons si nous en avons le temps, qu'il ne s'agit là que de la partie émergée d'un mécanisme absolument fondamental, qui est à présent à l'œuvre dans toutes les sociétés développées et qui est bien plus général. Il s'agit en effet de l'inversion des flux financiers entre les générations, inversion induite par le vieillissement démographique de nos sociétés.

L'évolution de la population de plus de 65 ans dans divers pays du monde

Vous voyez que cette évolut ion ne cesse de s'accélerer, autrement dit, l'augmentation du 3ème âge dans nos populations va reconnaitre une ampleur sans précédent. C'est le phénomène majeur et on n'en mesure pas d'emblée toutes les conséquences.

En effet, c'est la cause première de l'implosion contemporaine de la fécondité dans les sociétés développées.

L'évolution de la fécondité dans divers pays europeens.

Vous voyez la plongée et ce phénomène est à peu près le même pour toutes les sociétés riches du monde aujourd'hui. En effet, la cause première de l'implosion contemporaine de la fécondite qui est, bien-sûr, aussi à l'origine des obstacles de plus en plus farouches dressés désormais contre toute politique familiale, réside en réalite dans le vieillissement démographique lui-même de ces populations. C'est ainsi qu'aujourd'hui, les intérêts collectifs et sociaux des personnes inactives du 3ème âge sont de plus en plus directement et de plus en plus âprement placés en compétition avec les besoins de consommation des jeunes et des enfants.
La distorsion de la protection sociale au détriment des enfants :
L'ampleur de la distorsion du système social qui en une génération, s'est développée au détriment de la seule part de la population qui n'exerce aucun poids politique : les enfants, se mesure à present dans les statistiques.
Pour comprendre le mécanisme de cette dérive, qui, en altérant les principes de la politique familiale a peu à peu conduit à vider de son contenu la politique familiale qui fut, à la Libération, l'œuvre du Général De Gaulle, puis de la IVe République, il faut bien garder à l'esprit que la catégorie des salariés représente dans la nation l'essentiel des adultes qui constituent les familles, autrement dit, tout ce qui touche les revenus salariaux concerne directement les familles, c'est-à-dire leur formation leur croissance et par conséquent toute la démographie du pays, des mariages et naissances.

C'est pourquoi les promoteurs du Code de la Famille, Adolphe LANDRY et Alfred SAUVY, décédé en 1990, ont fortement insisté sur le caractère compensatoire des allocations familiales. Il est essentiel de bien comprendre ce principe : Les allocations familiales doivent d'abord
viser à compenser largement, pour les parents des principales catégories sociales, la charge de l'enfant supplémentaire. L'enfant est ainsi assimilé à un investissement pour la collectivité nationale et non plus réduit à une simple consommation privée.

Ce principe de compensation se distingue radicalement des principes de répartition des revenus, de justice sociale et de justice fiscale, lesquels relèvent de ministères et services spécialisés. Or, depuis les annees 70, ces différents principes n'ont cessé d'être systématiquement amalgamés, dissolvant le caractère compensatoire des allocations familiales, et alterant ainsi en profondeur la politique familiale et sa capacité de soutenir la natalité du pays, ce qui pourtant était l'objectif premier du législateur.

En outre, dans les pays qui ont largement dépassé le seuil de la pauvreté absolue, il est important de comprendre que les comportements socio-démographiques sont sensibles non pas aux revenus absolus, mais aux revenus relatifs lesquels seuls conditionnent les niveaux de vie sociaux. Autrement dit, les personnes, quelles que soit leur position dans la hiérarchie sociale, se comportent de manière à ne pas mettre en péril pour eux ou pour leurs enfants leur place dans la société. Par conséquent, si le fait d'avoir un enfant supplémentaire les fait déchoir dans leur statut social, eh bien, ils refuseront cet enfant. Donc, c'est le revenu relatif qui compte pour la politique familiale, c'est le principe de compensation et non pas le revenu absolu, c'est-à-dire une permanence de pouvoir d'achat. C'est pourquoi le législateur, en instituant le système des allocations familiales, avait prévu leur indexation sur les salaires, parce qu'il voulait maintenir le niveau de vie social des familles, et non sur les prix, ce qui est l'objectif de simple maintien du pouvoir d'achat.

Autrement dit, si l'allocation familiale pour un permettait d'acheter une bicyclette en 1945, ceci avait un certain effet social, aujourd'hui, la même bicyclette n'a plus le même effet social et donc ne représente plus le même enjeu.

Les allocations familiales devraient rester indexées à l'origine sur le salaire de l'ouvrier spécialisé de la Métallurgie en région parisienne. La loi du 20 mai 1946 établit la fameuse règle des 225 fois, selon laquelle ce montant des allocations familiales devait être fixé à 225 fois le salaire horaire minimum du manœuvre ordinaire de l'industrie des métaux de la région parisienne, et devait évoluer, de plein droit dans les mêmes proportions que ce salaire. Voilà la loi.

La protection sociale est en effet exclusivement financée par les salaires, c'est-à-dire d'abord par les familles, puisque les cotisations sont essentiellement prélevées sur la masse salariale, que ce soient les cotisations patronales ou les cotisations dites salariales. En fait, l'ensemble est prélevé – en manque à gagner – sur le travail du salarié. Il était donc indispensable, pour préserver le caractère compensatoire dont dépend l'efficacité de la politique familiale, d'indexer également les allocations familiales sur les salaires. Il est essentiel de comprendre cela.

L'abandon progressif de ces principes s'est traduit par une dérive accelérée, au cours d'une génération du système de la protection sociale, au détriment exclusif des allocations familiales et des enfants. Le décalage sans cesse élargi entre des recettes sociales issues de cotisations au poids toujours plus lourd vis-à-vis du salaire net moyen d'une part, et des prestations familiales qui n'etaient plus, dès lors indexées que sur la simple hausse des prix, n'a cessé de gonfler les excédents des caisses des allocations familiales.

Ces excédents, en violation formelle des principes d'autonomie de gestion des caisses, principe rappelé à de nombreuses reprises et pour la dernière fois lors des ordonnances de 1967, ont systématiquement été détournés pour combler les déficits chroniques, à présent en croissance accelérée des autres comptes sociaux, en particulier des comptes vieillesse-survie. Autrement dit, politiquement, dans le système social français (et il en va de même à peu près partout ailleurs), on vole les enfants au profit des clientèles qui votent !

Depuis 1959, l'accroissement considérable et accélèré depuis 1974 du poids du financement prélevé sur les salaires, donc sur les revenus familiaux pour financer la protection sociale. Ce poids a doublé. Tout le budget social de la nation est prélevé sur les salaires et, si l'on regarde vis-a-vis du salaire net ce qui est preleve, on realise la croissance acceleree de ce prelevement.
En volume la croissance de toute la production du pays et du budget social total (en francs constants) en volume réel. Le budget social s'accroît 3 fois plus vite que la richesse nationale. Ce prélèvement sur les familles croît 3 fois plus vite que la richesse du pays.

Où vont ces prélèvements ? À qui profitent-ils ?
La croissance à l'interieur du budget social de ce qui va à ces deux postes s'accroît encore plus vite que l'ensemble du budget social.

Par contre, les prestations par tête : Si l'on rapporte en termes réels (francs 1985) l'évolution des prestations familiales, maternité famille (c'est-à-dire non seulement les allocations familiales, mais tout ce qui entre dans la politique familiale aux effectifs des enfants de moins de 15 ans, on voit que les prestations par enfant restent à peu près constante en pouvoir d'achat. En revanche, on voit la croissance extraordinaire des prestations vieillesse survie par inactif de 60 ans et plus et des prestations emploi par choômeur. On voit très bien que la croissance n'est pas la même : dans un cas, il y a maintient du pouvoir d'achat, et dans l'autre accélération plus rapide que le salaire net.

Le budget social est en effet partagé en 4 categories : les familles, les personnes du 3ème âge, la santé et les chômeurs. Si l'on rapporte l'ensemble des prestations emploi par chômeur et que l'on en mesure la croissance depuis 1959, les prestations vieillesse survie par personne du 3ème âge et les prestations santé par personne dans la population au salaire net moyen, on s'aperçoit qu'il y a un doublement ou même un peu plus d'un doublement en moins de 30 ans pour ces trois catégories.

La réalité est même encore plus accusée, puisque le poste santé, l'hospitalisation lourde a pris une part qui ne cesse de s'accroître ; or dans l'hospitalisation lourde, les personnes du 4ème âge ont un poids de plus en plus fort. Par conséquent, si l'on tenait compte de cet effet, la courbe santé/population ne s'accroîtrait pas de presque 220 %,mais de 150 % à peu près, le reste devant être imputé au 3ème âge. Ce qui veut dire que la courbe des besoins prélevés pour
le 3ème âge inactif, ne s'accroîtrait pas de 220 %, comme il est indique ici, mais de près de 300 %. Donc, en gros, la distorsion de l'ensemble du budget social prélevé sur les familles profite de plus en plus aux personnes du 3ème âge.

On peut en discuter, mais il faut d'abord reconnaître le fait.

En revanche, le montant des allocations familiales du salaire net moyen, nous avons une courbe descendante et nous voyons, pour la même période, l'indice de fécondité évoluer parallèlement.

Les allocations destinées à chaque enfant ont representé une valeur de moins en moins importante par rapport aux salaires. Elles ne cessaient de se dégrader, en même temps que la fecondité. Ce qui est logique : c'est l'effet de l'effondrement du principe de compensation.

On a maintenant le pouvoir d'achat strict des allocations familiales, alors qu'on a augmenté toutes les autres prestations sociales plus vite que les salaires, lesquels augmentaient plus vite que les prix, puisque le pays s'enrichit.

C'est cela le phenomène de fond. C'est cela la distorsion de la politique sociale. Ce parallélisme n'avait jamais été mis en évidence, et je vais vous faire une confidence : j'ai eu beaucoup de mal à le faire admettre aux caisses d'allocations familiales et à leur gestionnaires. Il a fallu un an et demi pour les obliger à admettre la réalite de ces chiffres qui étaient les leurs

Ceci peut être montré dans tous les pays. C'est plus ou moins difficile statistiquement, parce que tout dépend de la mise à plat du système social qui n'est pas facile à faire en bien des pays,
mais ce phénomène est général, il accompagne, ou plutôt précède la baisse de fécondité dans tous les pays développés. Or, plus la fécondité baisse, plus, à la longue, s'accroît la proportion des personnes du troisième et du quatrième âge, et plus s'accroit la pression sur la politique familiale.

Plus aussi s'accroît leur poids politique, qui devient déterminant. En France, plus de 30 % du corps électoral est constitué d'inactifs du 3ème âge, et, dans certaines villes, plus de 50 %. Et
plus s'alourdit la charge de leurs besoins, qui deviennent prioritaires dans le système social financé par les familles au détriment de ceux des enfants deja nés et éventuellement à naîitre.

Ainsi, à mesure du vieillissement de la population, les familles sont-elles peu à peu exclues des principaux bénéfices de la protection sociale, dont elles assurent pourtant le financement.

Le budget social de la nation représente maintenant près de 28 % de l'ensemble de la richesse du pays. Or, on peut dire que les 2/3 de ce budget va au 3ème âge dans la réalité, que ce soit vieillesse-survie ou santé. Et ce qui reste à la politique familiale représente 180 milliards de francs, sur un budget social de 1 600 milliards de francs, et sur ces 180 milliards, beaucoup de mesures sont purement sociales, aussi les allocations familiales représentent, elles, plus qu'à peine 60 % de la politique familiale. Donc, ce qui va réellement aux enfants est de plus en plus réduit, ce qui est attaché à la naissance de l'enfant est de plus en plus réduit. Or, la situation dans les années d'après-guerre était totalement différente. Le budget social de la nation était beaucoup moins important, il représentait moins de 20 % de la production annuelle et sur l'ensemble de ce budget social, c'est plus de la moitié qui allait aux familles.

C'est clair : la dérive est incontestable.

Ce mécanisme cumulatif est d'autant moins réversible, qu'il se prolonge dans le temps. Il est de nature à compromettre les capacités de renouvellement de la population et il frappe toutes les sociétés contemporaines avancées. Plusieurs de nos voisins européens en sont plus lourdement frappés que nous.

Maintenant, pour aller plus loin, il faut comprendre qu'il ne s'agit que d'un aspect spectaculaire, certes important (on le voit bien avec les débuts sur la contribution sociale géneralisée, devant lequel aucun gouvernement ne pourra tenir), il ne s'agit là que d'un aspect partiel d'un phénomène plus profond et encore plus grave. Je n'aurai pas le temps de l'exposer, mais le phénomène de fond est que le vieillissement de la population entraîne l'apparition de sociétés a deux générations, comme étaient les societes traditionnelles (je rappelle que le troisième âge inactif ne correspondait pas à plus de 3 % de la population dans la plupart des pays depuis l'origine de l'humanité). Nous arrivons desormais à des temps où le troisième âge représentera désormais le tiers de la population.

Traditionnellement, il n'y avait, dans une population que deux générations, les parents et les enfants. Les grands-parents restaient très marginaux. Maintenant, ce ne sont plus des sociétés à deux générations, comme jusqu'au milieu des années 50, mais ce sont des sociétés à trois ou quatre générations, et peut-être bientôt cinq. Par consequent, les décisions collectives et toute la société seront tounées vers cette part prépondérante de la population.

Il est clair que, quelque soit la bénévolence des personnes de plus de 50 ans, leur problème n'est plus la reproduction. Cette influence du 3ème âge exerce par ses prélèvements un effet de levier sur la fécondité qui est cumulatif et qui s'exerce par l'inversion des transferts financiers entre les générations, lequel peut se chiffrer et ne peut que s'accélerer.

Car, aucun mécanisme incorporé n'existe pour arrêter cette dérive.

Philippe Bourcier de Carbon

© Laissez-les-Vivre – SOS Futures Mères, 3 mars 1991

REMONTER EN HAUT DE LA PAGE