Depuis
que de nombreuses législations ont, hélas ! admis
le recours à l'avortement, on a vu se constituer des mouvements
de résistance contredisant l'institutionnalisation du permis
légal de tuer.
La
contestation la plus radicale est celle qui exige, par l'abolition
des lois fœticides, la fin de la perversion du droit. Aussi
long et difficile que soit le combat politique qu'elle exige,
cette voie est la plus complète car elle inclut dans les
composantes de l'action qu'elle developpe, toutes les mesures
antécédentes ou connexes favorables au respect et
donc à l'accueil de la vie par les nécessaires adaptations
de la politique familiale. Elle est aussi la plus absolue car
elle se fonde sur un respect sans concession du droit à
la vie qui inclut la condamnation de l'euthanasie, ce parallèle
obligé de l'avortement pour les tenants d'une certaine
philosophie.
La
deuxième forme de lutte qui, dans un mouvement comme Laisse-
les-Vivre est associée à la première,
consiste à agir concrètement pour que, par des aides
matérielles et sociales appropriées, la future mère
ne cède pas à la tentation de l'avortement provoqué.
Il
est une troisième forme de lutte qui, à côté
de la défense et de l'extension de la clause de conscience
bénéficiant aux professionnels de la Santé,
consiste à defendre une clause de conscience généralisée
susceptible d'être invoquée par tous. Il s'agit en
particulier, pour le contribuable français, par des actions
juridique appropriées, de refuser d'accomplir l'acte de
complicité indirecte realisé par la participation
obligée à la réalisation d'avortements en
soustrayant à l'apprehension par le fisc le 1/1750ème
du montant de l'impôt à payer, pourcentage fixé
par des spécialistes de la participation en 1990 de chaque
contribuable au meurtre de l'enfant âà naître.
C'est la le but que s'est fixé l'A.O.C.P.A. (Association
pour l'Objection de Conscience à toute Participation à
l'Avortement).
Il
est une quatrième forme de lutte ; c'est celle qui consiste
à porter secours à l'être embryonnaire, notre
frère le plus cadet qui soit en humanité, homme
démuni s'il en est et paradoxalement condamné à
ne pas être en raison même du vouloir être qui
l'anime. Tragique situation à laquelle s'ajoute par le
matraquage idéologique visant à l'obscurcissement
des consciences l'abandon de la mère et le consentement
au meurtre de médecins pervertis. Dans ce cas, le combat
pour la vie à naître n'est pas le secours d'une détresse
sociale qui le sollicite, il appelle à une prise de conscience
des acteurs du drame qui se joue. Il est la protestation indignée
des consciences devant l'enfer du siècle ; il est l'echo
dans des poitrines adultes du cri silencieux de l'enfant
sacrifié.
Cette
forme de combat inaugurée Outre-atlantique par l'association
americaine Operation Rescue qui a multiplié l'occupation
avec force élairage médiatique, de nombreux centres
d'avortement
s'est developpée en France depuis 1987 à l'initiative
de la Trêve de Dieu et de SOS Tout-Petits.
Ce
mouvement se heurte à l'hostilité des pouvoirs publics
qui envisagent des poursuites contre ceux qui participent à
des actions de nature à troubler le déroulement
aseptisé du meurtre fœtal.
Il
se heurte aussi à l'incomprehension de l'épiscopat
catholique français dont le représentant le père
PAYSANT responsable, de la Commission Familiale de l'Épiscopat
français, precise que l'hostilite à l'I.V.G. ne
saurait couvrir des actions intempestives et plus ou moins incontrôlables,
même s'il concède que les occupants des centres d'avortements
se réfèrent à Dieu le Père et à
la Chrétienté mais en affirmant qu'ils ne peuvent
pas se référer à l'Église réelle.
Il
faut une singulière audace pour affirmer cela ; ce n'est
pas là en effet la position du Pape telle qu'elle s'est
exprimée le 3 novembre 1990 dans une adresse aux pharmaciens
catholiques les invitant avec vigueur à opposer, en particulier,
une objection de conscience à la mise en vente de produits
abortifs. Le discours prononcé le 3 novembre 1990 par Jean-Paul
II devant l'association française des pharmaciens
dépasse largement, comme le constate Joseph Vandrisse
dans Famille Chrétienne du 15 novembre 1990, la
seule perspective des pharmaciens et touche au problème
de fond de la morale. Comme l'écrit un autre commentateur
autorisé : « Adhérer à l'enseignement
de l'Église, ne pas se dérober à sa mission
de baptisé, dans une société publique permissive
signifie souvent aujourd'hui pour de nombreux responsables catholiques
: opposer une objection de conscience, c'est-à-dire manifester
une insurrection légitime de la conscience morale contre
l'inversion de valeurs bafouées qui sont la sauvegarde
d'une civilisation digne de l'humain ».
Mais
si nous éloignant de la justification d'ordre religieux
de ce quatrième type d'action, nous considerons le milieu
dans lequel il se manifeste, il apparaît tout d'abord qu'il
constitue un adjuvant, un complément ou une aide à
l'action syndicale et corporative. La clause de conscience est,
en effet, un droit pour le personnel médical et hospitalier,
droit dont bénéficie aussi indirectement cet usager
de la médecine qu'est l'enfant non encore né. Une
des premières fonctions sociales de l'action du type "Rescue"
est donc le rappel, fut-il implicite, de ce droit professionnel
à la clause de conscience dont des études juridiques
approfondies ont démontré qu'elles bénéficiaient
non seulement aux médecins, aux sage-femmes et aux infirmières
mais encore aux aide-soignantes et à l'ensemble des auxiliaires
medicales classés dans l'annexe 4 du Code de la Sante Publique.
Au-delà même du personnel médical et paramédical,
une étude parue en 1980 au Tome lV de l'Année Canonique
déduit d'une définition plus large du terme auxiliaire
médical visant dans l'hypothèse de la réalisation
d'I.V.G. non l'auxiliaire d'une activité purement médicale
mais l'auxiliaire du médecin dans un acte fictivement médical,
une acception plus large du terme médical laquelle étend
la clause de conscience au personnel administratif en raison du
fait que ce terme est rattaché à l'option propre
du médecin et non à la nature intrinsèque
de son activité thérapeutique. Cette interprétation
est confirmée par le fait que les obligations instituées
en vue de l'organisation des services d'avortement et de son processus
ou de son suivi ne sont imposées en général
qu'aux établissements eux-mêmes sans mettre explicitement
et nominativement des obligations propres à la charge de
la totalité des catégories énumérées
du personnel administratif ou comptable.
De
la clause de conscience ainsi élargie peut-on passer à
la généralisation de la clause de conscience et
à son extension à tous en observant d'abord que
ce droit légitime, outre qu'il trouve appui sur le respect
des convictions religieuses reconnu par l'article 2 de la Constitution
de la Vème République et sur la proclamation du
respect de la vie par l'article 2 de la Convention Européenne
des Droits de l'homme, ne saurait être réservé
à une catégorie professionnelle aussi étendue
soit-elle puisque l'article 6 de la Déclaration des Droits
de l'homme et du citoyen de 1789 proclame que la loi est la même
pour tous soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.
La
réponse à cette interrogation ne peut être
que positive et l'article 6 tel que rappelé peut être
utilisé. Si en effet en général le caractère
égalitaire de la loi a été invoqué
en matière de sanction, dans la matière qui nous
occupe il faut être conscient par l'application de cet article
6 du caractère universel de la loi ralativement à
la protection. et la protection de la conscience n'est-elle pas
la plus précieuse des sauvegardes ?
Mais paradoxalement, sur le plan de la conscience, le contribuable
payant en partie et malgré lui pour le maintien ou le développement
de structures permettant la réalisation d'avortements,
outre sa position diminuée, en comparaison de celle du
praticien de la Santé invoquant la clause de conscience,
n'est-il pas aussi, de façon un peu inattendue, plus mal
loti que le médecin qui accepte de réaliser des
avortements ? N'oublions pas, en effet, la règle budgétaire
de non-affectation des recettes en vertu de laquelle toute dépense
resultant de la décision de l'autorité chargée
de les régler est incluse dans une proportion infinitésimale
dans le moindre centime versé. Le médecin avorteur
même s'il realise beaucoup d'avortements, n'en réalise
en définitive qu'un certain nombre ; c'est au contraire
la totalité sans exception de tous les avortements réalises
dans le pays à laquelle participe indirectement mais de
façon certaine par le paiement
de ses impôts le contribuable de base dont la conscience
est ainsi
prise en otage.
À
quoi ont abouti les efforts des associations luttant pour l'objection
de conscience étendue à tout citoyen , en particulier
ceux de l'A.O.C.P.A. ?
Avant
que ne soit saisie la Commission Européenne des Droits
de l'Homme qui a rendu quelques décisions d'irrecevabilité,
le Conseil d'État était sollicité d'avoir
à se prononcer. Par un arrêt décevant du 13
mai 1987 où le problème de la clause de conscience
n'est pas traité, il déclare, selon une motivation
très fiscaliste, aux personnes ayant opéré
une rétention sur le montant de leurs impôts correspondant
au montant de la participation aux avortements que les conditions
dans lesquelles les produits des impôts sont utilisés
sont sans influence sur la régularité et le bien-fondé
des impositions et ne peuvent être contestées devant
le juge de l'impôt.
En
l'état de cette jurisprudence, et sauf nouvelle réflexion
plus approfondie, le contribuable français bénéficiaire
potentiel d'une clause de conscience géneralisée
ne dispose pas d'un système équitable qui dans la
déclaration d'impôt lui permettrait, par une option
ouverte dans d'autres pays pour, par exemple, les dépenses
du culte, de choisir l'affectation pour la vie de la part de son
argent personnel actuellement attribuée à une œuvre
de mort frappant des innocents. S'agissant d'un problème
éthique majeur, totalement différent des problèmes
de dépenses relatives à la sécurité
du groupe (dépenses militaires), cette option serait parfaitement
recevable dans un système democratique.
Pour
en être privé et être ainsi crucifié
dans sa conscience que reste-t-il d'autre au citoyen que la manifestation
de son refus de voir se perpétuer un système qu'il
finance maIgré lui ? L'action protestative en faveur
de la clause de conscience élargie fonde donc en partie
l'action de type "Rescue", laquelle peut ainsi contenir
une volonté affirmée et pleinement justifiée.
Mais
ceux qui usent de telles manifestations ont des motivations dans
lesquelles intervient une sensibilité profonde que n'a
pas atteint la deshumanisation dans laquelle nous baignons plus
ou moins inconsciemment. Le but indique des opérations
d'occupation c'est le sauvetage, le secours, la réponse
à l'appel non audible de l'enfant que tout porte à
l'accueil joyeux de la vie.
À
cet egard, la justification de cette action se trouve dans l'obligation
d'assistance sanctionnée en droit français par l'infraction
pénale qualifiée d'omission de porter secours à
personne en péril (article 63 du Code Pénal).
Cette
justification juridique peut-elle être invoquée ?
Une réponse positive s'impose, tout au moins quant à
l'existence de la justification elle-même du secours. En
effet, s'il doit y avoir nécessité de secourir une
personne, les études juridiques en matière d'application
de l'article 63 du Code Pénal accordent cette qualification
à l'enfant à naître.
Par
ailleurs, en l'espèce, l'absence de risque pour la propre
sécurité pour celui qui porte secours exigée
par ce texte est certaine. En vain invoquerait-on que l'origine
du péril résulterait d'un fait : la volonté
de réaliser une I.V.G. dans les conditions où celle-ci
n'est pas punissable. En effet, peu importe pour l'être
en péril l'origine du péril. Celui-ci peut ne pas
résulter d'un crime ou d'un délit. Dès lors,
un fait pénalement non sanctionné comme l'avortement
dans les cas où il n'est pas punissable peut constituer
le support d'une obligation de secours, par la prise en compte
du péril de l'embryon. Malheureusement, cette obligation
de secours est privée de la plénitude de ses effets.
Normalement
l'obligation de secours constituant à la fois un ordre
de la loi et l'exercice de la légitime défense d'autrui,
justifie la réalisation de faits punissables en eux-mêmes.
Il en va différemment dans notre hypothèse, car
l'avortement, dans les cas où il est legalisé, confère
à son auteur et à ceux qui concourent à cet
acte, à quelque titre que ce soit, une immunité
légale découlant de la permission de la loi. Dès
lors, si un secours peut être apporté, il se heurte
pour sa réalisation à l'impossibilité d'exercer
des violences ou de procéder à des dégradations
importantes d'objets car l'immunité légale habituelle
en matière d'omission de porter secours se heurte à
une autre immunité légale.
Sur
le plan du droit, l'opération de secours ne peut être
que pacifique sans quoi elle peut entraîner la commission
de délits non justifiables juridiquement.
Une
circulaire du Ministère de la Santé du 11 janvier 1991
traite du problème de l'occupation des locaux hospitaliers
où se pratiquent des I.V.G. : des mesures préventives
sont evoquées sous forme d'informations du personnel sur
ce type d'incursions et l'appel aux forces de l'ordre est indiqué.
Mais
cette circulaire n'envisage de plaintes qu'en cas d'agressions
de personnes ou de destructions ou de détériorations
de matériel.
Il
est fort intéressant de relever qu'elle ne fait pas état
de l'illégalité de la pénétration
dans l'hôpital ou de la commission de délits qui
en découlerait directement. Elle en eût été
bien en peine, d'ailleurs, car l'hôpital est un lieu public,
ouvert au public, place par sa nature à la disposition
de l'usager et sous le double contrôle du citoyen et du
contribuable.
En
vain invoquerait-on l'existence d'un attroupement ; celui-ci pour
être punissable doit réaliser une atteinte à
l'ordre public lequel ne se confond pas, ainsi que le rappelle
le Conseil d'État, avec l'ordre social, étant simplement
l'ordre dans la rue c'est-à-dire en fait l'absence de bagarres.
C'est ce qui permet de décider, sur le plan de la grève,
qu'une occupation d'usine même illégale, et eéventuellement
préejudiciable aux droits privés de l'employeur,
ne constitue pas à elle seule une atteinte à l'ordre
public. TouJours sur le même thème, relevons que
le délit de provocation à l'attroupement sans incitation
de troubles à l'ordre public n'est pas constitué
par un simple tract ou une lettre invitant un certain nombre de
personnes à se trouver pour une telle protestation à
émettre en un lieu et à une heure déterminée.
Le
caractère limitatif de la liste des personnes énumerées
par l'article 209 du Code Pénal comme pouvant être
victimes d'une rebellion permet d'exclure la commission de ce
délit à l'égard du personnel hospitalier.
Il faut noter également l'application restrictive du texte
(Article 222 du Code Pénal) visant les outrages contre
les dépositaires de la force publique et de l'autorité
publique. Ce dernier terme exige une position hiérarchique
notable puisqu'il concerne des fonctionnaires exerçant
par une délégation directe de la loi, une portion
de l'autorité publique qui leur donne un pouvoir
de commandement.
En ce qui concerne les dégradations affectant les biens,
il faut relever que l'article 257 du Code Pénal relatif
en particulier aux objets d'utilité publique ne vise que
les biens immobiliers ou leurs accessoires et que pour les objets
mobiliers l'article 434 du Code Pénal exclut de la commission
des délits qu'il sanctionne les dégradations légères.
Nous
retirons de tout ceci que si elle ne s'accompagne pas de violences
sur des personnes ou de destructions, n'a pas de caractère
illicite la pénétration dans un local hospitalier
en vue d'une prise de position sur le problème de l'avortement.
Mais
quelle peut être sur le plan civique en l'état d'une
volonté de secourir rendue stérile dans ses effets
la justifica tion
de la pénétration ?
Personnellement,
je pense que cette justification doit être trouvée
dans l'exercice du droit de pétition.
C'est
ce droit que les personnes reunies devront invoquer pour s'opposer
eventuellement àa une dispersion prematurée ou à
toute autre opération musclée. Le droit de pétition
est le droit qu'à toute personne ou tout groupe de personnes
de s'adresser à une autorité publique pour lui faire
connaître un fait ou une situation donnée et lui
demander une intervention ou toute suite favorable, fut-ce sous
forme d'une simple transmission de la demande présentée.
Comme
il s'agit non d'un droit privé mais de l'exercice d'un
droit public caracterisé par un dialogue du citoyen avec
la puissance publique, la seule restriction à son exercice
consiste dans l'interdiction de sa présentation à
la barre d'une assemblée délibérante (article
4 de l'ordonnance du 17 novembre 1958) pour ne pas troubler l'expression
du suffrage universel. Cette restriction ne saurait etre étendue
à toute autre manifestation publique de sa formulation,
telle celle réalisée dans l'enceinte d'un hôpital
public.
Vainement
objecterait-on que l'exercice de ce droit ne serait qu'une manifestation
de pure hostilité à la loi existante. En effet,
elle peut se rattacher à des règles de droit constituant
une justification impérative de la position pétitionnaire.
Pour ma part, j'en vois deux :
–
L'une de caractère défensif et de protection qui
vise à rappeler les droits bafoués d'une partie
des citoyens.
– L'autre beaucoup plus offensive visant à faire
apparaître la contradiction de la législation actuelle
avec l'ordre juridique international.
Sur
la premiere justification d'une position pétitionnaire
appelée à transiter à partir du directeur
de l'hôpital jusqu'à l'échelon ministériel
et aux plus hautes autorités de l'État, je dirais
qu'elle peut incontestablement être fondée sur l'article
18 du Pacte des droits civils et politiques. Une lecture attentive
de ce texte fait apparaîitre qu'en particulier la liberté
de religion trouve son expression individuellement ou en commun
tant en public qu'en privé, par le culte
et l'accomplissement des rites, l'enseignement et les pratiques.
Si
nous mettons à part l'enseignement qui vise l'éducation
religieuse, les deux termes rite et culte couvrant l'ensemble
des manifestations visant à honorer Dieu ou à obéir
a des commandements afférents à un espace strictement
religieux, le terme pratique ne peut avoir qu'un autre sens. Il
vise les pratiques à suivre dans un domaine interhumain,
la praxis éthique découlant des préceptes
de la religion. Rapprochée des termes "en commun"
et "en public" qui évoquent une pénétration
dans la vie de la cité, dans le cas d'un catholique la
pratique objet d'une défense peut être la doctrine
sociale de l'Église. On sait, en effet, que celle-ci exclut
le recours à l'avortement et que l'enseignement du Magistère
condamne la complicité directe ou indirecte à ce
recours.
Par le biais de la pétition, refusée sur d'autres
terrains, la clause de conscience élargie du contribuable
peut donc légitimement venir battre les murs des avortoirs.
Dira-t-on
sur le plan moral que maIgré l'affirmation d'un droit,
il s'agit d'une pure et simple contestation de l'autorité
de l'État interdite par la religion évoquée
par le « rendez à César ce qui est
à César » aussi valables que soient
les motifs et aussi légalistes que soient les moyens.
Non,
car il faudrait pour se réfugier valablement derrière
cette régalienne prérogative que l'État en
la circonstance fut vraiment l'État.
La
plus haute autorité de l'Église catholique lui conteste
la possibilité de se référer à l'obligation
d'obéissance qu'il peut
normalement exiger.
Le
18 decembre 1987, recevant à Rome les participants au Congrès
d'études sur le droit à la vie et l'Europe, le Pape
Jean-Pau lI a déclaré : « Lorsqu'un
État met à la disposition des institutions pour
que quelqu'un puisse traduire en acte la volonté de supprimer
ce qui est conçu, il renonce à ses premiers devoirs,
à sa dignité même d'État ».
Qu'est ce que l'État en effet sinon la structure juridique
ultime rendant compte de sa globalité que s'est donnée
la Nation pour affirmer son existence et assurer sa survie ? La
Nation est une communauté de vivants animée d'un
vouloir vivre collectif. C'est ce vouloir vivre collectif qui
justifie certains actes de défense légitime ou d'autodéfense
qui s'expriment par la guerre défensive. Mais ce vouloir
vivre collectif ne justifie pas son propre contraire. L'Etat est
le gardien de la Nation, gardien des frontières, de l'intégrité
physique et matérielle du pays mais aussi des nationaux
qui
le composent.
S'il
agit contre le vouloir vivre de la Nation et la vie de ses membres
il perd la justification de son autorité.
Plus
encore ses gouvernants, ses fonctionnaires et tous ceux qui bénéficient
des autorisations qu'il délivre tombent dans le cas de
l'avortement sous l'accusation de génocide.
Et
là nous nous trouvons en présence de la deuxième
justification de la position pétitionnaire, celle-ci étant,
cette fois offensive et même accusatrice.
Le
crime de génocide prévu par la convention internationale
du 9 décembre 1948 a fait l'objet d'une ratification en
France par le décret du 24 novembre 1950. Il a été
abondamment démontré lors de notre précédent
congrès que par l'institution de nombreux centres d'avortement
permettant d'atteindre annuellement en France une capacité
de destruction de 180 000 êtres embryonnaires, on sortait
de l'illusion d'une tolérance exceptionnelle et du paravent
du recours ultime en cas d'échec de la contraception. Il
y a incontestablement, dans ce pays, destruction volontairement
massive et organisée d'êtres vivants et innocents.
Ce sacrifice de multiples potentialités humaines est
effrayant.
Mais
il est encore plus effrayant si l'on songe à la justification
qu'il donne à la destruction d'êtres finissants,
difficile à soigner et à la charge de la sociétée.
Près des cliniques d'accouchements il y a actuellement
des incinérateurs, près des foyers de vieillards
et des maisons de retraites pourquoi n'y en aurait-il pas demain ?
L'avortement
de masse, c'est le génocide, c'est le crime international
de génocide, un crime non susceptible de prescription comme
nous le savons par certaines affaires judiciaires récentes.
Ce crime n'est jamais couvert par l'autorité de l'État
et la permission de l'État puisque la loi internationale
peut, en l'espèce, demander compte un jour à la
loi de l'État, ancienne ou actuelle.
Le
crime de génocide existe en l'espèce dans le cas
d'avortements de masse pour les raisons suivantes :
1°
parce qu'il n'exige pas l'état de guerre ; il peut être
commis en état de Paix.
2°
parce qu'il ne concerne pas seullement la destruction d'un membre
d'un groupe national ou racial différent, l'autogénocide
étant punissable.
3° parce qu'il n'est pas realisé par la seule volonté
de détruire la totalité d'un groupe mais peut être
commis par la destruction de partie d'un groupe ce qui est le
cas pour la portion des enfants à naître qu'il concerne.
4° parce que par une prévision spéciale la convention
sur le génocide fait entrer dans les actes sanctionnables
par une juridiction nationale ou la cour criminelle internationale,
les mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe.
Ne
peut être dès lors une contestation d'une autorité
au demeurant usurpée, par la recherche d'un objectif contraire
à sa nature, une accusation formée par un groupe
rappelant une exigence de conformité de la loi en vigueur
par rapport au droit international.
N'oublions
pas qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution de la République
française, les conventions et même les traités
légalement ratifiés ont une autorité superieure
à la loi.
La
demande de conformité de la France aux règles du
droit international, en l'espèce à la convention
internationale sur le génocide est visée expressemment
au 14ème alinéa du préambule de la Constitution
du 27 octobre 1946 est donc une revendication légitime
du
citoyen.
En
effet ce préambule est intégré dans le texte
de la Constitution actuelle du 4 octobre 1958.
Et
même mieux encore, la loi constitutionnelle du 3 juin 1958
précise que l'autorité judiciaire doit assurer le
respect des libertés individuelles définie par le
préambule de la Constitution de
1946.
La
denonciation du génocide n'est autre que la libre expression
individuelle de la volonté collective de la Nation à
la conformité des dispositions qui doivent la gouverner
avec le droit international dans ses dispositions les plus impératives.
Le défi aux avortoirs, et ce sera ma conclusion, ne peut
donc être que l'expression du civisme la plus authentique.
Eugène
Clavel
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, 2 mars 1991 |