L'Assemblée
de Strasbourg qui a pris le nom de Parlement européen par
l'Acte Unique des 17-28 fevrier 1986 est issue des assemblées
parlementaires de la C.E.C.A. et de la C.E.E. (art. 21).
Dans
la réalité, ce Parlement n'a guère de pouvoirs
: il vote le budget de la communauté et a le droit de censurer
la commission. Ce dernier droit n'a jamais été utilisé
et le pouvoir de voter le budget est limité dans la mesure
où les possibilités d'amendement du budget accordées
au Parlement sont extraordinairement limitées.
En
principe, le Parlement est associé aux décisions
du Conseil des Ministres et de la Commission, mais cette association
se borna, dans la réalité, à la mise au courant
du Parlement par le Conseil et la commission des mesures envisagées
par eux, sans que le Parlement ait
un droit quelconque de veto, sauf la censure de la Commission.
En fait, le Parlement n'a pas de pouvoirs réels, mais il
s'est arogé un droit moral qui s'étend peu a peu.
Depuis
1979, le Parlement européen est élu au suffrage
universel et ses députés se répartissent
en groupes parlementaires : on en compte huit importants, soit
de gauche a droite :
–
communistes
– socialistes
– écologistes (verts)
– libéraux
– démocrates européens de progrès (gaullistes)
– démocrates européens (conservateurs britanniques)
– parti populaire européen (démocrates chrétiens)
– droites européennes.
Si
on les regroupe, on obtient :
|
1979 |
1984 |
1986 |
1989 |
Gauche |
156 |
171 |
218 |
224 |
Verts |
- |
20 |
20 |
37 |
Libéraux |
40 |
31 |
41 |
44 |
Droite
(PPE, Démocrates européens, Démocrates,
Europe de progrès, Droite européenne |
194 |
205 |
232 |
198 |
Divers |
20 |
7 |
7 |
15 |
TOTAL |
410 |
434 |
518 |
518 |
Majorité
Absolue |
206 |
218 |
259 |
259 |
(1986
: Entrée de l'Espagne et du Portugal.)
On
le constate tout de suite, la droite n'a jamais eu la majorite
absolue au P.E., sauf si on lui ajoute les libéraux, mais
ceux-ci sont très réticents devant tout comportement
"clérical" (catholique ou évangélique),
et hostiles à ce qu'ils considèrent domme une atteinte
aux droits de l'individu. Ils sont donc favorables à l'avortement
et hostiles à une politique centrée sur la famille.
Mais,
il faut souligner qu'au Parlement, c'est souvent des démocrates
chrétiens eux-mêmes que sont venues les propositions
favorables à l'avortement. La résolution sur "la
situation de la femme dans la communauté européenne",
adoptée le 11 fevrier 1981 est très claire, fondée
sur des attendus significatifs, tels que :
–
considérant que l'évolution historique de la civilisation
en généraI et l'apparition des sociétés
industrielles modernes n'ont pas encore permis jusqu'à
présent, dans quelque pays du monde que ce soit, d'enlever
à la femme le rôle subalterne qu'elle joue depuis
des siècles, et ont souvent entraîné de nouvelles
formes de vie marginalisation et de nouveaux déséquilibres.
–
considérant que cette situation doit être considérée
comme inacceptable, non seulement parce qu'elle limite les droits
individuels de la femme, mais également parce qu'elle exerce
une influence négative sur l'ensemble de l'équilibre
de la société, dans les relations entre la collectivité
et l'individu, en ce qui concerne la satisfaction des besoins,
les relations entre les générations et la repartition
des responsabilités entre l'homme et la femme,
–
considérant que l'élimination de toute forme de
discrimination et d'oppression au détriment de la femme
est la condition sine qua non de l'édification
d'un ordre social plus juste et plus avancé et, partant,
de l'amélioration des conditions de vie et de travail des
citoyens, conformément au souhait formulé dans le
preambule du traité instituant la Communauté économique
européenne,
–
considérant que la crise économique actuelle, dans
laquelle le chômage s'ajoute à l'inflation, frappe
plus particulièrement les femmes, à la fois en tant
que travailleurs potentiels et en tant que destinataires des dépenses
sociales et des services sociaux,
–
considérant que le caractère structurel du chômage
des femmes est ainsi révélé et que les progrès
réalisés jusqu'à présent dans le domaine
de l'égalité des hommes et des femmes s'en trouvent
menacés,
–
Étant d'avis que cette situation requiert une reponse globale
nouvelle au niveau communautaire, dans les secteurs monétaire,
industriel, énergétique agricole et des services,
de façon à mettre au point des politiques destinées
à contrer la récession et à rétablir
l'equilibre au niveau régional, et à réorienter
les dépenses sociales au nom de l'efficacité et
de la solidarité,
–
attirant l'attention sur le plan décennal des Nations
Unies 1975 - 1985, visant à améliorer la condition
de la femme qui a été réexaminée et
actualisée par la conférence de Copenhague de juillet
1980,
–
considérant que les propositions suivantes servent d'orientation
à la réalisation des droits de la femme, ces propositions
seront soumises à une discussion approfondie dans les commissions
parlementaires respectives.
Quelles
sont ces propositions ?
Il
s'agit d'abord de complèter les directives sur l'égalité
de rémunération, l'égalité devant
la sécurité sociale, mettre en œuvre une politique
favorisant :
–
Les possibilités de la femme ainsi que de l'homme de combiner
leurs tâches familiales et professionnelles,
–
L'amélioration de la participation de la femme à
la vie politique, économique et sociale et l'extension
de sa participation à l'activite de production,
–
L'élimination de toute discrimination juridique au niveau
de la société et de la famille, ainsi que la garantie
de l'égalité juridique des femmes, en leur reconnaissant
des droits propres et non plus des droits dérivés,
–
La mise en place de services sociaux et l'adoption de toute mesure
susceptible de mettre fin au partage actuel des rôIes dans
la société et la famille en fonction de sexe, et
de favoriser une répartition équitable des tâches
et des responsabilités entre hommes et femmes,
–
L'égalité des chances des femmes pour l'accès
à la formation et à l'activité professionnelle,
–
La protection de la santé de la femme, en accordant une
attention particulière au droit à une maternité
librement choisie et responsable, ainsi qu'au droit de l'enfant
à bénéficier dès avant sa naissance
du soutien de la société,
–
L'amélioration de la situation des femmes immigrées,
des femmes travaillant dans l'entreprise familiale et des femmes
des regions rurales peu peuplées,
–
L'instauration dans le secteur du travail, remunéré
d'une plus grande variété de temps de travail, ce
qui offrirait aux travailleurs masculins et feminins un large
choix de tâches à temps partiel :
*
l'accès des femmes aux nouvelles technologies,
*
la représentation équitable des femmes,
*
une meilleure adaptation du système éducatif à
la condition feminine,
*
la possibilité d'assurer "une maternité responsable",
est l'une des caractéristiques principales du nouveau rôle
de la femme ; est toutefois sur que, compte tenu du niveau actuel
des connaissances scientifiques en matière de régulation
des naissances et des risques présentés par les
moyens anticonceptionnels usuels, d'une part, et des conditions
économiques, culturelles et psychologiques, d'autre part,
cette possibilité est loin d'etre pleinement garantie,
*
invite la Commission à mettre sur pied un programme interdisciplinaire
de recherche visant les objectifs ci-après :
- coordination et promotion des travaux de recherche actuellement
menés en vue d'acquerir de nouvelles connaissances en matière
de conception et de méthodes de contraception masculine
et féminine (en accordant une attention particulière
aux méthodes naturelles), sur le plan de leur efficacité
et des effets secondaires physiologiques et psychologiques des
méthodes actuellement employées,
- coordination et promotion des expériences et des enquêtes
relatives à la situation actuelle et aux perspectives en
matière d'éducation sexuelle des jeunes et des adultes,
ainsi qu'en matière de consultation conjugale et familiale
;
Le
Parlement :
–
déplore que, le nombre des avortements pratiqués
en vue de limiter les naissances, ne cesse de s'accroitre et que
:
*
d'une part, dans les pays ou n'existe pas de législation
sur l'interruption volontaire des grossesses, les avortements
clandestins restent la règle, entraînant souvent
pour les femmes (et leur santé physique et psychologique)
de graves conséquences,
*
d'autre
part, dans les pays où existent des législations
dans ce domaine, il y a souvent insuffisance d'eéquipements
speécialisés et qu'il peut se manifester la tendance
à considérer l'avortement comme une pratique normale
et, en soi, suffisante à résoudre les problemes
de
la femme.
–
constate néanmoins que les dispositions en cette matière
sont si différentes d'un État membre à l'autre
que les femmes en détresse sont très souvent obligées
de chercher assistance dans d'autres pays et invite la Commission
à insister auprès du Conseil pour que des décisions
soient prises au niveau national afin, d'une part, de rendre superflus
ces voyages qui empêchent toute assistance sociale et conduisent
à une commercialisation inacceptable et, d'autre part,
pour que toute femme en difficulté puisse être assurée
d'obtenir l'assistance nécessaire dans son propre pays
;
- estime toutefois
que l'avortement ne saurait etre considere que comme un dernier
recours,
–
invite la Commission à mettre sur pied un programme permettant
de réduire le nombre des avortements, notamment par :
* une information appropriée dispensée en temps
opportun aux jeunes,
*
un éventail large et judicieux de contraceptifs fiables,
* la reconnaissance à part entière du parent isolé
et des moyens supplémentaires pour les parents de familles
nombreuses,
* des mesures judicieuses en ce qui concerne les garderies d'enfants
;
Ce
qu'il importe de savoir, c'est que ce texte reprend pour l'essentiel
un rapport du à Mme WAIJ-GEGGEN, PPE des
Pays Bas...
Débats
du Parlement Européen séance du 10 février
1981 p. 40 :
La
Commission ad hoc s'est également penchée
sur la question de l'avortement. On ne saurait passer sous silence
un problème qui touche chaque année des centaines
de milliers de femmes. Des enquêtes ont montré que,
dans les pays où l'avortement n'est pas règlé
par la loi ou reste absolument interdit, il y a toujours de nombreux
avortements clandestins, ayant de graves conséquences pour
les femmes qui y recourent. Si, dans certains cas, il existe des
dispositions légales en la matière, elles sont à
ce point divergentes que les femmes sont, bien souvent, amenées
à chercher à l'étranger l'aide dont elles
ont besoin. Aussi, invitons-nous la Commission à insister
auprès des États membres, pour qu'ils prennent des
mesures, d'une part, pour éviter ces voyages forcés
à l'étranger qui rendent très difficile une
assistance sociale et donnent lieu à une commercialisation
inacceptable, et, d'autre part, pour que toutes les femmes en
difficulté puissent bénéficier de l'aide
nécessaire dans leur propre pays. L'accent devrait être
mis à cet égard, sur la prévention et sur
l'infrastructure sociale qui, à ma connaissance, laissent
à désirer dans de nombreux pays. La résolution
plaide aussi en faveur d'une amélioration et d'une harmonisation
des réglementations nationales relatives aux congés
familiaux : congés de maternité, congés parentaux
et congés accordés en cas de maladie des enfants.
Certains États membres appliquent dans ce domaine des reéglementations
très détaillées, qui vont dans un sens positif,
tandis que d'autres respectent très peu les normes minimales
de l'O.M.S. et de l'O.I.T.
On notera que le Représentant du Conseil des Ministres
(NL, PPE) se garde bien de répondre sur ce sujet et l'orateur
du PPE (Melle LENZ CDU) n'évoque à aucun moment
le problème de l'avortement autrement qu'en affirmant :
«
(...) Nous représentons dans nos pays des traditions
religieuses, éthiques et culturelles qui ne peuvent et
ne doivent pas être nivelées. Ces questions relèvent
essentiellement de la compétence la plus authentique de
chacun de nous, de notre responsabilité en tant que citoyen
et pour nous, démocrates-chretiens, elles relèvent
certainement aussi de notre responsabilite en tant que chrétiens.
Il faut que des solutions soient trouvées à ce problème
qui compte parmi les problèmes humains les plus délicats
et qui ne doit pas être un problème concernant seulement
les femmes. Cela est hors de doute. C'est pourquoi nous appuyons
toute intention qui doit permettre de prendre au sujet de la maternité
une décision responsable. Sans meconnaître que notre
société subit de profondes modifications –
cela, je tiens aussi à le constater –, nous voudrions
que des mesures positives soient renforcées (...) ».
La
seule opposition au rapport émane de M. VIE
(dem. européens de Progrès - gaullistes) :
«
(...) Je suis désolé de dire à Mme Maij-Weggen,
dont je sais le travail considérable qu'elle a consacré
à ce rapport, qu'à mon avis ce document est mauvais.
Ce document est mauvais dans la forme et dans le fond.
Mauvais dans la forme, d'abord, c'est à peine un rapport,
c'est un fourre-tout, c'est le caddie familial du supermarché
du samedi ; on y trouve de tout, l'utile et l'inutile, l'indispensable
et le superflu, le gadget et le nécessaire. On a l'impression
que le rapporteur a voulu mettre des défenseurs à
chaque créneau. Veuillez excuser cette comparaison guerrière,
mais le rapport lui-même a quelque connotation belliqueuse,
parlant à plusieurs reprises d'oppression, terme que je
n'apprécie pas beaucoup.
Le problème de l'homme et de la femme, c'est qu'ils restent
différents en assumant pleinement leur dualité.
Chaque époque modifie la façon dont on éiprouve
la satisfaction d'être. La nôtre – c'est heureux
ou non, mais là n'est pas la question – inclut souvent
le travail dans cette satisfaction. Moins souvent peut-être,
si l'on en croit les sondages, que ne veulent faire croire les
modes intellectuelles. C'est un fait, de toute manière,
et le seul problème important n'est pas le droit de la
femme au travail, c'est le droit d'être femme dans une civilisation
fortement marquée par des tâches industrielles. Ce
qui n'est pas du tout la même chose, et même pratiquement
le contraire. L'organisation de notre Communauté doit aider
la femme à etre, dans toute sa liberté d'être.
La participation au monde du travail est importante pour cette
liberté, mais elle n'est qu'accessoire par rapport à
l'objectif premier. En caricaturant à peine, le rapport
de Mme Maij-Weggen ne donne à la femme son identité
de femme qu'à partir du moment ou sa capacité de
production est égale à celle de l'homme. »
Notons
que Mme GAIOTTI de BlASE, Démocrate Chrétienne
italienne n'hésitera pas eIle à mettre les pieds
dans le plat :
« L'existence d'un désaccord profond, maIgré
les ententes réalisées sur tant de points, s'est
manifestée en particulier sur la question de l'avortement.
Notre rapporteur, désireuse de vouloir représenter
toutes les tendances, a estimé neécessaire de faire
figurer dans son
rapport la question de l'interruption volontaire de la grossesse.
D'autres membres de mon groupe ont justement relevé –
ou le feront bientôt – un aspect particulier, c'est-à-dire
la question de conscience que soulève ce problème.
Je voudrais exprimer mes réserves, en me fondant sur la
place que cette question occupe dans la stratégie féministe
et dans les compétences communautaires.
»
Elle
precise : « L'avortement n'est pas tant la marque
d'un refus de maternité que l'effet d'une angoisse due
à cette conception exigeante, astreignante et excessivement
absorbante que nous avons de la maternité. Nous avons réduit
le rapport mère-enfant, qui, dans le passé, étant
considéré de façon globale dans les grandes
familles, à un rapport isolé et séparé
de la dépendance réciproque peut créer un
sentiment d'esclavage réciproque et une réaction
de refus. »
Elle
est suivie par un député irlandais (p 69) :
« Je tiens cependant à dire que, comme l'a
déclaré Dame Shelagh Roberts, toutes les femmes
mariées ne tiennent pas à aller travailler à
l'extérieur. J'ai d'ailleurs été assez étonné
de constater que dans un document aussi complet qui comprend 55
paragraphes, la commission ad hoc ne propose aucun plan ni ne
fasse aucune recommandation concernant une rémunération,
un salaire, un paiement ou une compensation à attribuer
à la ménagère qui reste à la maison,
crée une famille et s'en occupe. Il me semble que nous
consacrons beaucoup de temps à
prendre des initiatives et à faire des recommandations
en vue d'éviter la création de la famille, mais
que nous ne nous occupons pas assez de prendre des dispositions
pour la ménagère aimant son foyer, qui, ayant crée
une famille, devrait être encouragée à rester
à la maison et a s'en occuper.
La société irlandaise, en particulier, a dans le
passé attaché un prix extrême à la
présence de la mère au foyer et continue à
le faire. Je reconnais cependant entièrement que nous connaissons
des temps de changement et que les jeunes femmes elles-meêmes,
d'un côté, et les circonstances économiques,
de l'autre, provoquent un changement capital à cet egard.
En tant qu'Irlandais, je tiens à dire clairement que je
suis opposé aux recommandations concernant la santé.
Le paragraphe 35 me gêne également où le rapporteur
déclare qu'il peut se manifester la tendance aà
considerer l'avortement comme une pratique normale. Je crois que
le fond de la section consacrée à la santé
consiste à considérer l'avortement comme une pratique
normale et à encourager les autres à le traîter
comme tel, et c'est pourquoi j'y suis opposé. Je suis,
en outre, opposé à une résolution qui invite
la Commission à insister auprès du Conseil pour
qu'il prevoie des équipements pour l'avortement au niveau
national dans chacun de nos États.
Je
crois qu'il est malheureux que le rapport de Mme Maij-Weggen,
qui est au demeurant si complet, ne dise rien, comme je l'ai signale
précédemment, de la mère qui souhaite rester
à la maison et y travailler, et ne prévoie rien
pour l'encourager à agir de la sorte. J'estime que
la section sur la santé doit être séparée
du reste. J'aimerais demander au rapporteur qu'il la retire de
la résolution à ce stade. »
Et
ce sera une autre deputée irlandaise qui rappellera en
vain (p. 85) :
« Nous estimons au sein du Groupe des démocrates
européens de progrès, que la Commission n'a pas
la compétence pour traiter de telles manières et
n'a pas le droit de proposer l'harmonisation des législations
en matière de contraception et d'avortement dans les États
membres. Étant donné que ces problèmes sont
exclusivement une affaire de conscience, chaque État membre
est en droit d'adopter un point de vue différent en fonction
de son passé culturel et éthique. Les décisions
en de telles matières doivent être laissées
aux parlements et gouvernements nationaux ».
Le Parlement a adopté la résolution du rapport de
Mme Maij-Weggen, par 173 voix contre 101 et 24 abstentions, en
y apportant peu de modifications. Il a conservé, en particulier,
le texte initial concernant l'I.V.G. Il a notamment rejeté
l'amendement de Mme Gaiotti de Biase et autres, au nom de P.P.E.,
qui visait à supprimer toute référence à
l'.I.V.G., celui de M. Vie, qui niait toute compétence
à la Communauté dans ce domaine ; mais aussi celui
de Mme VAYSSADE, qui demandait à la Communaute « d'exiger
des États membres un rapprochement de leur législations »
dans ce domaine. Enfin, le Parlement a adopté le texte
initial qui décide la dissolution de la commission ad
hoc pour les droits de la femme et sa reconstitution dans
deux ans, afin d'organiser un nouveau débat parlementaire.
Mais
l'on notera qu'en octobre 1981, le groupe PPE ne dénoncera
pas les propositions de Mme Maij-Weggen, mais se contentera de
rejeter toute proposition qui tendrait à élargir
l'avortement, maIgré les remarques de certains parlementaires
belges, italiens ou luxembourgeois. Mais le problème ne
sera pas réglé pour autant, et à plusieurs
reprises, des députés socialistes ou verts, demanderont
une directive généralisant l'I.V.G. Certes, le 14
avril 1988, un député italien appelait l'attention
de la commission sur l'avortement.
« Des quotidiens de toute l'Europe ont récemment
fait état du problème que pose en Angleterre le
nombre sans cesse croissant d'avortements pratiqués sur
des immigrées asiatiques qui veulent ainsi éviter
la naissance de bébés du sexe féminin, considérés
comme inutiles en ces temps de crise économique. S'il est
vrai que ce phénomène s'inscrit dans la tradition
classique de certaines communautés asiatiques installées
dans ce pays, qui considèrent la femme comme un être
inférieur à l'homme et ayant un moindre droit à
la vie, il trouve néanmoins des complicités dans
les hôpitaux publics et dans les cliniques privées.
La Commission n'estime-t-elle pas que ce phénomène
est notamment incompatible :
– avec la Déclaration universelle des Droits de l'Homme
(1948),
– avec les résultats de la commission d'enquête
sur la montée du racisme et du fascisme en Europe ?
»
Le
Président DELORS répondit que ce
n'était pas de la compétence de la Commission.
Le
Parlement revint sur le problème en 1990 à l'occasion
de 2 questions orales contradictoires de Mme VAYSSADE
(PS) et de Mme LEHIDEUX (Droite Européenne).
Cooney
(PPE) : « Monsieur le Président, la manière
dont chacun d'entre nous aborde ce débat est prédéterminée
par sa position au sujet de l'avortement. Qu'il me soit permis
de dire d'entrée de jeu et sans équivoque, que je
suis opposé à l'avortement parce qu'il s'agit d'un
meurtre perpétré comme un être humain déjà
en vie. Tel est le point de vue du groupe du Parti populaire européen
et il est partagé par des dizaines de millions de citoyens
de la Communauté. Les gens d'en face ne sont pas du même
avis et, bien que je respecte avec tristesse leur point de vue,
je ne parviens pas à comprendre au niveau des sentiments
et de la logique le schéma de l'argumentation qu'il avance.
L'un de nos collègues du Parlement européen a adopté
5 enfants. Il ne s'agit pas d'enfants non desirés, il s'agit
d'enfants adoptés. L'aîné d'entre eux est
suffisamment âgé pour s'indigner que quelqu'un puisse
défendre l'idée selon laquelle sa vie et celle de
ses quatre frères et sœurs aurait pu être avortée.
Puisque dans le cadre de ce débat nous ne changerons pas
nos points de vue respectifs, il nous reste à examiner
les motions déposées devant le Parlement. »
Mais la Commission precise la position par la voix de Mme Papandreou
:
Papandreou,
membre de la Commission (GR),
« Monsieur le Président, la question à
laquelle ont fait allusion les honorables parlementaires est particulierèment
grave et personnellement, je ne partage pas les opinions qui ont
été exprimées. Je pense bien-sûr que
les femmes doivent avoir le droit de décider si oui ou
non elles désirent interrompre une grossesse. Il est vrai
qu'il existe un problème démographique au sein de
la Communauté, mais si de nombreux agents semblent en être
conscients, les gouvernements,
quant à eux, donnent l'impression de moins s'en préoccuper.
Toutefois, le problème démographique ne peut pas
être résolu en imposant des mesures coercitives d'accroissement
de natalité. Il sera résolu lorsque les États
membres prendront les dispositions nécessaires pour permettre
aux femmes de concilier leur carrière avec
leurs devoirs de mère. Le problème ne pourra pas
être résolu en imposant à ces femmes des enfants
dont elles ne veulent pas. C'est un fait
que le nombre d'avortements dans les pays membres de la Communauté
est élevé. Le chiffre mentionné par Mme Randzio-Plath
est très au
deça de la réalité. Il existe des données
pour les pays membres de la Communauté où l'avortement
est autorisé, d'après lesquelles les avortements
représentent jusqu'a 37 % des naissances. Il n'existe toutefois
pas, d'après ces éléments, de relation absolue
ou même relative entre les avortements et les naissances.
C'est-à-dire, que l'on ne peut pas affirmer que là
où l'avortement est autorisé, le nombre de naissances
est plus élevé. Je déplore moi aussi la situation
existant dans certains États membres, tels que l'Irlande,
l'Irlande du Nord et la Belgique. L'assemblée nationale
belge toutefois est déjà en train de débattre
d'une loi proposée par le gouvernement, visant à
autoriser l'interruption de grossesse. »
Et Mme Papandreou est confortée par un deputé socialiste
neerlandais, Mme Van Hemeldonck :
« Il est clair que le changement le plus radical sans
doute qui soit intervenu dans la vie de la femme a été
justement la maitrise de la fécondité et les droits
de l'enfant. C'est précisément
parce que notre société attache une si grande importance
à l'enfant que nous souhaitons que tous les enfants soient
des enfants désirés et donc que les femmes en âge
de procréer reçoivent des informations sur le planning
des naissances, de façon à pouvoir disposer librement
des moyens et à éviter que des grossesses non désirées
puissent survenir. Si une grossesse non désirée,
susceptible d'avoir des conséquences graves pour la santé
physique ou psychique de la femme, se produit maIgré tout,
ou encore si l'on n'a pas les moyens permettant d'accueillir l'enfant
dans la société et d'en assurer l'epanouissement
de façon à en faire un être équilibré,
la grossesse doit pouvoir être interrompue dans l'interêt
de la femme, de l'enfant et de la société. »
En
définitive, que retenir de ces débats ?
Depuis
1979, les partisans de l'avortement ont fait bloc soutenus par
une partie de la droite,non seulement les libéraux, mais
aussi les membres du PPE.
On notera au passage le silence des démocrates chrétiens
français : en dehors du R.P.R. et du F.N., les seuls démocrates
chrétiens à avoir lutté contre l'avortement
ont été en bloc les Irlandais, la majorité
des Belges, des Italiens et des Allemands.
Tout
cela explique la position du Parlement européen. Il est
vrai que si le Saint-Siège a pris les positions que l'on
sait, on aimerait connaître combien de députés
catholiques élus comme démocrates chrétiens
et ayant voté en faveur de l'avortement, ont été
excommuniés par leurs évêques ?
Le
combat ne fait que commencer. Faudra-t-il que Ià aussi
on suive le modèle américain où la Cour Suprême
devant l'augmentation des législations anti-avortement
dans de nombreux États a modifié la jurisprudence
ou même le modèle canadien, puisque sous la pression
des États protestants et de la Fédération,
la Chambre des Communes d'Ottawa a profondément modifié
la législation et pris des mesures pour freîner l'avortement.
Faudra-t-il
en appeler à la Cour de Justice de la Communauté
pour violation de la Convention Européenne des Droits de
l'Homme ?
François-Georges
Dreyfus
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, 2 mars 1991 |