Mesdames,
Messieurs,
Il
ne m'appartient pas de revenir sur tout ce qui a été
dit ici, excellemment, et que je partage du double point de vue,
celui de la morale dans le respect du fondement même de
notre civilisation : le respect de la personne et donc le respect
de la vie, celui de la science lorsqu'elle se place au service
de la morale puisque l'analyse démographique de la France
comme de l'Europe souligne à la fois la dénatalité
et le vieillissement dont nous sommes frappés en raison
de carences qu'il nous faut impérieusement contribuer à
remplacer par un élan de vie.
"Une
stratégie pour le parlement", voici très précisément
l'objet de mon intervention. J'insiste sur le "très
précisément" car le témoignage que je
me propose de vous apporter est celui d'une forme de militantisme
pour la vie qui n'est nullement exclusif des autres formes de
militantisme : je tiens en effet, d'une part à souligner
la nécessité du rôIe des associations et publications
commes celles ici rassemblées, d'autre part à vous
inviter à davantage d'audace dans l'action de soutien ou
de critique à l'égard des élus, élus
locaux comme élus nationaux. Action directe et permanente
auprès des élus locaux dans la mesure où
les associations peuvent jouer un rôIe grandissant dans
la vie de la Cité et ou nous pouvons obtenir des résultats
tangibles dans le domaine, par exemple, de la fiscalité
locale.
Action
d'analyse et de vigilance, voire de soutien moral, auprès
des élus nationaux, voire européens, qui connaissent
une forme de combat très particulière avec des règles
et a fortiori des usages singulièrement hermétiques
à la compréhension du grand public.
En
clair, donc, ce n'est pas parce que je vais évoquer la
stratégie propre au parlement qu'il nous faut amodier ou
atténuer l'action essentielle menee au sein de vos associations.
Au
parlement, l'on est obligé de "faire avec". Faire
avec la situation présente de la Loi, faire avec le but
d'éviter l'échec qui marginaliserait la validité
de notre action, faire avec l'objectif – fut-ce par étapes
– de faire prévaloir le principe sacré du
droit a la vie et du respect de celle-ci.
La
stratégie que j'ai déployée à partir
de 1986 a été, tout d'abord, de tenter de mettre
la majorité R.P.R.-U.D.F. de l'époque devant ses
responsabilités à partir de l'opposition qu'elle
avait marquée en 1982 devant la Loi ROUDY établissant
le principe du remboursement de l'avortement à caractère
non thérapeutique. Pour ce faire, j'ai constitué
un groupe d'action parlementaire. En
effet, indépendamment de leur participation à l'une
des Commissions permanentes de l'Assemblée Nationale –
la Commission des Affaires Etrangères en ce qui me concerne
– les députés sont invités à
se regrouper dans des Groupes d'Amitié (avec des pays étrangers)
et dans des Groupes d'Études (sur les sujets les plus divers)
; assuré du concours actif de députés du
Front mais également du R.P.R. et de l'U.D.F. unis pour
cette cause sacrée, j'avais demandé en juillet 1986
l'agrément d'un "Groupe d'Étude parlementaire
pour favoriser l'accueil de la Vie". C'est en octobre que
je me voyais signifier par le Bureau de l'Assemblée le
refus de l'agrément. demandé le jour oùétaient
agréés le "Groupe d'Études sur la truffe"
(sic) et celui sur la protection animale. Bien évidemment,
je n'ai pas cédé et mon groupe s'est donc développé
"hors agrément", l'agrément lui ayant
été d'ailleurs refusé à nouveau en
octobre 1987. Afin de développer ce groupe non agréé,
j'ai déposé avec l'amicale complicité de
mon ami Hector ROLLAND, député
R.P.R. très "indépendant" qui alla même
jusqu'à
retirer sa clé de son pupitre pour éviter que son
groupe
ne le fasse voter n'importe comment en son absence) un certain
nombre de propositions de loi, en particulier dans les domaines
de l'avortement et de l'adoption. La première proposition
de loi réussit à rassembler 92 signatures, la sixième
et dernière 192 signatures. Autrement dit –
ce qui justifia l'ire de Mme BARZACH et de M.
SÉGUIN – c'est l'évidence
ainsi apportée par mes soins que le Gouvernement, dans
le domaine de la Famille, était minoritaire par rapport
à sa propre majorité, puisque la majoritié
de sa propre majorité avait apposé sa signature
derrière la mienne sur une proposition de loi qui, par-delà
son contenu, reconnaissait de facto la nécessité
de l'union R.P.R.-U.D.F-F.N. sur un sujet aussi essentiel que
l'accueil de la vie.
Pour
des raisons évidentes de tactique, la première proposition
de loi que j'ai déposée sous l'égide de ce
groupe d'Études parlementaires demandait la suppression
du remboursement de l'avortement non thérapeutique afin
de reprendre les engagements formels de l'opposition de 1982 contre
la loi ROUDY. À plusieurs reprises, le Gouvernement tenta
de remettre à plus tard la discussion parlementaire sur
ce sujet mais, le 6 décembre 1986, ne put se dérober
au dépot de mon amendement reprenant la proposition de
loi. Le Gouvernement fit alors usage de l'article 44-3 de la Constitution
(vote bloqué) pour empêcher que la démonstration
ne soit faite de ce qu'il aurait eu besoin des voix de la gauche
et de l'extrême gauche pour repousser notre amendement comme
cela avait été le cas en 1975 pour la loi VEIL (votée
grâce à la gauche). Le vote sur l'ensemble du budget
(nous refusions les crédits affectés au remboursement
de l'avortement) ne fut acquis par le Gouvernement qu'avec 5 voix
de différence, ce qui prouve que 3 voix inversées
auraient eu pour eifet la mise en minorité du Gouvernement.Durant
la législature, la proposition, cependant forte de 92 signatures,
ne sera jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée,
et par quatre fois, face à des amendements déposés
par nos soins, le Gouvernement fera usage du vote bloqué
: une façon de se dérober en utilisant le forceps
de l'exécutif sur le pouvoir législatif.
À
défaut d'avancer dans la remise en cause du dérapage
législatif qui avait abouti à la loi VEIL puis à
la loi ROUDY, et préoccupé de maintenir la cohésion
de ce groupe d'études que j'avais
constitué, j'ai alors déposé une proposition
de loi demandant de revenir sur l'expression "Interruption
volontaire de grossesse". En effet, pour quiconque se montre
soucieux du bon usage de la langue
française, une telle expression est impropre puisqu'un
interrupteur électrique sert à éteindre et
à rallumer la lumière et je ne vois pas que l'on
puisse "rallumer" une grossesse "interrompue"
: j'ai donc deposé une proposition de loi demandant que
ce terme impropre soit remplacé par "avortement volontaire"
ou "cessassion volontaire de grossesse" ; détail
croustillant
le jour où Libération reproduisait ma proposition
de loi en titrant, avec son elégance coutumière
« l'IVG, c'est du petit nègre pour le FN »,
je recevais de nombreuses lettres de félicitations de membres
de l'Académie Française, dont celle du Président
Léopold Sedar Senghor.
Je
vous ai indiqué tout à l'heure que mon groupe d'études
avait rassemblé, pour sa première proposition de
loi, fin 1986, 92 signatures de parlementaires. Mon objectif
était bien évidemment d'accroître ce nombre
afin de tendre vers celui d'une majorité absolue de parlementaire
! et donc de contraindre le premier ministre de l'époque
à revenir sur ses positions malheureuses.
Mon
objectif était également, et ceci ne vous surprendra
pas, de combattre la loi VEIL par une tactique de contournement
susceptible de recueillir le soutien du plus grand nombre de parlementaires.
D'où
ma proposition de loi réservant la possibilité d'un
consentement prénatal à l'adoption, par opposition
au choix de l'avortement. Cette proposition que j'ai déposée
reposait sur un double constat :
1°) l'avortement signifie un constat d'échec dramatique
pour toute femme consciente qui a cru devoir recourir à
cette extrémité, et il faut donc l'aider à
retenir l'alternative de la Vie, même si elle connaît
des obstacles pour conserver son enfant, obstacles qu'il faut
nous efforcer de lever, grâce à la solidarité
nationale à rétablir en faveur des familles françaises.
2°)
Il y a dix fois plus de demandes d'adoption que d'enfants français
adoptables, et les familles se voient contraintes d'adopter bien
souvent des enfants étrangers ou de refuser l'adoption.
La proposition de loi que j'ai déposée et qui a
reçu 192 signatures (c'est-à-dire le plus grand
nombre de signatures de députés de la législature)
proposait d'offrir à ces jeunes femmes en détresse
l'alternative de la vie à celle de l'avortement, l'enfant
ainsi sauvé pouvant faire le bonheur d'une famille d'accueil
si la mère ne marquait pas, dans les trois mois suivant
la naissance, sa décision de conserver son enfant. Bien
sur, l'objectif à terme étant d'aider dans toute
la mesure du
possible cette jeune femme à conserver son enfant grâce
au principe de la préférence familiale. Ainsi seraient
sauvés chaque année, plus de 200 000 enfants français.
En
dépit du soutien de la totalité des députés
du F.N. et de la majorité des députés du
R.P.R. et de l'U.D.F., le gouvernement a refusé l'inscription
à l'ordre du jour de cette proposition de loi majeure.
Je lui ai offert le choix de la Vie : il a opté pour le,
choix de la Mort.
Afin
de mieux vous faire percevoir la spécificité du
combat législatif, j'ai tenté de vous faire participer
au cheminement d'une stratégie pour la vie entre 1986 et
1988. Tout d'abord avec la tentative de dégagement d'un
sujet aussi crucial des stériles clivages politiciens,
puis par la constitution d'un groupe de pression au sein du parlement
qui, des 33 députés de mon groupe est passé
à 92 députés fin 1986 pour aboutir à
200 députés au début 1988. Stratégie
également de contournement des obstacles lorsqu'ils ne
peuvent être franchis de face devant une situation de
blocage comme celle que j'ai connue fin 1986 pour abroger la scandaleuse
loi ROUDY, j'ai recherché d'autres angles d'attaque. Quant
au résultat de cette action que j'ai menée au parlement,
je dois vous dire qu'en dépit du fait que, paradoxalement,
mon groupe d'études ait été par la suite
agréé par une chambre majoritairement de gauche,
j'ai été frustré de la victoire que nous
étions en droit d'attendre ; en effet, si l'Assemblée
n'avait pas été dissoute à la mi 1988, et
assuré du soutien ,de 200 députés, il ne
m'en restait que 85 à conquérir pour revenir sur
les dérapages législatifs que nous avons connus
en matière de politique de la vie et de politique familiale
tant sous les différents gouvernements libéraux
que socialistes.
Je
me suis attaché également, dans le cadre de mon
groupe parlementaire, à proposer ou défendre d'autres
propositions de loi et amendements sur lesquels je ne m'étendrai
pas mais que je citerai pour mémoire :
–
La proposition de loi sur l'instauration d'un revenu maternel
que je fus le premier à déposer et qui est, aujourd'hui,
reprise par ceux-là memes qui n'hésiterent pas à
joindre leurs voix à la gauche pour la rejeter.
–
La proposition de loi de mon ami Christian BAECKEROOT
relative aux facilités d'accession aux logements sociaux
en pleine propriété par les familles nombreuses
françaises.
–
La proposition de loi de mon ami Guy HERLORY
demandant que soient retirés de l'assiette des personnes
physiques les salaires versés aux aides familiales et ménagères.
–
La proposition de loi de mon ami Bruno GOLLNISCH
relative au seul véritable suffrage universel, c'est-à-dire
le vote familial offrant aux parents la prise en compte des suffrages
dont leurs enfants mineurs sont actuellement privés.
–
L'amendement, enfin, par lequel j'ai demandé que les mères
de familles, désireuses de reprendre une activité
professionnelle après une absence consacrée à
l'éducation de leurs enfants, puissent bénéficier
des mêmes avantages de recyclage et de réinsertion
que les chômeurs de longue durée.
Vous
dire que toutes ces propositions furent repoussées par
l'ensemble des autres groupes parlementaires ne vous surprendra
pas.
Enfin,
je me suis attaché à établir des liens avec
d'autres assemblées parlementaires dans ma volonté
de reconquête de l'esprit de défense de la vie dans
les enceintes parlementaires,
généralement beaucoup plus promptes à glorifier
l'avortement sous le couvert fallacieux de la défense des
droits de la femme, et même, le cas échéant,
de l'homme. J'ai donc établi des contacts fructueux avec
les parlements nationaux de Grande-Bretagne, d'Allemagne et, plus
récemment, de Belgique. En particulier j'ai organisé
courant 1988 un colloque franco-allemand pour l'accueil de la
vie qui avait reçu une délégation de membres
du Bundestag porteuse d'un message de soutien du Chancelier d'Allemagne
Fédérale. Et je m'efforce toujours, actuellement,
dans le cadre de l'Association Renaissance-Vie, de préserver
ces relations outre frontière, car l'Europe que nous voulons
tous construire, c'est l'Europe de la Vie et non celle du déclin
et de la mort.
Par
la volonté de certains qui privilégient l'hédonisme
au détriment de la foi en l'avenir, par la lâcheté
des autres qui craignent pour leur situation momentanément
établie, toute cette action a été brisée
net en 1988. Certes mon amie Christine BOUTIN
a repris le flambeau de ce groupe d'études parlementaires,
et a mené un combat tout fait remarquable contre le RU
486 et les dérapages dits de "bioéthique".
Mais le contexte n'est pas du tout le même et il n'y aurait
pas à présent de possibilité mathématique
de majorité. Ceci ne doit cependant surtout pas nous empêcher
d'apporter notre soutien moral aux tres rares députés
qui continuent ce combat avec persévérance.
Sur
le fond, ce qui a manqué à la majorité de
1986-1988 en matière de politique de la vie et de politique
familiale, c'est à la fois un budget et une volonté
politique.
Le
budget, elle aurait pu le dégager, car il n'est pas d'investissement
plus justifié et plus productif que celui de la vie ;quant
à la volonté politique elle a été
l'attribution par M. CHIRAC du ministère
de la Famille à Madame BARZACH.
Ma
conclusion est limpide, mes chers amis, autant je vous demande
d'établir un pacte de confiance avec les parlementaires
qui défendent le droit à la vie, autant je vous
demande de dénoncer ceux qui trahissent le fondement même
de notre civilisation chrétienne qui repose sur le respect
de la personne et donc de la vie.
Le
test est simple : chaque année, en octobre-novembre, lors
de la loi de Finances, est revotée l'attribution chiffrée
des fonds destinés au remboursement de l'avortement. Il
n'y a aucunE confiance à accorder à quel que parlementaire
que ce soit qui refuse de défendre un amendernent qui aurait
pour objet d'affecter ces fonds à une autre destination
comme, par exemple, l'aide au: mères en détresse.
Ma
conclusion, votre conclusion – devrais-je dire – est
de fair élire une majorité qui aurait la volonté
politique de rompre ave le cycle infernal de la mort et qui s'inscrirait
dans un perspective hardie de renaissance.
Michel
de Rostolan
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, 3 mars 1991 |