Le
logement est indispensable pour la vie familiale et l'heureuse
éducation des enfants, mais, hélas, il est cher
et il est l'objet de spéculations en particulier dans les
villes d'activité économique soutenue et dans les
régions au climat agréable. On assiste, en particulier,
du fait du chômage, à l'exclusion de nombreuses personnes
qui perdent la possibilité de se loger, et l'on connaît
le cercle vicieux : pas d'argent, donc pas de logement, donc pas
moyen de trouver du travail, donc pas d'argent. D'où, en
conséquence une clochardisation massive dont le métro
parisien donne le spectacle, mais aussi une mise en échec
de la maternité.
Nos
antennes SOS Futures Mères savent
en effet que le manque de logement est un facteur fréquent
d'avortement. Elles savent aussi, qu'après avoir soutenu
à bout de bras, pendant neuf mois une femme enceinte,
il arrive que l'enfant soit retiré à la mère
par l'aide sociale à l'enfance et placé en pouponnière.
Laissez-les-Vivre
ne saurait donc rester indifférent et sa revendication
se place à deux niveaux :
1°) Une revendication pour les sans logis, les handicapés
de notre siècIe de fer.
2°) Et une revendication pour que les familles integrées
dans les circuits économiques normaux ne soient pas les
parents pauvres des célibataires ou des familles sans enfants.
POUR
LES SANS LOGIS
Notre
mouvement proclame que, dès la conception d'un enfant,
celui-ci ouvre droit pour sa mère ou sa famille à
un minimum vital logement. Ceci est nécessaire pour lui
pour qu'il vive avec sa mère et aussi la société,
en raison de l'état piteux de notre démographie.
Ajoutons que l'élevage en pouponnièrest onéreux
et, hormis des cas exceptionnels, moins humain que l'élevage
en famille.
C'est
l'occasion de stigmatiser le malthusianisme, cette doctrine qui
prétend que les pauvres ne devraient pas avoir d'enfants,
doctrine qui nous heurte, mais que régit souvent la pratique
sociale.
Or, pour les familles sans logis, le Code de la Famille et de
l'Aide sociale préconise surtout des centres d'hébergement
et ne prévoit ni droit au logement ni aide au logement.
On
sait qu'une loi de 1976 a institué pour la future mère
dans le besoin un complément de ressources pour parent
isolé à partir de la déclaration de grossesse
et pour une durée de trois ans, mesure que nous approuvons
même si nous considérons qu'elle n'a été
prise que pour apaiser nos critiques à la loi Veil. On
notera avec satisfaction que si la femme dispose d'un logement,
l'allocation n'est pas diminuée de la valeur locative de
celui-ci et que si la femme est logée chez ses parents,
elle peut toucher l'allocation. Mais, si la femme est sans logis,
le montant de l'allocation ne lui permettra que rarement de payer
un loyer et, si elle en trouve un, il est illusoire de croire
qu'elle pourra recevoir l'allocation logement, puisque cette dernière
ne vient aider que des gens spacieusement logés.
Je
pense ainsi qu'une mini allocation devrait être instituée
dans ce cas. Peut-être toutefois, comme il ne faut pas encourager
la paresse, ne serait-il pas injustifié de prévoir
dans ces cas une tutelle.
Le
même droit, assorti de tutelle, me paraît justifié
à l'égard des familles qui touchent des secours
à l'enfant au titre des articles 150 à 155 du Code
de la Famille et de l'aide sociale à l'enfance. Accessoirement,
enfin, nos SOS connaissent un autre
souci, celui des coupures d'électricité pour non-paiement
des factures. Certes, l'Électricité de France
est en droit d'être payée, mais la coupure de courant
est une mesure coercitive trop brutale : elle empêche toute
vie familiale. En Belgique, le mauvais payeur voit poser sur son
compteur un petit système qui le contraint à des
économies d'électricité : il peut chauffer
un biberon, avoir quelques demi-heures de lumière. Ce système
a des vertus éducatives. Sans doute devrions-nous nous
joindre à la campagne de plusieurs associations caritatives
contre ces coupures d'électricité.
Pour
que les familles, intégrées dans les circuits économiques
ne soient pas appauvries par leurs problèmes de logement,
des mesures très diverses ont été appliquées
ou pourraient l'être.
Nous
proposerons six remarques :
1°) La politique des H.L.M. a eu ses heures de gloire. Elle
a résorbé avec retard, certes, la crise du logement
des années 50 conséecutive au "baby boom"
de 1947. Mais aujourd'hui, le parc H.L.M. relativement vétuste,
appelle des fonds, en particulier par l'accession à la
propriété. Nous y reviendrons.
2°) L'allocation logement est un facteur de progrès,
puisqu'elle n'est donnée que si des normes de surface et
de confort existent. On devine que ces normes pourraient n'être
plus atteintes si la famille s'aggrandit, mais heureusement, le
législateur a donné, depuis longtemps, un délai
de quatre ans pour démenager et a prévu une prime
pour le déménagement fait pendant ce délai.
3°)
Ceci nous amène à la maison évolutive, cette
maison qui s'aggrandit à mesure que des enfants naissent,
puis s'amenuise à mesure que, devenus grands, ils quittent
leurs parents. S'agit-il d'une utopie ? Pas tout à fait,
mais il faut distinguer deux cas :
Tout d'abord la maison à surface fixe où, lors de
la conception architecturale, on a disposé le gros œuvre
de telle façon qu'une pièce supplémentaire
soit facile à faire, soit en mordant sur le séjour,
soit en redisposant les cloisons. Mais aussi des expériences
d'extension du logement aux depens d'un voisin. A vrai dire, ces
expériences n'ont concerné que des parcs locatifs
de grande capacité de type H.L.M. Encore faut-il remarquer
que la gestion de ces parcs locatifs est difficile : il faudrait
placer côte à côte une famille dont on devine
qu'elle va s'aggrandir et une famille qui a de grands enfants.
4°)
Mais la cherté du logement reste le problème principal.
C'est elle qui conduit les familles à rechercher deux salaires
avec les inconvénients qui en résultent pour les
enfants. De ce fait, tout ce qui apporte de l'argent aux familles,
même si ce n'est pas une prestation spécifique au
logement, est favorable pour le logement et donc pour la construction.
Je voudrais signaler, à titre accessoire, la suggestion
du Maire de Tours, M. ROYER, de livrer aux jeunes ménages
des logements inachevés, charge au mari bricoleur de terminer
la salle d'eau.
5°)
La tendance actuelle à l'accession à la propriété
ou à la construction de maison individuelle remet en vedette
la suggestion que nous preconisions à Strasbourg en 1973,
d'instituer des prêts dont les remboursements soient allégés
à chaque naissance. Le Front National s'y est
essayé en 1987, avec une proposition de loi qui préconisait
des prêts aux couples mariés, sans conditions de
ressources, mais avec des prix plafonds pour la construction ou
l'achat de logement ou l'aménagement de logements anciens.
Ces prêts comportaient un différé d'amortissement
à chaque naissance, d'autant qu'une prime familiale de
logement était prévue à chaque naissance
et versée à l'organisme prêteur. Le montant
de cette prime égal à 15 % du S.M.I.C. annuel pour
la première naissance, à 30 % pour la seconde et
à 50 % pour la troisième était tel que dans
de nombreux cas. La dette se serait éteinte avec la 3ème
naissance. Le coût de cette proposition, qui est de 30 milliards
de francs, ne serait pas excessif, en raison des retombées
démographiques et économiques de ces mesures.
6°)
Les municipalités, enfin, ont un rôIe à jouer
à travers le plan d'occupation des sols, afin de freiner
la spéculation et de livrer des lotissements viabilisés,
en vue de la construction individuelle.
Dr
Pierre Vignes
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, 3 mars 1991 |