Au
lendemain de l'attentat, et avant que la police judiciaire ne
développe son enquête, Laissez-les-Vivre
SOS Futures Meres s'interroge sur les mobiles de ceux qui
ont réalisé, ou suscité ce lâche attentat,
un attentat qui a bien failli tuer quelques-uns des nôtres,
des jeunes en particulier, et qui pouvait exposer la vie de plus
de 20 voisins, car l'escalier ou se propageait l'incendie et la
déflagration dessert six logements et abrite une conduite
de gaz heureusement faite de métal non fusible.
Les
auteurs de cet attentat avaient-ils mesure ces risques et calculé
les enjeux recherchés ? Mais quels étaient
au juste leurs objectifs ? Terroriser ? A coup sur,
oui, mais dans quel but ?
Nous
provoquer à des excès ? A la sauvagerie, aux
attaques verbales excessives qui discréditent ceux qui
les profèrent? A Dieu ne plaise, nous gar-derons notre
contrôle et nous éviterons de soup-çonner
tel ou tel, tant que des indices certains ou une enquête
judiciaire n'auront pas désigné les vrais coupables.
Peut-être
aussi les poseurs de bombe ont-ils voulu détourner de nous
ceux de nos adhérents qui hésitent à aller
jusqu'au bout de leurs convictions et il percevoir notre action
comme un vrai combat contre les forces du mal. Mais au fil des
années, la plupart de ces adhérents ont déjà
pris leurs distances.
Aucune
de ces motivations n'est donc parfaitement crédible, d'autant
que l'attentat, s'il nous inflige une plaie d'argent, ne paralyse
en rien notre action et nous donne, pour la première fois
une ouverture positive dans la presse écrite et radio-phonique.
C'est sans doute que les motivations des poseurs de bombe doivent
être repensées dans un contexte beaucoup plus large.
n n'est pas impensable qu'en remettant l'avor-tement sur le tapis,
les poseurs de bombe n'aient visé qu'à diviser l'actuelle
majorité qui cherche à éluder nos problèmes
pour cacher son apparente désunion.
Or,
notre Mouvement avait été le premier, dès
1971, et en particulier dans des brochures, à souli-gner
les effets pervers du malthusianisme, lesquels inquiètent
de plus en plus la population, ainsi qu'en témoigne un
récent sondage d'après lequel 79 % de la population,
à droite comme à gauche, attendrait des mesures
pour le troisième enfant, mesures que le gouvernement remet
à plus tard, comme si elles devaient diviser ses états
majors ou indisposer les forces cachées qui le conduisent.
Mais
une autre considération apparait au grand jour. L'attentat
suscite autour de nous de nombreuses sympathies, à commencer
par des voi-sins, pourtant lésés quelque peu par
l'explosion.
La
presse n'est pas hostile. Oui, il existe une très large
fraction du pays qui, en prenant moins de risques que nous, n'est
pas fâchée de nous voir sur la brèche. Beaucoup
de personnes, ou d'associa. tions préconisent de près
ou de loin, les valeurs de la famille, ou la vérité
chrétienne, ou la tradition judaique, et si elles n'ont
pas toujours l'impardonnable "impudeur" de citer l'avortement
comme un crime, ne sont pas fâchées de nous entendre
dénoncer cette violence anonyme contre le plus fragile
des êtres. On nous félicite de telle ou telle déclaration,
mais en secret. En secret, car la discrétion autour de
l'avortement est organisée. Il est interdit d'en parler,
et finalement nous gênons beaucoup de gens, car nous posons
le vrai problème.
Nous
gênons, mais c'est tant mieux, car l'avortement ne doit
pas rester une institution intangible n'en déplaise
à M. Barre n'en déplaise au malthusianisme
anglo-saxon, au socialisme international, voire au communisme
chinois ou stalinien, sans oublier le Grand Orient de France ou
la Grande Loge ?
Nous
sommes pour le progrès, pour la vérité, pour
le droit à la vie, premier de tous les droits qui conditionne
tous les autres. Notre détermination ne sera pas compromise
par une explosion terroriste devant notre porte palière.
P.
VIGNES
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, mai 1986
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