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HISTORIQUE DE LAISSEZ-LES-VIVRE – SOS FUTURES MÈRES



Psychoprophylaxie pratique de l'avortement
IMPRIMERCommunication des Drs François et Michèle Guy au Congrès de Versailles

L'avortement constitue, en lui-même, à nos yeux, un geste inacceptable. Aucun motif, quel qu'il soit, ne peut permettre à quiconque de décider de la vie et de la mort d'un être humain, fut-il à son commencement. Ceci posé, il est non moins nécessaire de reconnaître que l'avortement n'est souvent que la conséquence d'une situation difficile, d'un conflit que nous devons prendre en charge, pour rendre possible une action préventive efficace, que ce soit au niveau des individus ou des Sociétés.

I. – FONDEMENTS PSYCHOLOGIQUES

La revendication abortive actuelle est le résultat d'une lente évolution des mentalités ; dont les causes sont multiples et complexes, conscientes ou non.

A) Nous devons prendre conscience de cette évolution des mentalités qui s'est produite en dix ans.

– La campagne pour la contraception s'est ouverte en France sur le slogan : « La contraception fera disparaître l'avortement clandestin » (1961) et Mme Valabrègue écrivait alors : « La confusion des esprits est telle que pour certains le développement du Planning familial en France équivaut à une campagne pour la liberté de I'avortement ».

Dix ans après, le Congrès du Comité médical de l'I.P.P.F. (International Planned Parenthood Federation) en Yougoslavie, étudie l'avortement comme méthode de contrôle des naissances.

– Cette évolution de la contraception à l'avortement s'est fait, semble-t-il, en trois étapes : l'avortement réparation où l'interruption de grossesse n'est considéré que comme une solution de secours pour réparer un échec de contraception. L'avortementcontraception où il apparaît comme une méthode de contraception somme toute plus facile à appliquer que les autres et enfin, l'avortement-libération, où il devient, dans l'exercice d'une sexualité sans contrainte, la protection efficace contre "l'esclavage de la procréation"...

B) Les motivations apparentes pour un avortement se dégagent peu à peu et servent de support aux campagnes d'opinion :

a) A l'échelle d'un pays : ce sont les arguments démographiques et le mythe de la surpopulation galopante que la contraception n'a pu enrayer, les arguments sanitaires (il s'agit de sauvegarder la santé physique ou morale des populations : d'éviter les naissances trop rapprochées, les complications des avortements clandestins, les dégâts psychologiques des viols, incestes, etc.) ou les arguments financiers (poids pour la nation des handicapés et des improductifs...).

b) A l'échelle des individus : c'est l'ensemble des "indications" de l'avortement :

– indication dites "médicales" (assez imprécises surtout lorsqu'il s'agit des motifs d'ordre psychiatrique) ;

– crainte des malformations, dont on amplifie volontiers la fréquence et les conséquences ;

problèmes socio-économiques d'un couple stable ou d'un couple temporaire ressources, santé, mariage impossible, équilibre conjugal précaire, etc.

Toutes ces motivations sont valables en soi, expriment parfois des situations inextricables, apparemment, mais il faut le reconnaître, assez systématiquement (de façon consciente ou non) dramatisées : ce qui était accepté autrefois est aujourd'hui une catastrophe – sans compter les pressions de la société – du milieu de vie ou de travail (dévalorisation de l'enfant, de la famille, respectabilité), etc.

C) Les problèmes réels sous-jacents nous semblent mériter une analyse plus complète – quoique plus difficile – puisqu'ils sont le point de départ même de toute recherche et de toute action valable.

L'écoute attentive des personnes dans le cadre d'une aide, de quelque type que ce soit, montre la complexité, les contradictions – les ambivalences – de la plupart des situations au-delà des schémas simplistes, que véhicule l'opinion : comme celui, par exemple, de la satisfaction sexuelle totale, partagée, permanente que donne, à tout coup, l'exercice libéré de toute contrainte, d'une sexualité déculpabilisée...

Ces problèmes apparaissent à l'occasion de quelques remarques :

a) La contraception a échoué (chacun le reconnaît) non pas du fait des méthodes mais à cause du manque d'adhésion profonde à l'idée même de contraception.

b) La sexualité sans contrainte ne rend pas automatiquement les gens plus heureux. Ce qui est trop facile à obtenir n'a plus d'intérêt : notre temps cherche ailleurs (drogue, violence, etc.) la part de risque et d'imprévu que la sexualité n'offre plus.

c) Le paradoxe, la contradiction sont en nous : nous faisons tout pour préserver notre intégrité, écarter ce qui nous menace, les indésirables (l'opinion réclame, disent les sondages, la peine de mort pour les assassins et l'indulgence pour les avorteurs qui éliminent les enfants non désirés).

Mais nous sommes en même temps pleins d'idées généreuses (bébés phoques, etc.). Agressivité et altruisme sont sans cesse en opposition au fond de nous-mêmes, et l'équilibre ne sera jamais totalement acquis.

L'avortement n'échappe pas à cette loi, et même, s'il paraissait totalement justifié et accepté, il pourrait être suivi d'un sentiment aigu de culpabilité dont les manifestations extérieures prendront les aspects les plus variés : Simone de Beauvoir, après avoir écrit qu'un avortement "hante" définitivement celle qui l'a fait (le "Deuxième Sexe", page 298), milite pour sa libération (appel des 343, etc.).

d) L'ambivalence vis-à-vis de l'enfant est aussi évidente : iI est refusé, et l'on voudrait sa disparition mais aussi désiré, aimé, et attendu : chacun le sait bien, qui peut constater ce double mouvement, bien après la naissance, à propos de ceux qui nous touchent de près.

Mais il ne s'agit pas seulement dans le cas de la grossesse, de réaction consciente d'acceptation et de refus, mais d'une réalité : la "pulsion de reproduction" (Freud) force considérable, quoique inconsciente, inséparable de la sexualité qu'elle sous-tend – même si notre temps s'efforce de la nier – explication possible, entre autres, de la résistance à la contraception dont chacun reconnaît la force.

Il faut admettre la réalité de cette "dichotomie névrotique" (Mme Ravault d'Allones) entre procréation et sexualité : la mise en valeur de l'aspect relation interpersonnelle de la sexualité est un aspect extrêmement positif des recherches actuelles : mais le privilégier, et nier l'aspect procréation entraîne, semble-t-il, plus de problèmes qu'il n'en résout ?

e) Le handicapé est refusé non pas tellement pour lui-même ("il sera malheureux" dit-on) que parce qu'il est pour les gens – dits – normaux, objet de dégoût et de crainte.

f) Dans le couple, l'avortement apparaît souvent plus comme un refus du conjoint responsable de la grossesse que comme celui de l'enfant lui-même. Celui-ci s'annonce au moment où le couple se désagrège, ou l'immaturité affective des deux partenaires rend impossible l'idée d'un lien durable, d'un enfant, par exemple... De telles situations sont rarement débrouillées par l'interruption de grossesse ! qui amène souvent après elle de nouveaux problèmes.

g) Au niveau des nations, il faut admettre l'influence de multiples facteurs (mouvements passionnels, intérêts financiers, orientation politique...) qui peuvent jouer dans la modification des mentalités collectives, vis-à-vis de l'enfant, du couple...

h) Dans les liens entre les nations, se cache souvent, sous des apparences humanitaires, la crainte de voir se développer telle ou telle nation, ou s'accroître le poids de l'aide économique éventuelle : on veut faire disparaître ceux qui menacent notre intégrité nationale, notre standing de vie, ou qu'il serait trop coûteux d'aider à vivre. ("Birth Control, a plan Io Kill the negroes" disent les Jamaicains.)

Toutes ces remarques, ces nuances, ne sont, en aucun cas des arguments à opposer à ceux qui viennent solliciter une interruption de grossesse. Ce serait là une erreur psychologique colossale. Elles ne servent qu'à souligner la complexité du problème, complexité dont il faut tenir compte pour définir une réelle "psychoprophylaxie pratique" de l'avortement.

II. - COMMENT FAIRE LA PSYCHOPROPHYLAXIE PRATIQUE DE L'AVORTEMENT ?

La question se pose à l'échelle des personnes et des nations : chacun s'orientant selon ses goûts et compétences dans l'une ou l'autre voie.

A) A l'échelle des personnes. - A partir des cas concrets, c'est-à-dire des personnes directement concernées : et non pas de ceux qui, loin des problèmes, n'y voient trop souvent qu'une occasion de débats intellectuels, plus ou moins passionnés. L'expérience montre que la situation est, évidemment bien différente selon que la question est posée avant l'avortement, ou si l'on en parle après son déroulement!

I. Avant l'avortement.

Couple temporaire ou couple constitué, jeunes ou moins jeunes, "marginaux", ont comme facteurs communs : la solitude, l'angoisse, l'impossibilité de comprendre, d'assumer psychologiquement ou matériellement cette situation imprévue. Que faire pour eux ?

Apporter une présence, amicale et accueillante, compréhensive, contre leur solitude.

Permettre d'exprimer la situation : écouter, laisser parler, faire préciser tel ou tel point, poser des questions...

Pour aider à dégager les éléments essentiels : qui demande l'avortement ? Comment est vue cette grossesse ? Qu'en pense l'entourage ? La famille ? Quelles seraient les conséquences sur le plan du travail, du logement..., etc. ?)

Apporter bien souvent une information d'ordre biologique (sur le développement de l'enfant depuis la fécondation, mais aussi sur ce qu'est l'avortement : noircir le tableau a souvent l'effet inverse de celui qui est escompté mais le consultant doit cependant connaître la vérité), physiologique (l'accouchement), ou pratique (aide à la maternité, crèches, maisons maternelles, adoption, etc.).

– Éviter les mots qui condamnent, dédramatiser, aider à clarifier la situation pour une décision qui de toute façon sera celle de l'interlocuteur et non la nôtre mais qui aura d'autant plus de chance d'être en faveur de l'acceptation de l'enfant que notre interlocuteur se sera senti accueilli par nous.

– Ne pas hésiter à exprimer notre propre conviction si la question est posée. Le faire avec le respect de l'autre (et de nous-mêmes !) Combien sont venus nous remercier qui venaient chercher un support à leur conviction défaillante.

– Proposer d'autres rencontres...

ll. Après l'avortement.

Pourquoi vient-on nous voir ? Parce que l'interruption de grossesse n'a pas tout résolu ! La situation est délicate et l'attitude vraie plus difficile encore à trouver, peut-être.

– Nous serons interrogés sur des troubles du comportement sexuel (frigidité, impuissance) sur les signes les plus variés d'une mésentente qui s'installe dans le couple. Ceci traduit sans doute à la fois le regret de la grossesse interrompue ("je l'aurais bien gardé") un sentiment de culpabilité qu'il ne s'agit pas d'écarter de façon simpliste, mais de comprendre, ou de rancoeur vis-à-vis de celui qui est rendu responsable de l'avortement (le partenaire, les parents, la société...)
Nous serons interrogés sur des problèmes de fécondité ultérieure (angoisse d'une stérilité possible, de crainte d'une nouvelle grossesse), etc.

lll. Pratiquement.

Au niveau des personnes, la psychoprophylaxie, à nos yeux :

– n'est pas d'abord une condamnation ;

– mais un effort de compréhension de la situation réelle ("du vécu") de l'interlocuteur : l'avortement étant l'aboutissement d'une situation et non voulu pour lui-même ;

– situation qui n'est pas seulement celle de la femme mais d'un couple (fixe ou non) dans un contexte donné ;

– la psychoprophylaxie n'est pas une réponse à une demande d'approbation ou d'aide précise (donnez-moi une adresse) mais la recherche du plan où se trouve la demande réelle (un appui contre la solitude... ou même un refus de l'avortement !) ;

– il faut créer une relation, favoriser un dialogue, obtenir un délai qui permette de réfléchir ;

– tout cela demande du temps, de la compétence il faut connaître la question, savoir ce qu'est une relation d'aide et ses mécanismes, et travailler en équipe (avec contrôle et supervision : seule façon d'éviter les erreurs et un traumatisme psychologique personnel trop important.)

B) A l'échelle de la collectivité

Comment empêcher la dissémination de la "maladie-avortement" dans une population ? puisque, par définition, c'est cela la prophylaxie.

Que faire ? d'abord, être lucide : « Ce sont les insuffisances de la Société qui font poser le problème de l'avortement » (Jean Vanier). Par conséquent :

a) ll faut changer les mentalités !

– prendre conscience du conditionnement dont nous sommes les objets (radio, presse), l'enfant est devenu un agresseur, la famille nombreuse une erreur ;

– sans pour autant chercher à en créer un autre. II faut « non pas suggestionner mais instruire » (Alfred Sauvy), éviter de dramatiser à l'excès un débat qui l'est déjà assez, par lui-même !

– être les artisans d'un dialogue, d'une réflexion authentique, permanente, avec chacun.

b) Comment ? dans deux directions :

informer, de façon claire, objective, adaptée à l'auditoire, sur les problèmes biologiques, psychologiques, démographiques, les dispositions légales (adoption, maisons maternelles), définir une véritable éducation sexuelle qui soit une préparation à la prise des responsabilités de l'adulte.
Remettre en lumière les valeurs positives essenti:lles (la famille, l'enfant, la stabilité du couple, etc.) redécouvertes à partir des fondements psychologiques mêmes de la vie familiale (qui bien souvent, reconnaissons-le, viennent confirmer et renforcer telle ou telle option philosophique ou religieuse !) ;

– agir sur les structures et, en particulier sur celles qui sont responsables de la mentalité collective : politique de l'information, familiale, politique du logement, de l'emploi, de l'éducation, aide aux défavorisés de toutes espèces, entraide internationale, etc., etc. Tout ceci, quelle que soit notre champ d'action immédiate, nous oblige à élargir considérablement notre réflexion, à faire peut-être des choix politiques, à préférer les investissements bénéfiques pour l'homme aux investissements de prestige et de guerre. Chacun se trouve ainsi interrogé !

CONCLUSIONS

Que faut-il faire ? A nos yeux, ne pas nous évader dans le confort rassurant de spéculations théoriques, mais nous mettre dans le concret de la situation actuelle. Le problème est posé en France et il semble difficile de dire, aujourd'hui, comment il sera résolu. En toutes hypothèses, nous devons nous considérer d'abord comme mobilisés pour travailler à retrouver le sens de la vie humaine, le lien entre procréation et sexualité, à remettre en valeur le lien conjugal, la structure familial ?
Saurons-nous être des artisans de dialogue et de réflexion ? Accepterons-nous de paraître des utopiques, sans cesser d'être pleins de confiance dans l'avenir et de sérénité ?

Drs François et Michèle GUY

N D L.R. - Les Docteurs François et Michèle Guy, poursuivent une action éducative irremplaçable auprès des foyers sur l'ensemble des problèmes conjugaux. "Laissez-les Vivre" tient à leur exprimer la gratitude et la sympathie chaleureuse du Mouvement et de ses dirigeants.

© Laissez-les-Vivre – SOS Futures Mères, novembre 1971 

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