Nous
laisserons cette fois-ci la parole à une de nos antennes
"S.O.S. Futures Mères". La responsable vient
de nous adresser le récit que vous trouverez ci-dessous
et que nous transcrivons fidèlement pour vous ;
Nous
l'appelerons Monique. Elle a 21 ans ; elle fréquente
une école commerciale dont elle suit la troisième
année de cours. Un soir de novembre, elle quitte la classe,
et prend comme d'habitude, le car qui la conduit dans la banlieue,
et la dépose à deux kilomètres du domicile
de ses parents. Ensuite elle fait la fin de son trajet à
pied.
Ce
soir-là, à peine descendue du car, une voiture s'arrête
à son niveau, et la portière s'ouvre : « Tu
montes, Monique, on te ramène chez toi. »
Elle reconnaît deux anciens copains de classe, du temps
où elle fréquentait le C.E.S. Aussi, monte-telle
sans méfiance avec eux.
Bien
vite, elle s'aperçoit qu'ils ne prennent plus la direction
de la maison de ses parents. « Où me conduisez-vous ? »
crie-t-elle, surprise. Des ricanements lui répondent ;
bientôt, la voiture stoppe à l'entrée d'un
petit bois. Les deux complices font descendre Monique de force ;
ils la frappent sur la tête, et l'un d'eux abuse d'elle ;
l'autre ne peut y parvenir, tant elle se débat. Ils l'abandonnent
alors. Elle n'est pas extrêmement loin de chez elle, et
rentre à pied.
Cest
l'ainée de quatre enfants; son père est un malade
chronique ; sa mère a heureusement une assez bonne
situation ; mais, sur elle repose toute la charge morale
et financière de la famille. Alors Monique ne veut pas
l'inquiéter avec cette histoire.
Mais
dans les jours suivants, elle a des troubles digestifs, son teint
jaunit. Le médecin consulté diagnostique une hépatite
virale (!) II prescrit quelques semaines de repos.
Monique
reprend ensuite ses cours jusqu'au jour où elle remarque
une enflure de ses jambes. Elle consulte à nouveau son
médecin qui constate une grossesse de trois mois.
Que
faire ? Une interruption légale de grossesse n'est
plus possible. Qu'à cela ne tienne ! Le médecin
propose de l'avorter chez lui, mais étant donné
l'âge de la grossesse, ce sera un millions d'anciens francs.
Monique refuse : « D'abord, je n'ai pas le
million, et puis... j'aime les enfants ! »
Rentrée
chez elle, elle met enfin sa mère au courant de tout. Celle-ci
lui conseille de s'adresser à "S.O.S. Futures-Mères".
Elle
écrit donc une première lettre à "S.O.S.
FM." disant notamment : « Je suis sans ressources,
à la charge de mes parents ; ma mère accepte
de me garder jusqu'à la naissance de l'enfant, mais elle
ne veut pas que je le ramène à la maison. Je viens
seulement de déclarer ma grossesse et je ne connais pas
les droits auxquels je peux prétendre... Je vous demande
de bien vouloir m'aider, car je suis complètement désemparée. »
Un
rendez-vous lui est aussitôt fixé, et quelques jours
plus tard, nous rencontrons cette jeune fille, assez grande, simple
et naturelle, très sympathique. Le plus pressé consiste
à faire les démarches auprès de la Caisse
d'Allocations Familiales, pour toucher les prestations prénatales,
malgré le retard de déclaration. Puis nous revoyons
à plusieurs reprises Monique. Et c'est au cours de ces
entretiens qu'elle nous raconte les détails de son aventure...
C'est
avec quelque difficulté que l'on trouve une nourrice qui
veuille bien garder l'enfant à venir, entièrement,
la nuit et les week-ends.
Monique
a le temps de réussir ses examens de fin d'étude
commerciales ; mais bébé s'annonce aussitôt,
et rien n'est encore préparé pour sa naissance.
Vite, on fournit lavette et landau. La nuit suivante, une jolie
petit fille vient au monde...
Monique
est courageuse ; comme elle n'a pas d'argent d'avance, elle
accepte d'abord un travail manuel durant un mois, avant d'être
placée par son école comme secrétaire de
direction. Elle nous fait part de tout cela dans une longue lettre
épanouie : « C'est libre de soucis de
toutes sortes que je vous envoie de mes nouvelles... La Directrice
de mon école m'a trouvé un emploi stable... vous
pensez comme je suis contente... Stéphanie est une belle
petite poupée avec des joues rebondies comme un ballon
de football. La nourrice est très maternelle et s'en occupe
bien.
Voilà ce qu'il en est de ma situation. Elle s'est beaucoup
arrangée et vous y avez beaucoup contribué. Je crois
que je ne vous remercierai jamais assez pour toute l'aide que
vous m'avez apportée, surtout le réconfort moral
important... »
Et
puis, au début de cette année, nous recevions de
Monique une nouvelle lettre : « ... Je viens
vous offrir mes voeux les meilleurs, ainsi qu'aux vôtres.
Stéphanie est encore bien petite pour vous souhaiter la
bonne année, mais si elle pouvait parler, elle vous dirait
sa joie d'avoir bientôt un gentil papa qui l'adore et l'aimera
comme sa propre fille. Je viens de me fiancer le premier janvier,
et je me marierai cet été. »
Monique
n'est-elle pas plus heureuse que si le traumatisme d'une violence
avait été suivi de celui de la mort de son bébé
à naître ?
Un
S.O.S. Futures Mères de province
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, mai 1978
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