La
proposition de loi Peyret a soulevé dans toute la France une vague
d'indignation. Petit à petit les autorités et associations ont
pris publiquement position, les unes avec prudence, les autres
avec énergie.
L'une
des premières réactions est venue du Conseil national de l'Ordre
des Médecins.
Le 29 octobre 1970, il rédigeait pour la presse professionnelle
un communiqué de dix pages où il appelait notamment que « le
respect de la vie humaine est le premier principe de notre morale
médicale. C'est sur lui que reposent la condamnation de l'avortement,
de l'euthanasie, de l'imprudence thérapeutique, de l'expérimentation
sur l'homme, et la nonacceptation du suicide. Le respect de la
vie humaine et de la personne humaine est aussi la grande idée
de notre civilisation ». Cependant, les auteurs
du communiqué, après avoir estimé que « l'avortement
thérapeutique devrait disparaître » constatent
que les médecins qui enfreignent la loi sont de moins en moins
poursuivis, et qu' « une fraction de l'opinion ne
considère plus que le ftus ait la valeur d'un être humain ».
Le
texte s'élève contre le "droit à l'avortement". « Nous
sommes là, dit-il, très loin de la légitime défense authentique.
La légalisation de l'avortement est réclamée en tant que moyen
d'éviter des naissances indésirables... Cette demande est irrecevable.
Elle apparaît en vérité une solution de facilité qui élude
les devoirs de l'individu et de la société. Les solutions
doivent être trouvées ailleurs. »
C'est
bien l'avis, évidemment, de l'Association "LAISSEZ-LES VIVRE"
dont le seul but est de promouvoir ces solutions. Mais nous ne
pouvons suivre les étranges conclusions que l'Ordre apporte à
des jugements si fermes. II admet en effet " que des médecins
puissent estimer en conscience un avortement légitime lorsque
la mère voit sa vie menacée non pas dans l'immédiat, mais à une
échéance plus ou moins lointaine " Tout enfant, par les fatigues
et les soucis qu'il lui cause, abrège d'une certaine faon la vie
de sa mère : le meilleur conseil que pourrait nous donner
l'Ordre des Médecins serait donc de tuer tous les enfants à
l'état d'embryon ou après leur naissance pour éviter à
leur mère une diminution de vitalité. Mais, au fait, ne serait-il
pas plus simple d'éviter la conception de l'enfant ?
Pourtant,
après cette faiblesse, vient un sursaut salutaire. « Nous
éprouvons quant à nous le besoin de dire que nous refusons un
droit des individus, femme ou couple, à obtenir sur demande l'avortement,
pas plus qu'un droit de la société à refuser la vie, quel que
soit le critère. » Après ce principe absolu, succède
la suggestion d'un nouvel article 38 du Code de Déontologie
médicale « laissant la possibilité d'une Interprétation »,
et permettant la pratique de « l'interruption de
grossesse dans un certain nombre de cas ».
Les
rédacteurs du communiqué ont-ils conscience de son incohérence ?
Ou bien se sontils partagé la besogne, chacun étant chargé de
rédiger un paragraphe selon ses convictions personnelles ?
II semble plutôt que l'autorité médicale tente de se substituer
à l'autorité et des parents et de l'État. Si l'Ordre des Médecins
refuse le droit des indi vidus et le droit de la société dans
un tel domaine, c'est finalement parce qu'il considère que la
science médicale est le fondement du droit à la vie la
vie des autres évidemment. Cette ambition n'est d'ailleurs pas
dissimulée. « La sagesse, dit le même communiqué,
serait de ne pas légiférée... et de laisser le corps médical
prendre ses responsabilités. » On sait où les hommes
de l'art mèneraient notre société si un tel pouvoir leur était
reconnu.
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, 1971
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