La
loi positive est inséparable d'une sanction appropriée, et il
ne sera jamais possible de réprouver un acte sans condamner pour
cet acte la personne qui le commet en toute connaissance de cause.
Les
dimensions du Droit ne peuvent être réduites à la zone incertaine
du souhait ou du vœu, qui ne sauraient toucher que les consciences
droites. L'expérience des praticiens rejoint, ici, celle des moralistes,
l'homme, le citoyen, n'est pas naturellement bon, la vie quotidienne
persuaderait plutôt du contraire.
La
sanction pénale, loin d'être un troisième drame qu'il faudrait
éviter, non seulement dans le cas de l'avortement, mais dans tous
les cas d'infraction, pour être logique avec soi-même, n'est pas
moins nécessaire au coupable auquel on ouvre ainsi la voie de
l'amendement et parfois de la conversion, qu'à la paix sociale
profondément troublée par l'acte délictueux. La loi pénale est
en réalité inséparable d'un jugement de valeur que tous, et pas
seulement les adeptes d'une Foi, sont invités à respecter, à partager
et à défendre.
Par
la lumière insoutenable enfin que son application projette sur
le délabrement du contexte moral et social contemporain, elle
nous impose de travailler d'un même coeur à l'instauration d'une
société plus juste et plus humaine.
Voilà
pourquoi tous ceux qui avec nous sont convaincus que l'avortement
provoqué est un meurtre, affirment à bon droit qu'il doit nécessairement
être réprouvé et sanctionné comme tel.
Ainsi
apparaît l'inestimable valeur de la loi répressive. Rien ne peut
justifier l'immolation d'un innocent : l'examen objectif des circonstances
atténuantes ne doit jamais faire oublier que le drame, dans tous
les cas, commence par un assassinat.
L'exemple
affreux de la torture montre jusqu'où peut aller une morale des
cas. En définitive, comme toutes les infractions, l'avortement
volontaire doit être réprimé par la loi pénale, avec la possibilité
pour le Juge d'individualiser la peine.
Mais
que la plaie sociale enfin découverte trouve désormais devant
elle non plus le refus et la honte du silence et du meurtre, mais
bien le coeur qui donne et la main qui sauve.
François
Delibes
© Laissez-les-Vivre
– SOS Futures Mères, novembre 1971
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