Monsieur
le Président,
Par
lettre du 28 mars n° 34 838, vous avez bien voulu me faire
connaître que vous aviez lu avec attention ma lettre relative
à la politique familiale et que celle-ci serait une des
priorités du gouvernement au cours des prochains mois.
Vous
précisez que vous partagez « notre souci
de ne pas donner à la mère qui ne travaille pas
le sentiment qu'elle est inutile à la société ».
Mais vous ajoutez que le « libre choix implique
une attitude non discriminatoire à l'égard de la
femme qui travaille par rapport à celle qui ne travaille
pas ».
Je
suis d'accord avec vous sur le fait qu'il ne faut pas opposer
les mères qui restent à leur foyer pour s'occuper
de leurs enfants et se consacrer entièrement à leur
éducation et les mères qui travaillent à
l'extérieur et qu'il faut leur assurer la liberté
de choix mais ce libre choix sera-t-il assuré par l'attribution
d'un complément familial unique quel que soit le statut
professionnel de la mère ? Notre mouvement ne le pense
pas.
En
effet, alors que le complément familial s'ajoutera pour
la mère qui travaille à son salaire et aux avantages
qu'elle retire des équipements collectifs, crèches,
garderies, cantines scolaires... il ne compensera pas pour la
mère qui veut rester à son foyer pour élever
ses enfants, la perte de ressources qui résulte pour son
foyer de la suppression de son salaire.
Et,
dans les foyers aux faibles ressources, la mire ne pourra profiter
du congé de mère que vous voulez, avec juste
raison, instituer, faute de ressources suffisantes.
Sous
une apparence de fausse égalité, le complément
familial augmenterait encore l'inégalité de traitement
que fait notre société à la mère qui
veut se consacrer entièrement à l'éducation
de ses enfants.
Loin
d'être neutre, comme on le prétend, le complément
familial poussera les mères, souvent contre leur gré,
à aller travailler à l'extérieur et aggravera
la ségrégation inadmissible entre les mères
engagées dans la vie économique et les mères
de famille restées au foyer qui remplissent cependant un
rôle social et économique au moins aussi important.
Dans
le projet gouvernemental, la discrimination est encore accentuée
par le fait que le plafond de ressources prévu pour l'attribution
de ce complément est plus élevé pour les
foyers dans lesquels rentrent deux revenus professionnels que
pour les foyers où il n'y en a qu'un seul.
Les
Associations familiales catholiques, tout en étant opposées
au plafond de ressources, estiment que, s'il doit y en avoir un,
il devrait au moins être identique pour tous, et s'il devait
y avoir une différence, elle devrait plutôt exister
dans l'autre sens en raison des subventions versées aux
équipements collectifs dont bénéficient surtout
les mères qui n'élèvent pas personnellement
leur enfant et qui toucheraient ainsi deux fois...
Tout
en estimant que le complément familial ne résoudra
ni les problèmes des mères qui travaillent à
l'extérieur, ni ceux des mères qui restent au foyer
et que ces problèmes ne pourraient être résolus
que par un véritable statut social de la mère, les
A.F.C. demandent :
que
le taux majoré soit accordé à toutes les
familles ayant un enfant de moins de trois ans ou trois enfants,
dans lesquelles ne rentre qu'un revenu professionnel.
que
le complément familial évolue en fonction des
salaires moyens.
que
le complément soit égal au demiS. M.I.C. pour
les familles de 5 enfants au moins, et ceci sans plafond de
ressources.
que
toutes les mères qui restent au foyer pour s'occuper
d'un enfant de moins de trois ans ou de trois enfants, acquièrent
des droits à la retraite, et que la retraite soit
accordée à toutes les mères qui, dans le
passé, ont rempli ces conditions. Cette charge pourrait
être financée par le milliard et demi qui est versé
chaque année à la Caisse d'Allocations Familiales
à la Caisse Vieillesse et qui n'est pas utilisé
présentement, pour servir des retraites aux mères
de famille.
Les
Associations Familiales Catholiques souhaitent que soit mise à
l'étude, pour être appliquée dés le
1"janvier 1978, l'institution d'un statut social de la
mère de famille qui accorde à la mère
qui consacre son temps à l'éducation de ses enfants,
un salaire maternel et des droits sociaux propres, et à
celle qui travaille à l'extérieur des aménagements
et des conditions de travail qui lui permettent d'interrompre
son travail aux périodes d'intenses activités maternelles
ou de continuer à travailler à temps partiel pour
assumer néanmoins ses fonctions éducatives.
Les
A.F.C. attachent aussi une très grande importance à
un relèvement très substantiel des allocations familiales
qui permette un rattrapage du niveau de ces allocations par rapport
aux salaires. Les excédents des Caisses d'Allocations Familiales
permettraient d'accorder un réajustement de 20 % dès
maintenant.
Dans
l'espoir que vous retiendrez ces remarques et suggestions dans
le plan de 12 mois que vous établissez, je vous prie d'agréer,
l'assurance de ma haute considération.
Le
Président National
Louis Reverdy
© Laissez-les-Vivre
– SOS Futures Mères, octobre 1977
|