POUR
UNE JUSTICE PLUS HUMAINE
Notre
société française a le plus grand souci des
détresses humaines et désire épargner à
chacun les traumatismes inhérents aux rapports sociaux.
Ainsi, elle a admis et légalisé l'avortement, le
rendant licite et libre, à condition qu'il ne soit plus
clandestin.
Mais
il est une misère sur laquelle elle n'a songé jusqu'ici
à se pencher, nous voulons parler de celle du gangster,
du cambrioleur, du monte-en-l'air, contraints à travailler
dans la clandestinité et par voie de conséquence
risquant sa vie et l'intégrité de sa personne physique
et morale ainsi que sa liberté.
Pour
remédier à cette injustice, séquelle de siècles
d'obscurantisme et de préjugés, nous voulons créer
le M.H.L. "Le Mouvement pour le Hold-Up Libre" dans
le but hautement honorable de faire disparaître le Hold-Up
clandestin, lequel malgré des lois séculaires sévit
chaque jour davantage dans notre Société libérale.
Certes nous reconnaissons que le Hold-Up est toujours un échec,
mais puisqu'il se révèle inévitable, pourquoi
le contraindre à rester clandestin.
Ainsi
notre mouvement revendiquera la libéralisation du vol,
du fric-frac, du hold-up et de tous actes qui s'y apparentent
mais évidemment sous certaines conditions très précises
: par une déclaration préalable à la police,
ou à la justice, le gangster devra faire connaître
la date fixée pour l'acte projeté. Il sera repu
par un magistrat qui, par lire entretien persuasif, tentera de
le convaincre d'y renoncer, s'efforçant de l'en dissuader
en lu! montrant !es inconvénients d'un enrichissement trop
rapide et en lui expliquant les risques qu'il encourt de se casser
une jambe en franchissant une clôture ou de se fouler le
poignet en forçant un coffre. Le magistrat pourra se faire
aider par un spécialiste afin d'être plus convaincant.
Toutefois,
si malgré cette exhortation, le cambrioleur maintient sa
détermination pour diverses raisons, dont sa conscience
sera seule juge, telles que sa détresse financière,
les besoins de l'éducation de ses enfants, l'angoisse morale
de son épouse et la sienne de ne pouvoir mener la vie à
laquelle ils aspirent, et de ne pouvoir s'épanouir pleinement,
il aura à choisir un établissement, public ou privé,
où il se débarrassera de sa névrose et y
exercera son
art dans la quiétude la meilleure. Alors les autorités
se devront d'inviter le directeur et le caissier de la banque,
le conservateur et le gardien du musée, le propriétaire
du palace ou de la villa choisis par le gangster, à faciliter
(intervention en lui remettant les clefs des portés et
des coffres et en neutralisant les réseaux d'alarme, de
telle sorte que cette opération puisse se dérouler
avec le minimum de traumatismes tant physiques que nerveux ou
psychiques.
Grâce
à la loi que nous proposons, nous verrons disparaître
tous ces hold-up préparés et exécutés
dans la clandestinité et qui avec les accidents, les;blessures
et même les décès qu'ils entraînent
si souvent, sont une honte pour notre siècle de libéralisme
éclairé. Le hold-up se trouvera moralisé
par une loi votée dans un rare souci d'humanité
et nous oublierons rapidement les enlèvements d'otages
et les violences qui actuellement défrayent nos journaux.
Le
HoId-Up sera public et libéré !!!
Certes
il se présentera des cas de conscience fort respectables
qui s'opposeront à l'application de la loi. Certains caissiers,
ou gardiens, certains directeurs d'établissement, persuadés
qu'ils ont le devoir de préserver les intérêts
des épargnants ou les richesses culturelles de la Nation,
auront des scrupules à accepter de participer à
ces actions, mais nous ne doutons pas qu'après un certain
temps d'application de la nouvelle loi, ils seront amenés
à modifier leur éthique dans le sens voulu par le
législateur et bien vite la clause de conscience n'aura
plus à jouer.
Nous
savons pertinemment que notre proposition sera vivement combattue
par des organisations rétrogrades et d'esprit attardé
sur un passé révolu telles que "Laissez-les
épargner pour leurs vieux jours" mais, certains d'être
soutenus dans notre combat par des mouvements plus humains et
plus libéraux comme "Choisir son magot" ou "Ma
satisfaction immédiate", nous irons jusqu'au triomphe
de notre cause si généreuse.
Forts
de la justesse de notre cause, nous demanderons à Monsieur
le Ministre de la Justice et à Monsieur le Ministre de
l'intérieur, si soucieux à juste titre au sujet
du développement récent de la violence, de bien
vouloir faire étudier notre proposition de loi et de' la
présenter au Parlement. Ce dernier, dans un débat
exemplaire et d'une haute tenue, ne manquera pas de la voter,
grâce aux voix de l'opposition, si la majorité gouvernementale
éprouve certaines répugnances conservatrices à
se débarrasser ses tabous.
Si
par extraordinaire, notre proposition, qui marque un tel progrès
de la conscience sociale, n'était pas prise au sérieux
avec toute la considération qu'elle prétend exiger,
et si elle ne recueillait pas le succès qu'a connu la loi
Veil, nous en déduirons que pour le gouvernement, le Parlement,
voire pour la Société, les biens matériels
sont plus respectables que la vie humaine et que l'argent compte
plus que l'HOMME.
Car,
pour nous, un ftus n'est qu'un être humain en puissance,
et tandis qu'un magot dérobé, même licitement,
représente dans un avenir très proche une belle
voiture, une villa, un yatch, en un mot, une vie dorée.
Aussi,
devant un tel échec, il ne nous resterait plus qu'à
diriger nos recherches sur l'éventualité de la création
du M.A.L. : le MOUVEMENT DES ASSASSINS LIBÉRÉS
R.
de V.
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, octobre 1975
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