En
1973-1974 le nombre des avortements pratiqués dans notre
pays ou pratiqués sur des Françaises en Angleterre
et en Hollande peut être évalué.
On
sait que pendant plus d'une année, des transports à
l'étranger aux fins d'avortement avaient lieu presque
tous les jours au départ de Paris. Cela se faisait au grand
jour et de façon très organisée. Une conférence
le samedi. Des départs pour la Hollande, en autocars, les
lundi, mardi, et mercredi, vers 20 h 30 à la gare du Nord,
avec 40 personnes à chaque fois. Deux départs pour
l'Angleterre, en autocar également, à la fin de
la semaine, qui concernaient des femmes plus avancées dans
leur grossesse. Deux cent femmes par semaine. Dix mille par an.
Cette filière parisienne, que beaucoup des nôtres
ont explorée, convoyait des femmes de tous les départements
de la région parisienne, et, de façon non exceptionnelle,
des femmes d'ailleurs.
D'autres
transports groupés ont été signalés,
au départ de Bretagne, de Lille, de Grenoble, de Clermont-Ferrand,
de Nantes. Ils ont été moins fréquents, moins
nombreux que les départs parisiens.
Des
personnes se sont rendu, bien entendu, par leurs propres moyens
en Angleterre. D'autres ont pu se rendre en Hollande. Mais leur
nombre n'a pas dû excéder celui des transports groupés.
Par
ailleurs les statistiques anglaises, à l'époque
de la plus grande activité des avortoirs londoniens, parlaient
de 50 000 à 60 000 avortements chez des nonrésidentes,
dont 15 000 à 20 000 françaises, chiffre
qui s'est affaissé quand les avortoirs hollandais se sont
organisés, et qui corrobore, à peu près,
les observations faites en France par "Laissez-les Vivre".
Même
en tenant compte d'avortements à Sarrebruck, ou en Suisse,
le nombre des avortements, à l'étranger, n'a pu
excéder 75 000 par an.
Quant
aux avortements militants, ils n'ont sans doute pas été
fort nombreux.
Bien
sûr, à certaines époques, et en particulier
dans les périodes électorales, certaines permanences
des mouvements favorables à l'avortement ont prétendu
faire des avortements en grand nombre. Mais l'exiguïté
des locaux, qui étaient voués aux consultations
de contraception, ne permettaient jamais de recevoir plus de 20
candidates chaque jour. Toutes n'étaient pas avortées.
En outre, cette activité ne restait intense que quelques
jours, quitte à reprendre à la prochaine période
chaude. Les avortoirs qui ont le plus fait parler d'eux (2 dans
le 11ème arrondissement, 1 dans le 14ème, 1
à Grenoble, 1 à Lyon) n'ont pu traiter plus de 10 000
personnes tous ensembles. Un communiqué lyonnais faisait
état de 4 000 avortements faits à Lyon ou dans des
pays étrangers. Même en tenant compte des avortements
pratiqués dans les permanences d'associations de 100 autres
villes de France, on ne peut imaginer plus de 10 000 avortements.
Ainsi
l'avortement militant n'a pu dépasser 20 000 avortements
par an.
Les
contacts pris avec des mouvements pour l'avortement nous ont montré,
en effet, que l'avortement militant entraînait, souvent
dès les premiers cas, des ennuis dus à l'inexpérience
des opérateurs ou aux difficultés de l'avortement
qui sont réelles. Les militants ont donc dû souvent
en faire moins qu'ils ne souhaitaient.
Les
avortements faits à l'hôpital ou dans les cliniques
n'ont pu, eux non plus, être très nombreux. II y
a bien sûr quelques hôpitaux, à Toulouse, à
Eaubonne près de Paris, ou quelques cliniques, à
Rennes par exemple qui ont acquis une certaine réputation
d'avortoirs de masse. Ces établissements n'ont pas dû
faire beaucoup plus de 1 000 avortements chacun, si
mêrne ils y sont arrivés. II est logique de penser
que 200 maternités publiques ou privées sur l'ensemble
du pays, ont pu avoir une activité d'avortement modérée :
100 avortements par an.
On
arrive ainsi à des chiffres qui restent en deçà
de 30 000 par an pour les avortements en clinique ou à
l'hôpital.
Dans
le cabinet du médecin, il peut se passer beaucoup de choses,
et sans qu'on puisse exercer la moindre surveillance. L'audience
de l'ancien collège des médecins du Planning familial
permet de se faire une idée du nombre des médecins
qui ont pu être tentés d'apprendre les techniques
d'avortement en 1973 ou au début de 1974. II a dû
être de 1 000. Mais beaucoup d'entre eux, qui avaient pratiqué
l'avortement militant ont dû ne pas persévérer
à leur cabinet qui n'était pas voué à
la gynécologie. Si 500 médecins ont pratiqué
100 avortements par an, on ne dépasse pas 50 000 avortements.
Quant
à l'avortement bricolé, sur la table de cuisine,
il a disparu en 1973 : les médecins hospitaliers ont pu
le constater avec la presque disparition des hospitalisations
pour rétention placentaire. Son nombre était certainement
inférieur à 5 000 par an.
Un
calcul simple montre ainsi que le nombre annuel des avortements
en 1973-1974 a été inférieur à :
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