Ce
n'est pas au Ministre de faire les lois ; c'est au Parlement.
Tout le monde est d'accord. Les services du ministère ne
font qu'élaborer des projets.
Or
en matière d'avortement nous avons assisté à
la politique inverse : le ministère de la Justice a tout
fait pour forcer la main aux parlementaires.
Avec
netteté, dans une certaine note, dite "secrète",
mais publiée par la presse il y a déjà plus
d'un an, il était exposé sans ambages par les services
du ministère de la Justice que certains délits,
dont l'avortement, ne devraient plus être punis.
Cette
prise de position, contraire à la loi existante, prise
d'une façon unilatérale, sans que le Parlement ait
été consulté, a été, jusqu'ici.,
poursuivie d'une façon tenace.
En
effet, joignant le geste à la parole, le Ministre
de la Justice envoyait à tous les procureurs dès
le 30 juin 1971 des instructions qui avaient pour conséquence
d'empêcher toute poursuite en matière d'avortement
à moins d'avoir une autorisation expresse du Ministère.
Parallèlement
les services de Police ont eu pour consigne de considérer
ces affaires comme secondaires.
La
conséquence, bien entendu, a été que depuis
cette date du 30 juin 1971, les poursuites judiciaires
ont été très rares.
II
est alors inimaginable que le Ministre de la Justice, devant une
situation qu'il a lui-même créée, vienne dire
au Parlement : « Il faut supprimer la loi car
elle n'est pas appliquée ! »
II y a là une attitude inadmissible.
Mais
la politique du ministère s'est poursuivie avec une ténacité
remarquable. Tout a été mis en uvre pour paralyser
la législation en vigueur.
Suivant
en cela la politique des plus extrêmes partisans de l'avortement
le ministère de la Justice a volontairement fermé
les yeux sur tout ce que la loi condamne en la matière
et notamment sur cette propagande éhontée, déchaînée
sur tous les plans et dans tous les domaines : annonces d'ouvertures
de centres d'avortement, conférences publiques, publicité
en France pour les cliniques étrangères, etc., etc.
II s'agissait comme le veulent les "avorteurs" de laisser
se créer une situation irréversible.
C'est
alors que le ministère de la Justice a mis en uvre
le meilleur, le plus adroit, le chef-d'oeuvre de son activité
: le projet de loi M.T.P. que le Parlement vient de repousser.
Prétendant
faussement tenir un juste milieu entre les positions extrêmes,
le projet de loi, pour n'importe quel lecteur averti, rendait
l'avortement libre et gratuit. Libre, c'est bien évident,
puisque deux signatures de médecins suffisaient pour qu'il
soit permis et chacun sait combien il aurait été
aisé de les obtenir, ne serait-ce que dans l'un de ces
"centres" qui sont de véritables "avortoirs".
Gratuit, puisque remboursé par la Sécurité
sociale.
Le
Parlement ne s'y est pas trompé ; mais il a fallu
pour obtenir le vote du 14 décembre dernier que tout
le peuple de France soit alerté, chacun s'y est employé ;
il faut continuer à le faire.
Car
de son côté quelle va être maintenant la politique
du ministère de la Justice chargé d'établir
un nouveau projet ? II serait vain de penser qu'il va s'incliner.
Le
vote du Parlement signifie pourtant d'une façon claire
et nette : « Nous ne voulons pas imiter servilement
les pays que vous nous citez en exemple. Nous ne voulons pas de
l'avortement en France. »
Le
ministère de la Justice va-t-il maintenir la position prise
dans la note "secrète" (publiée par la
presse) ? Va-t-il continuer à tout mettre en uvre
pour que l'avortement ne soit pas puni ? Cela est à
craindre et nous devons nous élever avec force contre cette
attitude du ministère de la Justice qui, encore une fois,
veut faire la loi à la place de nos parlementaires.
« Qui
veut tuer son chien l'accuse de la rage. » Rien
n'a été épargné par le Ministre de
la Justice dans son discours, lors du débat au Parlement,
pour abattre cette loi qu'il veut faire disparaître : archaïque,
désuète, inappliquée, dépassée,
d'une sévérité inadmissible, autant de qualificatifs
qui sont aussi faux qu'ils sont faciles à faire admettre
par des auditeurs insuffisamment informés. Et bien sûr,
on a brandi « les milliers de femmes qui meurent
chaque années d'avortements clandestins »
alors que l'Institut national des Études démographiques
(I.N.E.D. en a en 1967, dénombré en tout et pour
tout "45", aussi bien d'ailleurs pour les avortements
clandestins qu'autorisés. Même si l'on y ajoute ceux
qui ne sont pas dénombrés et qui sont d'autant plus
rares que chaque cas est immédiatement souligné
par nos adversaires, nous sommes bien loin des chiffres avancés
par M. le Ministre de la Justice.
Quant
à nous qui luttons pour le respect de la vie, nous sommes
traités de pauvres gens, cramponnés désespérément
à des principes que nous voulons conserver pour le simple
amour des principes !
Lorsqu'on
en est réduit à de tels arguments, c'est que la
cause que l'on défend ne vaut pas grand-chose !
II
existe actuellement une loi. Jusqu'à ce qu'il en soit autrement
décidé, il est normal qu'elle soit appliquée.
Nous savons bien qu'en matière d'avortement toutes les
faiblesses seront rapidement, et très largement exploitées
pour tenter de créer une situation que par la suite, après
avoir volontairement laissé faire, on qualifiera d'irréversible.
II
convient pour chacun de ceux qui luttent pour le respect de la
vie d'agir sur deux plans :
d'abord
de signaler immédiatement en écrivant au Procureur
de la République le plus proche, tout fait, toute propagande,
toute ouverture de centre d'avortement ; de tels faits sont
punis par la loi et les Procureurs sont chargés d'appliquer
cette loi.
Ensuite,
il nous faut continuer la lutte sur le plan de l'information et
des idées pour arriver à faire comprendre à
tout le peuple français et notamment à Monsieur
le Ministre de la Justice que ce prétendu "droit de
la femme" à l'avortement est en réalité
une "mutilation",
que cette prétendue générosité qui
le pousse à favoriser l'avortement est en réalité
un crime non seulement contre le petit enfant à naître,
non seulement contre la société, non seulement contre
la civilisation mais contre la femme elle-même.
C'est
dans cette position que se trouve la vraie justice.
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, février 1974
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