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Le document qui vs suivre est destiné àtous nos amis, magistrats, membres des professions judiciaires, membres de la Fonction publique ainsi qu'à nos amis parlementaires, et doit leur permettre de mener plus activement encore la combat en faveur du respect de la vie humaine.

La Commission des Lois et des Affaires Judiciaires qui est maintenant établie à Paris et fait partie des organes permanents du Mouvement, se tient à la disposition de tous pour la mise en œuvre des moyens d'actions suggérés par cette étude remarquable.

Recevabilité de l'action engagée par les associations
devant les juridictions répressives en droit françai
s

On sait que la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a soumis la recevabilité de l'action des associations devant les juridictions répressives à l'existence d'un préjudice personnel et direct par elles subi. Encore que quelques arrêts aient pu retenir aussi le préjudice subi par les membres d'une association comme constituant un préjudice dont l'association prendrait la défense, du moins la Cour Suprême a rejeté la possibilité pour les associations d'alléguer les intérêts généraux qu'elles se proposent de défendre comme pouvant constituer la base de leur préjudice et elle a trouvé là un empiètement sur les attributions du Ministère public.

Une évolution parait cependant s'accomplir. Deux arrêts sont à rapprocher l'un de l'autre.

1. Par arrêt du 16 décembre 1954 (Dalloz 1955, 287) la Cour de Cassation – Chambre criminelle – a statué sur pourvoi contre un arrêt qui avait condamné les auteurs d'un livre contenant des attaques " d'un caractère sans doute malveillant, injuste et souvent grossièrement insultant a contre les membres de la Résistance et les déportés, et cela sur l'action de la Fédération Nationale des Déportés et Internés de la Résistance.

L'arrêt attaqué a été cassé, mais il est à remarquer qu'il n'a pas repris la théorie de l'inaptitude des associations à défendre en justice les intérêts généraux pour la défense desquels elles se sont constituées. II se borne à constater qu'aux termes des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, qui formaient la base de la poursuite, d'une part les attaques incriminées devaient, pour tomber sous le coup de la loi, porter sur des personnes déterminées, ce qui n'était pas le cas, d'autre part les délits de diffamation et d'injures ne pouvaient être poursuivis que sur la plainte de ceux qui en étaient directement victimes, plainte à laquelle celle de l'association ne pouvait pas se substituer.

2. Récemment, la Chambre Criminelle a statué à l'occasion d'une poursuite dirigée contre divers individus pour apologie de certains crimes et délits, par application des articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881. II s'agissait de l'apologie des crimes de guerre de l'Allemagne nationale-socialiste réalisée par la voie de l'imprimé et de disques phonographiques. L'arrêt attaqué avait prononcé condamnation, mais déclaré irrecevable la constitution de partie civile avec demande de dommages-intérêts formée par l'Association dite Le Réseau du Souvenir.

L'arrêt qui, sur ce dernier point, a prononcé cassation s'exprime ainsi dans sa dernière partie : Attendu qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction ;

Attendu qu'après avoir constaté que l'association Le Réseau du Souvenir a été reconnue d'utilité publique et qu'elle a pour but de « réveiller et de perpétuer le souvenir des déportés morts pour la liberté dans les camps de concentration nazis », l'arrêt attaqué déclare irrecevable sa constitution de partie civile au motif « qu'à défaut de tout texte lui conférant une vocation particulière à cet égard, cette association, personne morale distincte de la personnalité individuelle de ses membres, ne justifie pas qu'elle ait été directement et personnellement lésée par le délit faisant l'objet de la poursuite » ;

Attendu qu'en statuant ainsi la Cour d'Appel a fait une fausse application de l'article du Code de procédure pénale susvisé ; qu'en effet le Réseau du Souvenir n'a pas pour but la défense des intérêts de ses membres ; qu'il réunit, avec d'anciens déportés, les familles des victimes de la déportation ainsi que ceux qui veulent perpétuer le souvenir de leur sacrifice et de l'idéal pour lequel ils sont tombés ; que son objet est de veiller à le sauvegarde de valeurs morales permanentes attachées à la dignité humaine : attendu que cette association spécialement créée pour conserver la mémoire de ceux qui sont morts dans les camps de concentration et reconnue à cet effet d'utilité publique, subit un préjudice dès lors personnel et direct du fait de l'apologie des crimes de guerre, la déportation étant l'un de ces crimes ; que la recevabilité de son intervention découle de la spécialité du but et de l'objet de sa mission, d'où il suit que le moyen doit être accueilli ;

« Par ces motifs... ».

« Cesse... mais sur les intérêts civils seulement en ce qui concerne l'association "Le Réseau du Souvenir" (Crim., 14 janvier 1971, Dalloz 71-101). »

La nouveauté et la portée de cet arrêt paraissent très grandes pour les associations à but désintéressé et voulant agir en justice pour la défense de leur idéal.

Sans doute, l'arrêt énonce par deux fois que l'Association Le Réseau du Souvenir était reconnue d'utilité publique ; mais cette circonstance est complètement inopérante, étant bien connu que la reconnaissance d'utilité publique confère essentiellement à une association déclarée la capacité da recevoir des dons et des legs, mais est totalement étrangère à l'étendue de son aptitude à agir en justice.

3. Cependant une restriction importante aux principes posés par l'arrêt du 14 janvier 1971 précité se manifeste malheureusement en la matière de la poursuite des délits d'outrages aux bonnes mœurs (art. 283 à 290 du C.P.).

Le décret loi du 29 juillet 1939 qui réunissait un ensemble de mesures relatives au relèvement moral, démographique, sanitaire de la France avait disposé, dans ses articles 119 à 129 relatifs aux outrages aux bonnes mœurs et plus particulièrement dans l'article 125 que les « associations reconnues d'utilité publique et dont les statuts prévoient le défense de la moralité publique pourront, si elles ont été agréées à cet effet per arrêté du Garde des Sceaux ministre de le Justice et du ministre de l'Intérieur, exercer pour les infractions prévues par les articles 119 à 125 les droits reconnus à le partie civile ». Ces dispositions, codifiées par la loi du 15 mars 1957 et l'ordonnance 58-1298 du 23 décembre 1958, sont devenues les articles 288 à 290 du Code pénal.

Par ailleurs, une ordonnance 45-323 du 3 mars 1945, postérieurs au décret-loi de 1939, a conféré un statut et des pouvoirs étendus eux associations familiales. L'article 4 énonce qu' « ont le caractère d'associations familiales... toutes associations déclarées, librement créées dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 ayant pour but d'assurer du point de vue matériel et moral la défense des intérêts généraux de toutes les familles... ». L'article 6 confère aux unions départementales des associations familiales et à l'Union Nationale, notamment le droit d'exercer devant toutes les juridictions tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits de nature à nuire eux intérêts moraux et matériels des familles, disposition aussi générale que possible qui, avec toutes les autres, a été codifiée par le décret du 24 janvier 1956, en ce qui la concerne, à l'article 3 du Code de la famille et de l'aide sociale.

En cet état, plusieurs individus ayant été condamnés per application des articles 283 à 286 du C.P. pour outrages aux bonnes mœurs par la voie du livre, l'Union départementale des Associations Familiales de Paris s'est pourvue en cassation contre la disposition de l'arrêt d'appel qui l'avait déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile. La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi aux motifs « qu'il résulte en effet de la combinaison des articles 1 et 3-4° du décret du 24 janvier 1956 portant codification des textes législatifs concernant la famille et l'aide sociale et du 3° alinéa de l'article 289 du Code pénal, refondu par l'ordonnance 58-1298 du 23 décembre 1958, que les Unions départementales des Associations familiales sont, en règle générale, habilitées à exercer devant toutes les juridictions tous les droits réservés à la partie civile, relativement aux faits de nature à nuire aux intérêts moraux et matériels des familles, mais que, dans le domaine particulier des outrages aux bonnes mœurs, prévus par les articles 283 à 289 du Code pénal, cette habilitation est subordonnée à l'obtention per lesdites Union départementales de l'agrément du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et du ministre de l'Intérieur, rejette »(Crim., 10 juillet 1973, Bulletin n° 318).

A vrai dire l'Ordonnance du 3 mars 1945 était postérieure au décret loi du 29 juillet 1939 qui exigeait l'agrément des ministres de la Justice et de l'Intérieur et elle affirmait avec tant de force et de généralité le pouvoir des Unions d'Associations familiales pour exercer devant toutes les juridictions tous les droits réservés à le partie civile relativement aux faits susceptibles de nuire aux intérêts des familles qu'on peut se demander si les dispositions restrictives du décret loi de 1939 ne se trouvaient pas implicitement abrogées.
Quoi qu'il en soit, l'arrêt du 10 juillet 1973 ne concerne que les délits d'outrages aux bonnes mœurs. Les délits d'infraction aux lois sur l'avortement, lequel reste prohibé en dehors des deux hypothèses prévues par la loi du 17 janvier 1975, sur l'interruption de grossesse, pourront donc être poursuivis par voie de constitution de partie civile soit par toute association ayant pour objet le respect de la vie humaine, soit par les Unions d'associations familiales, en se fondant sur la doctrine de l'arrêt du 14 janvier 1971 Le Réseau du Souvenir.

En fait, de bonne heure, des constitutions de partie civile ont été effectuées par des Unions départementales d'Associations familiales devant les juridictions pénales en vue de concourir à la répression de l'avortement et ont été acceptées par les Cours d'Appel (Douai, 3 juin 1948, Gaz. Pal., 1948-2-142 ; Dijon, 17 mai 1949, Gaz. Pal., 1949-2-17). Les arrêts cités énoncent que les pratiques d'avortement nuisent au plus haut point aux intérêts moraux et matériels des familles et ne semblent pas avoir été censurés par la Chambre Criminelle.

II faut seulement observer qu'en ce qui concerne les réparations pécuniaires demandées par las associations qui se sont constituées partie civile pour concourir à la répression de délits placés par la loi dans le champ de leur action, la Chambre Criminelle se montre assez rigoureuse et maintient volontiers l'exigence d'un préjudice personnel et direct subi par l'association, mais sans en déduire l'irrecevabilité de son action si un tel préjudice n'est pas établi.

Par exemple – Crim. 4 novembre 1971, Bulletin n° 299, p. 735 : s'agissant d'une poursuite pour infraction à la loi sur les débits de boissons, la Comité de Défense contre l'alcoolisme tient de l'article 96 du Code des débits de boissons le pouvoir d'exercer les droits reconnus à le partie civile relativement aux faits contraires aux dispositions dudit code, mais les demandes en réparation de dommages causés par ces infractions ne sauraient être accueillies s'il n'est pas justifié d'un préjudice direct. Dès lors est cassé l'arrêt qui aurait condamné les délinquants à payer 10 000 F de dommages et intérêts au Comité national, alors qu'il n'était pas constaté, en dehors da l'atteinte portée à la mission générale du Comité, la nature du préjudice directement causé à l'action dudit comité.

Parfois, au contraire, la Chambre Criminelle se contente assez facilement de la justification d'un préjudice direct et personnel :
Crim. 26 novembre 1970, Bulletin 313 : un pourvoi ayant été formé contre un arrêt ayant alloué 500 F de dommages et intérêts à une Fédération de Chasseurs qui s'était portée partie civile en vue de la répression d'un délit de chasse conformément au Code de la chasse qui confère aux Fédérations de chasseurs une mission de "répression de braconnage" l'arrêt rejette le pourvoi en énonçant que "si pour accorder cette réparation, les juges du fait sa fondent à tort sur les obligations légales auxquelles sont tenues les fédérations de chasse, énoncent également à tort que toute infraction de chasse est de nature à leur causer un préjudice, ils ajoutent qu'en l'espèce les infractions en cause ont nécessité de la part de la Fédération en raison de circonstances exceptionnelles, qu'ils exposent la mise en œuvre de moyens et de personnes importants justifiants des vacations supplémentaires aux gardes dépenses exceptionnelles et grevant directement le budget de le Fédération, que cette constatation suffit à justifier l'allocation de dommages et intérêts » .

En conclusion, il apparaît que les associations ou les Unions des associations familiales qui voudraient concourir à la répression de l'avortement en se fondant sur les termes del'arrêt Le réseau du souvenir auraient intérêt à rechercher à l'appui de leur constitution de partie civile, tout ce qui pourrait leur porter un préjudice moral ou matériel, provenant des faits qu'elles dénonceraient.

Philippe BOURDON,
Conseiller Honoraire à la Cour de Cassation.

© Laissez-les-Vivre – SOS Futures Mères, novembre 1976

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