Dans
le Bulletin de l'Ordre des Médecins, paru tout récemment
(n°1, mars 1972), nous relevons, page 62, que depuis
janvier 1971 la juridiction de l'Ordre, en première instance et
en appel, a examiné 264 affaires. Parmi les peines infligées,
en matière disciplinaire (donc non compris celles infligées en
matière d'assurance sociale), on relève notamment : 24 avertissements.
8 blâme, 27 suspensions (de 15 jours à 3 ans), 9 radiations.
Que
des médecins soient sanctionnés pour avoir fait des certificats
de complaisance (2 cas), nous nous en réjouissons ; qu'ils
le soient pour violation du secret professionnel (1 cas), manquements
envers les malades (10 cas), déconsidération de la profession
(5 cas), manquements à la probité (7 cas), nous ne pouvons qu'y
applaudir. Que le non-paiement des cotisations (25 cas), l'exploitation
illégale de cabinets secondaires (5 cas), les dépassements d'honoraires
(1 cas), les fautes professionnelles (4 cas), le manquement à
la confraternité (4 cas), le charlatanisme (1 cas), la publicité
(4 cas), l'usurpation de titre (1 cas) entraînent des sanctions,
c'est normal.
Ce
qui l'est peut-être moins c'est que deux cas d'avortement n'aient
donné lieu qu'à deux peines de trois ans de suspension.
N'est-il
pas scandaleux qu'un avorteur ne subisse pas, comme le permet
l'article 423 du Code de la Santé, la radiation de la profession
médicale? Le Conseil de l'Ordre considère-t-il que le non-paiement
de cotisations (lequel a entraîné sept radiations) ou le charlatanisme
(lequel a entraîné une radiation) soient moins graves ? Et
la déconsidération de la profession médicale – qui a motivé
une radiation – serait-elle un chef d'inculpation inapplicable
à l'avorteur ?
Certes,
nous savons que les pouvoirs publics n'ont fait de l'avortement
qu'un délit. Mais ce qualificatif n'a été appliqué à l'avortement
que poi:r le faire juger par les tribunaux correctionnels, étant
donné la fréquence des acquittements dont bénéficiaent les avorteurs
devant la juridiction des assises. Le professeur PORTES, ancien
et prestigieux Président du Conseil National de l'Ordre des Médecins,
n'en regrettait pas moins que la loi de 1923 ait qualifié « de
délit ce qui est en fait et doit rester un meurtre »
(1).
Mais
la juridiction de l'Ordre des Médecins n'est pas celle des assises.
Les sanctions de trois ans de suspensions concernant deux cas
d'avortement sontelles le reflet de la dégradation de la profession
médicale ? Et traduisent-elles ce que comptent pour vous,
Messieurs les Membres des Conseils Régionaux et du Conseil National
de l'Ordre, le respect de la vie humaine et le destin de l'éthique
médicale ?
Dr
Fernand IVALDY
(1)
IVALDY (F.) : De !'avortement, 2e édition, 1972, p. 12,
Apostolat des Éditions, 46, rue du Four, Paris (6e).
© Laissez-les-Vivre
– SOS Futures Mères, juin 1972
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