« Ne
voyez dans cette lettre que l'expression de mon amertume et de
ma détresse. J'ai besoin, aujourd'hui, de parler à
quelqu'un qui connaisse mon drame aussi bien que moi... Je ne
vous rappellerai pas les circonstances de ce drame, ou plutôt
de ces drames. Inutile de vous dire à quel point je souffre
moralement chaque jour. Je ne me révolte pas contre ce
que je considère, non pas comme une punition, mais comme
un juste retour des choses... II ne se passe pas de jour sans
que la pensée me hante que j'ai gâché ma vie.
Je
ne peux pas m'empêcher de voir le lien évident qui
existe, à mon avis, entre ma 2ème "opération"
et mes difficultés présentes à me trouver
dans une situation que j'ai voulu esquiver l'an dernier, mais
à quel prix ! La 1ère de ces "opérations",
d'un point de vue strictement médical, fut une réussite
puisque, hélas, trois mois après, et à la
première occasion, j'étais à nouveau dans
les mêmes difficultés.
Vous
dire que je regrette tout cela est une façon bien faible
de m'exprimer. On ne revient pas en arrière...
Pourquoi
est-ce que je vous écris tout cela ? Vous êtes
le seul à qui je puisse en parler. Mon mari sait, bien
sûr, tout ce qui s'est passé. II m'a épousée
tout de même, car il m'aimait et m'aime toujours d'un amour
qui ignore le mot même d'égoïsme. J'ai mérité
de souffrir en attendant une joie qui mest toujours refusée.
Mais lui? Son extrême délicatesse fait que nous ne
parlons jamais du passé, selon sa propre volonté...
II ne devrait pas souffrir. Et c'est moi, moi qui l'aime plus
que tout, qui le fais souffrir.
Merci
de me lire si patiemment... »
Cette
lettre, écrite par une jeune femme mariée depuis
six mois, montre les conséquences sérieuses d'un
avortement qui a compromis, ou parait avoir compromis, la fécondité.
La vie quotidienne paraït cependant tolérable. II
y a tout lieu de s'en réjouir, d'autant qu'il n'en est
pas toujours ainsi (en particulier dans les cas, si tragiques,
où l'avortement survient chez une femme, déjà
mariée, qui a trompé son mari.)
L'analyse
minutieuse qui a été faite, ici, suggère
que, même un vortement non compliqué, aurait pu être
la source de peines dont il eut été difficile de
trouver un confident.
Des
relations préconjugales, même sans grossesse, ni
avortement comme on en voit de plus en plus depuis la pilule,
aurait d'ailleurs aussi posé quelque problème, puisque
le mari, dans son "extrême délicatesse"
entend bien qu'on ne parle plus du passé.
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères,septembre 1976
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