Selon
l'usage qu'on en fait, la ponction amniotique est la meilleure
ou la pire des choses.
Il
s'agit, on l'a bien compris, de piquer avec une aiguille l'utérus
pour prélever un peu de liquide amniotique, ce liquide
qui est autour de l'enfant, dans l'uf humain et qui peut
être modifié dans certaines maladies.
Cette
méthode d'exploration, préconisée d'abord
par les chercheurs, est envisagée maintenant dans deux
cas principaux.
C'est
la meilleure des explorations dans l'incompatibilité rhésus.
Ceci a été démontré il y a 10 ou 15
ans par un de nos compagnons, le Dr Liley, de Nouvelle-Zélande,
un des défenseurs de la vie humaine.
Quand
une femme rhésus négatif a, dans son sang, des anticorps
anti-rhésus, ce qui est rare, mais existe dans une grossesse
pour mille, il arrive que ces anticorps attaquent les globules
rouges de l'enfant et le rendent malade. II arrive que cette maladie
entrains la mon de l'enfant avant le terme, aussi dans la période
1950-1965 a-t-il été habituel de déclencher
l'accouchement mois ou quatre semaines avant terme. Mais les médecins
avaient souvent l'impression que cette date était mal adaptée.
II arrivait qu'un enfant, très atteint, mourut avant la
date choisie pour le déclenchement. II arrivait, à
l'inverse, qu'un enfant, peu atteint, voire indemne, tolère
mal l'accouchement prématuré ou dans de rares cas
mourut de prématurité. Aussi beaucoup de médecins
désiraient-ils posséder un test qui les renseigna,
avant la naissance, sur l'état de l'enfant.
Comme
on savait que, chez les enfants très atteints, le liquide
amniotique est jaune, ce fut la mérite de Liley d'étudier
par colorimétrie les liquides prélevés par
ponction et d'apprécier scientifiquement l'état
de l'enfant. Ainsi a-t-on pu, depuis 10 ans, aux prix d'une, deux
ou parfois trois ponctions, fixer pour chaque enfant, la date
la meilleure pour le déclenchement.
Bien
sûr, il y a eu des accidents. J'ai souvenir d'un enfant
dont le cordon a été blessé par l'aiguille
et qui en est mort. Mais ces cas sont rares. II y a des concours
de circonstances où il est prudent de ne pas faire de ponction
du tout. Dans l'ensemble cependant la ponction a amené
un progrès : la mortalité de cette grave maladie
intra-utérine a diminué, en quelques mois, de 10
% à 7 % à peu près, du seul fart des ponctions
amniotiques. En contre-partie un petit risque existe pour la mère
avec quelques rares accidents de ponction. Mais, ce risque est
infime et, dans l'ensemble, la ponction amniotique s'est révélée
utile pour soigner les incompatibilités rhésus.
Par
contre, la ponction amniotique est la pire des explorations quand
elle a pour but de rechercher en vue d'avortement
des aberrations génétiques.
Les
aberrations chromosomiques ont été, on s'en souvient,
découvertes par un des nôtres, le professeur Lejeune,
qui, en 1953, a reconnu une trisomie 21 dans les cellules des
enfants qu'on appelait alors des mongoliens.
Peu
d'années plus tard, des chercheurs américains ont
proposé de cultiver les cellules du liquide amniotique
et d'y chercher la trisomie 21 afin d'empêcher, par l'avortement,
la naissance des enfants trisomiques.
Dés
la création de "Laissez-les Vivre" à la
réunion de la Mutualité, le Professeur Lejeune s'est
élevé contre cette pratique et les témoins
de cette réunion houleuse oublieront jamais les hordes
de contradicteurs hurlant à la mort des enfants.
II
arrive malheureusement que des médecins cherchent à
imposer une ponction à des futures mères qui n'ont
d'autre raison pour cela que d'avoir dépassé l'âge
de 40 ans. Car, chacun sait qu'avec l'âge, les chances de
mettre au monde un trisomique augmentent un peu. Un enfant conçu
à la quarantaine a prés d'une chance sur cent d'être
trisomique. Certains médecins imposeront une ponction à
cent femmes tant ils paraissent friands de faire un avortement.
La
femme qui cherche à comprendre le but de cette ponction
ne reçoit souvent qu'une réponse orientée.
Celle qui cherche à éviter la ponction n'est pas
toujours écoutée. On la culpabilise. Certains médecins
de "Laissez-les Vivre" ont vu des femmes contrariées
du malentendu entre elles et leur accoucheur, et parfois quelque
peu désorientées. Voilà où conduit
une morale médicale viciée à la base.
Ajoutons
que ces ponctions, pratiquées le plus souvent à
trois mois et demi ou quatre mois, peuvent, de loin en loin, entraîner
des accidents, et, qu'en cas de trisomie elles débouchent
sur un avortement de quatre ou cinq mois, psychologiquement pénible,
et médicalement dangereux pour la mère. Rien n'arrête
les avorteurs.
Des
maladies enzymatiques pourraient aussi être dépistées
également par ponction amniotique. Nous en parlons au conditionnel,
car il s'agit de techniques nouvelles qui ne se dégagent
du style "science-fiction" que dans quelques centres
privilégiés.
En
conclusion, " Laissez-les Vivre " voit d'un oeil favorable
les ponctions amniotiques, faites au 3o trimestre de la grossesse
dans le but d'accoucher, à la date la plus favorable un
bébé atteint par l'incompatibilité rhésus,
par contre l'Association demande à ses amis et sympathisants
de refuser les ponctions, faites au 2o trimestre de la grossesse,
dans le but d'éviter, par l'avortement, la naissance d'un
enfant jugé anormal.
Ces
conclusions, bien sûr, ne sont que provisoires liées
à l'état actuel de la pratique médicale.
Elles changeraient, cela va de soi, si dans l'avenir, la malformation
découverte par ponction pouvait réclamer avant la
naissance, un traitement médical.
P.
Vignes
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, mars 1976
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