Depuis
que le problème de l'avortement a envahi notre société,
beaucoup de gens, au sein d'associations, se sont efforcés
de lutter contre ce fléau en prenant la défense
des enfants, victimes désignées de l'avortement.
Par contre, un fait a été souvent occulté
: c'est que l'avortement fait en réalité deux sortes
de victimes : l'enfant, bien sûr, mais aussi la mère.
Sans doute est-ce à cause du rôle joué par
les groupements "féministes" dans la légalisation
de l'avortement, réclamée par eux comme un élément
indispensable de la libération de la femme : c'est soi-disant
les femmes qui réclamaient "le droit de disposer de
leur corps", donc ce sont elles qui en étaient et
bénéficiaires et responsables. D'où parfois
une certaine hostilité contre elles qui a pu être
à l'origine d'une mauvaise image de marque des mouvements
pour le respect de la vie. Les milieux religieux notamment estimaient
que leur refus de l'avortement manquait de charité pour
les femmes confrontées à de réelles difficultés.
Il
faut noter pourtant que ces milieux eux-mêmes se trompaient
en croyant que c'était faire uvre charitable que
de leur faciliter l'avortement. L'expérience prouve qu'aucune
justification extérieure ne peut empêcher une femme
qui a avorté de se sentir coupable : sa conscience reste
exigeante même quand son entourage ne l'est plus. Même
les médecins ont du mal à le comprendre, sauf sans
doute quelques psychiatres. Dans une conférence faite au
Japon, Wanda Poltawska, psychiâtre à Cracovie,
avait très bien expliqué Que l'avortement entraine
toujours, à des degrés divers, et pas toujours immédiatement
(souvent à l'occasion d'événements postérieurs),
des troubles psychiques et que, contrairement à ce qu'on
a prétendu, le sentiment de culpabilité ressenti
n'est pas du tout lié à des pressions extérieures,
sociales ou religieuses. C'est ce que prouve l'expérience
du Japon, où l'avortement est depuis longtemps autorisé,
et où les femmes, qui ne sont pas catholiques, développent
ce même sentiment pour décharger leur conscience,
un "temple des enfants" a été construit
où elles apportent les restes de leurs enfants avortés
et y font des pélerinages à caractère pénitentiel.
Est-il si difficile d'expliquer ce remords ? Il a ses racines
au plus profond de la nature humaine et surtout féminine.
Comme l'indiquait Wanda Poltawska, l'enfant est un mystère
profond de la vie et une femme est profondément impliquée
dans ce mystère en vertu de sa maternité, qu'elle
en soit consciente ou non. Jean Guitton a écrit :
« La mère prépare dans son corps un
être appelé à l'éternité et
prend part ainsi au plus grand événement du monde.
C'est ce qui constitue la vraie grandeur de la femme en tant que
mère. Et la destruction de cet être entraÎne
sa propre destruction ».
Une
étude faite au Danemark en 1981, sur 100 000 femmes
ayant avorté, indique que 60 à 70 % ont un sentiment
de vide et de chagrin profonds, 15 % souffrent de troubles psychiques
graves, 1 à 5 % sont en hôpitaux psychiatriques.
Sur 4 000 femmes ayant tenté de se suicider, 45 %
avaient subi un avortement. En effet, une dépression chronique
est fréquente et amène à l'idée du
suicide.
En
général, les médecins, ou les maris, tentent
de consoler ces femmes en minimisant leur acte. Il s'en suit un
refoulement et une terrible solitude, car elles se rendent compte
que personne ne comprend le mal qui les ronge. En réalité,
elles ont besoin d'avouer, de faire saisir l'étendue de
leur désarroi.
C'est
ainsi que, dans les pays anglo-saxons (Australie, Etats-Unis),
il existe des associations créées par des femmes
ayant subi des avortements (W.E.B.A. : Women Exploited
By Abortion) qui essaient d'informer les autres femmes et
de les aider à éviter le piège dans lequel
elles sont elles-mêmes tombées. Des groupements de
plus en plus nombreux interviennent aussi auprès de celles
qui souffrent du traumatisme de l'avortement (le P.A.S. :
Post Abortion Syndrom), car celles-ci sont également
de plus en plus nombreuses.
En
France, nous commençons à voir arriver à
nous de ces femmes blessées qui ne savent à qui
s'adresser pour confier leur peine. Il faut pouvoir les accueillir,
comprendre la gravité de leur blessure et tenter de leur
redonner l'espérance. Une psychologie améri-caine,
le Dr. Susan Stanford, a connu cette situation et s'est
engagée, depuis sa guérison, au service des femmes
qui souffrent des suites d'un avortement. Catholique, c'est la
Foi en la miséricorde de Dieu qui l'a sauvée, dit-elle;
en croyant au pardon de Dieu, elle est arrivée à
se pardonner elle-même. Elle constate que la guérison
est plus difficile pour les femmes qui n'ont pas la Foi, mais
que souvent elles reviennent à Dieu par le biais de cette
guérison (1).
Se
mettre au service des autres femmes qui ont été
confrontées à ce drame de l'avorte-ment, ou qui
risquent de l'être, est une manière aussi de se réhabiliter,
de réparer sa faute. « Je crois que le Seigneur
utilise souvent nos plus profondes blessures pour venir en aide
aux autres » écrit Susan Stanford. Nos S.O.S.
ont parfois rencontré de ces cas.
Pour
conclure, je crois que la révélation de cette face
cachée du fléau de l'avortement est très
importante. Elle démontre que le seul argument avancé
pour légaliser l'avortement, l'amélioration de la
condition féminine, est un odieux mensonge. Les vrais "féministes",
ce sont nous qui refusons la tentation que constitue la loi Veil
pour la future maman en détresse et réclamons, à
la place de cette loi, des mesures d'accueil pour les mères
et leurs enfants en toute circonstance, la seule solution capable
de préserver leur fierté et leur dignité.
Ceux qui incitent les jeunes à une sexualité débridée,
cause de nombreuses grossesses difficiles à assumer, et
leur présentent l'avortement comme une simple alternative
à la maternité sont des criminels: ils poussent
les femmes à tuer leurs propres enfants et, ce faisant,
à se détruire elles-mêmes, car elles touchent
à la structure très profonde de leur féminité,
atteignant jusqu'à leur âme.
(1)
Susan Stanford a écrit un livre ou elle raconte sa propre
histoire : Une femme blessée (Éd. Fayard/
Le Sarment).
F.Rollin
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, mars 1990
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