II
s'agit d'une suite des positions prises dans notre article " Équité
et question démographique".
Traduire un principe en mesures concrètes est de difficulté variable,
mais est absolument indispensable, sinon le principe reste lettre
morte.
Il
y a un certain nombre de moyens pratiques d'aboutir à l'équité
dans la question démographique, c'est-à-dire à la disparition
de l'énorme prime financière de fait donnée actuellement au groupe
dont le comportement aboutit à la destruction de la Nation et,
d'autre part, de parvenir à une véritable liberté.
Parmi
ceux-ci il en est un que nous voudrions développer dès maintenant.
II concerne la question des retraites.
II
y a dans ce domaine quelques vérités premières qu'il importe de
rappeler. Les cotisations versées pour les retraites par les personnes
en activité fournissent une somme d'argent qui sera consommée
par les retraités, somme qui est d'autant plus importante que
le montant individuel des cotisations est plus élevé et qu'il
y a plus de cotisants. Ceci est évident. Mais il y a un autre
fait tout à fait fondamental. L'argent utilisé par les retraités
ne garde sa valeur que dans la mesure où pendant la consommation
de la retraite, l'activité, c'est-à-dire la production, continue.
C'est cette production qui cautionne la valeur des signes monétaires
utilisés par les retraités. Si cette production s'effondre, l'argent
les signes monétaires utilisés par les retraités
perd toute valeur.
Par
rapport aux retraités, les adultes en activité sont soit leurs
propres enfants, soit les enfants des autres, si ces retraités
n'en ont pas. Ceci est absolument capital et doit absolument être
compris.
On
sait que le problème des retraites est fortement agité actuellement.
C'est pourquoi il nous a paru opportun de préciser maintenant
quelques autres points fondamentaux.
Fonder
une famille, c'est renouveler le moteur humain de production de
la Nation. Ceci a la signification, nous l'avons démontré par
ailleurs, d'un investissement à long terme.
On
voit déjà les implications que cela comporte dans la question
des retraites. Pas de renouvellement des adultes producteurs,
chute de la masse des cotisants et des cotisations, baisse nominale
des retraites et baisse réelle encore plus importante par dévaluation
(les signes monétaires ne gardent leur valeur que s'il y a parallélisme
entre la masse des signes et la masse de la production. Si Ici
production s'effondre, la valeur des signes s'effondre).
Mais
dans notre propos d'aujourd'hui, nous voulons insister sur un
autre point.
Un
couple salarié fonde une famille, 4 enfants par exemple.
II fournit 2 cotisations retraite dans l'immédiat et jusqu'à
ce qu'il prenne sa propre retraite (40 ans par exemple),
mais il suscite, en outre, 4 cotisations retraite supplémentaires
qui seront versées dans 20 ans et pendant 40-(45) ans par
ses enfants. Ses 4 enfants dès leur insertion dans le travail
vont en effet payer 4 cotisations retraite pendant 40-(45)
ans (schématiquement).
Ce
couple, ces deux personnes, fourniront donc directement et indirectement
6 cotisations de retraite pour 40-(45) ans. Ces six cotisations
de retraite sont sorties de ses décisions et de son comportement
en matière familiale.
Un
couple de salariés sans enfants fournit 2 cotisations de retraite
dans l'immédiat et pendant 40-(45) ans (jusqu'à sa propre retraite).
En
somme, dans les deux exemples choisis, deux personnes fournissent
2 cotisations de retraite pendant 40 ans et en suscitent
4 pendant 40 ans, soit 6 au total et les 2 autres fournissent
2 cotisations de retraite pendant 40 ans, et c'est tout.
Ceci
est une évidence à laquelle on est obligé de se rendre, mais comportant
des conclusions pratiques qu'il est indispensable de tirer, ce
qui n'a pas encore été fait avant cet article, nous nous empressons
de le dire, carence qui représente une iniquité profonde au préjudice
du couple qui fournit les 6 cotisations dans l'exemple choisi.
Prenons, par exemple, un pays malthusien qui renonce au renouvellement
de sa population, accepte un vieillissement de plus en plus marqué
puis non récupérable en se fixant comme idéal : 2 enfants
par ménage. Imaginons, simple hypothèse, que sur 20 millions
d'adultes 10 millions ne soient pas remplacés, le renouvellement
étant assuré uniquement par les autres 10 millions. II faut
dans cette hypothèse, pour obtenir 2 enfants par couple,
les 10 premiers millions (5 millions de couple) n'en ayant
aucun, que les 10 millions d'autres, soif 5 millions
de couples, aient tous 4 enfants par couple. Imaginons aussi
que ces couples soient tous salariés et cotisants. Cette situation
aboutit au bout de 20 ans à la production de :
10 millions de cotisations pour la moitié non remplacée ;
10 millions de cotisations directes pour la moitié
remplacée ;
20 millions de cotisations (4 x 5 millions) par
les enfants des couples de la deuxième catégorie.
Sur
ces 40 millions de cotisations secrétées au bout de 20 ans, 10
sont payés par la moitié de la population adulte non remplacée,
30 sont payés par la moitié de la populeüon adulte remplacée et
ses enfants.
Des
10 millions d'adultes non remplacés dépendent 10 millions
de cotisations, des 10 millions d'adultes ayant 4 enfants par
couple et assurant 2 enfants en moyenne par ménage dépendent 30 millions
de cotisations. La première moitié ne s'acquitte que du ¼
des cotisations, la deuxième moitié paye ou est à l'origine du
paiement des ¾ des cotisations.
Comment
peut-on considérer l'enfant que vous avez et qui dans 20 ans,
devenu adulte, va payer une cotisation retraite pendant 40 (ou
45 ans, selon l'âge de la retraite) ? Son existence
est un mécanisme qui, au bout de 20 ans, va secréter une
cotisation retraite pendant 40 (45) ans.
Ceci
a une équivalence. C'est la somme qui, placée, fournirait une
cotisation retraite pendant 40 ans. L'enfant met 20 ans à
être capable de secréte"elfe cotisation. Cette somme devrait donc
être constituée en 20 ans.
Si
cette somme est payée sous forme d'une cotisation annuelle, comme
la cotisation retraite, si elle est le montant de la cotisation
retraite payée pendant 40 ans elle ne donne qu'une demiretraite.
Pour qu'elle donne en 20 ans ce que l'autre donne en 40 ans,
son montant doit être double au moins, toutes choses égales
par ailleurs, et en réalité un peu plus du double, car les intérêts
ne courent que pendant 20 ans pour le versement le plus ancien,
alors que pour la cotisation retraite ils courent pendant 40 ans
pour le versement le plus ancien. Bref, les chiffres exacts sont
à calculer par les mathématiciens.
Cette
cotisation annuelle spéciale qui fournira au bout de 20 ans,
40 ans de cotisation retraite doit donc être environ le double
de la cotisaticn retraite. Arrêtons-nous provisoirement sur cet
montant annuel double de la cotisation retraite et appelons la
cotisation retraite équivalence-enfant (C.R.E.E.).
La
discussion porte d'ailleurs sur les principes et le reste de l'étude
déborde le cadre de cet article.
Le
couple qui a 1 enfant et paye 2 cotisations retraite et le couple
sans enfant qui paye 2 cotisations retraite plus la cotisation
spéciale ci-dessus équivalente au bout de 20 ans à 40 ans
de cotisation retraite se trouvent sous l'angle cotisation-retraite
à égalité. Mais ils ne le sent pas sous l'angle valeur des signes
monétaires parce que l'enfant devenu adulte ne sera pas qu'un
payeur de cotisations-retraite. Par sa production il maintiendra
la valeur des signes monétaires pendant 40 ans, période recouvrant
la deuxième moitié de la période d'activité de ses ascendants
et 20 années de leur période de retraite et de celle des
couples sans enfant, alors que les signes monétaires des retraites
perdent toute valeur quand la production n'existe plus.
Donc,
même si les couples sans enfant s'acquittent de leur cotisation-retraite
plus de la cotisation spéciale équivalence-enfant, ils ne maintiennent
pas la valeur des signes monétaires pendant leur retraite, alors
que les couples avec enfants la maintiennent et ceux-là sont encore
redevables à ces derniers de ce maintien de la valeur des signes
monétaires pendant leur retraite.
Mais
ne compliquons pas la discussion et restons sur la notion d'égalité
devant les retraites grâce à cette cotisation spéciale équivalence-enfant
qui doit être créée au nom de la justice la plus élémentaire.
A
ce stade de la discussion plusieurs remarques s'imposent.
La
masse des cotisations de retraite est fonction de ce qu'on veut
qu'elle soit, c'est-à-dire du niveau de vie qu'on veut donner
aux retraités, mais aussi de ce qu'elle peut être en fait, c'est-à-dire
de la capacité cotisante et du nombre des cotisants.
Pour
réaliser l'équité, il faut que les deux parties de la population
sans et avec descendance contribuent également
aux cotisations retraite.
Il
y a à ce stade en réalité deux éventualités.
Dans
l'exemple choisi, 10 millions d'adultes sans descendance, et 10
millions d'adultes formant 5 millions de couples ayant chacun
4 enfants, soit pour la population totale 2 enfants pour 2 adultes,
les premiers payent 2 cotisations pour 2, les seconds payent 2
cotisations pour 2 mais en suscitent 4 en plus.
Pour
assurer l'équité il faut que les adultes sans descendance payent
leur cotisation, plus la cotisation équivalence-enfant.
Si
le couple avec descendance (4 enfants) suscite 4 cotisations,
l'autre couple doit payer aussi 4 cotisations équivalence-enfants.
Ainsi les deux variétés de couples suscitent le même nombre de
cotisations retraite. C'est une manière de réaliser l'équité.
Mais
cette solution fournirait non pas 40 millions de cotisations (10+
10 = 20 par les enfants de la deuxième catégorie) mais 60 millions.
Ceci donc augmente de 50 % la masse financière retraite.
Ceci peut parfaitement être admis dans la perspective d'une élévation
des retraites. Si l'on n'augmente pas l'objectif retraite, il
reste quand même un moyen de réaliser l'équité.
Toujours
dans l'exemple choisi (10 millions sans enfant, 10 millions formant
5 millions de couples ayant 4 enfants par couple), il faut que
le couple sans enfant paye ses cotisations propres plus 2 cotisations
équivalence-enfant, et le couple avec 4 enfants qui paye ses 2
cotisations propres et a 4 enfants fournisseurs de 4 cotisations
voit son paiement diminué de 2 cotisations équivalencesenfants.
Avec cette diminution de 2 cotisations équivalence-enfant l'équité
est réalisée.
Ce
que doit payer en plus le couple sans enfant et ce que doit payer
en moins le couple avec enfants dépend du nombre moyen (n) d'enfants
par ménage (réel ou voulu par la politique) et peut être mis en
formule générale. Un exemple va nous le montrer.
Imaginons
maintenant toujours une catégorie sans descendance de 10 millions
d'adultes, une catégorie avec descendance de 10 millions d'adultes
faite de 5 millions de couples mais avec 5 enfants par couple,
ce qui fait une moyenne de 2,5 enfants par couple de l'ensemble
de la population.
Pour
l'équité, il faut que le premier groupe paye deux cotisations
par couple plus 2,5 cotisations équivalence-enfant, que le deuxième
groupe qui paye 2 cotisations et a 5 enfants soit libéré de 2,5
cotisations équivalence-enfant.
Si
n est le chiffre moyen d'enfants par couple fictif, nb le nombre
d'enfants réel du couple, le couple sans enfant doit payer 2 cotisations
plus n cotisations équivalence-enfant, le couple avec enfants
doit payer 2 cotisations plus n cotisations équivalence-enfant
moins nb cotisations équivalence-enfant.
Ce
faisant ce dernier paye ce qu'il doit, à savoir ses deux cotisations
propres plus n-nb équivalence-enfant, ce qui le ramène, dans l'exemple
chcisi n = 2,5 ; nb = 5 ; n-nb --2,5 à 2 cotisations
moins n (- 2,5) cotisations équivalence-enfant. La formule générale
de paiement de cotisations de retraites est :
Deux
cotisations retraites + n cotisations retraites équivalence-enfant
- nb cotisations retraites équivalence-enfant.
Si
l'on ramène les cotisations à l'individu et non au toupie (il
y a des célibataires), l'individu sans descendant doit payer une
cotisation retraite + n/2 comisations équivalence-enfant et chaque
parent isolément paye une cotisation + (n - nb)/2 cotisations
équivalence-enfant.
Nous
avons volontairement pris dans nos exemples des chiffres de descendance
nettement malthusiens : 2 enfants en moyenne par couple fictif
(nous comptons deux célibataires de sexe différent comme un couple)
n'assure pas le renouvellement de la population et la laisse aller
à un vieillissement croissant, 2,5 enfants assurent juste le renouvellement
(mais 2,5 enfants par couple fictif c'est 5 enfants par couple
réel si seulement un adulte sur 2 a une descendance). Même dans
ce contexte nettement malthusien, on ne voit aucun motif de droit,
de justice, d'équité, aucun principe constitutionnel, aucune loi
de la République qui peut justifier qu'une moitié de la population
adulte ne paye que le ¼ des cotisations et que de l'autre
moitié en découle directement ou indirectement les ¾. Ceci
témoigne d'une iniquité et d'un favoritisme exorbitant en faveur
du groupe de la mort nationale (il faut appeler les choses par
leur nom et ne pas avoir peur des mots vrais). Ceci voudrait dire
que le pouvoir veut tomber au-dessous de ces chiffres absolument
malthusiens et qu'il veut imposer par l'iniquité une politique
suicide.
Donc,
même avec des ambitions malthusiennes, l'équité impose la révision
du système des retraites, et le système de compensation que nous
avons vu.
Ce
système assure dans son domaine l'équité et la liberté véritable
de conscience dans la question démographique.
En
effet, il n'y a pas de liberté de conscience quand le choix dans
un sens est appuyé par une prime financière quelle qu'elle soit
et a fortiori massive.
Aujourd'hui
la prime de fait contre la vie en faveur de la mort nationale
réalisée en fait par les dispositions gouvernementales double
le niveau de vie au moins.
Nous
savons que ce pays est morbide, avide de toutes les décadences.
II n'est quand même pas prouvé que ce suicide national, après
le stade nation-hospice, soit véritablement conforme à (a volonté
du peuple, à condition bien sûr qu'on ne le trompe pas et qu'on
ne lui raconte pas n'importe quoi pour l'abuser. II est quand
même possible qu'une certaine fraction veuille survivre. Elle
en a le droit et son choix ne doit pas être l'objet de pressions
financières même discrètes, a fortiori énormes. La suppression
des avantages financiers donnés au groupe de la mort assure la
liberté de choix, la liberté de décision et la véritable liberté
de conscience dans cette affaire. C'est une condition formelle.
Le point discuté aujourd'hui est une contribution au problème
général de l'équité et de la liberté de conscience dans la question
démographique. Enfin, ce système de stricte équité a un autre
avantage majeur pour nous qui n'appartenons pas au groupe de la
mort et luttons depuis des années pour arracher ce pays à la déchéance
et considérons qu'il faut absolument arrêter le vieillissement
et ramener la population à un âge moyen moins élevé.
Dans
l'époque actuelle, où la nature ne force plus la main au couple
et où il peut rester stérile dans 100 % des cas, il faut
un véritable courage chez beaucoup pour dire de sang-froid :
à partir de maintenant pour avoir une famille je diminue de moitié
mon niveau de vie. Les prestations familiales, le quotient, sont
beaucoup trop insignifiants pour compenser ce phénomène et amener
une décision volontaire dans ce sens.
Et
l'essentiel est de commencer la famille.
Si
tant que le couple n'a pas d'enfant, il paye 2 cotisations de
retraite plus n cotisations retraite équivalence-enfant (n est
le chiffre moyen d'enfants par ménage fictif et la cotisation
retraite équivalence-enfant est en gros le double de la cotisation
retraite), si lorsque il y a un enfant il paye 2 cotisations retraite
plus n-1 cotisation retraite équivalence-enfant, il y a un changement
très appréciable sur le plan financier, une équivalence-enfant
vaut 2 cotisations retraite ce qui veut dire que un enfant le
libère complètement des cotisations retraite. Ceci représente
un changement brusque pouvant avoir un rôle déclenchant pour le
commencement de la famille. A partir du moment où les cotisations-équivalence
soustraites par l'arrivée des enfants dépassent le montant des
cotisations retraite il reçoit la différence comme un apport s'ajoutant
aux prestations familiales.
II
ne s'agit pas là d'incitations arbitraires, comme on le voit dans
de nombreux domaines mais de l'application stricte des principes
de justice et d'équité dans cette question.
Ce
n'est pas une faveur faite aux familles c'est un retour à l'équité
et encore il faut le dire un retour partiel seulement puisque
rien ne peut remplacer le service que la famille rend au pays
et aux ménages sans enfant, à savoir le maintien de la valeur
des signes monétaires pendant la retraite.
Même
en allant au-delà de l'institution de la cotisation retraite équivalence-enfant
calculée comme on l'a vu, on ne peut remplacer ce service irremplaçable
au sens propre du terme. Le ménage sans enfant même en payant
ces deux types de cotisations est encore débiteur du ménage avec
enfants.
L'institution
de cette cotisation retraite équivalence-enfants est un pas vers
l'équité mais un pas seulement, mais c'est déjà une révolution
de la justice et une révolution, il faut bien le dire, dans le
système des retraites.
Dr
Emmanuel-Charles TREMBLAY
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, juin 1972
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