La
démographie prévient ceux qui la connaissent. Elle
est impitoyable pour ceux qui l'ignorent. Elle dit 20 ans à
l'avance ce qui va se passer et dit 20 ans à l'avance ce
qu'il faut faire pour parer à l'événement.
Si
vous ne l'écoutez pas, tant pis pour vous, c'est sans appel.
Elle devrait être une matière obligatoire pour les
hommes politiques et les hauts fonctionnaires de l'État
et pour la classe médiatique. Le politicien vit dans le
court et le moyen terme, préoccupé essentiellement
par sa réélection, rarement dans le long terme.
Seuls, les véritables hommes d'État ont le sens
du long terme. Or, la démographie joue essentiellement
sur le long terme pour ses effets fondamentaux, bien qu'il y ait
des effets presque immédiats, mais en général
pas décisifs et peu perceptibles au début. Un chapitre
essentiel concerne les relations économico-démographiques
qu'il serait indispensable que les responsables et les décideurs
connaissent spécialement bien.
Les
choses sont ce qu'elles sont. La mode est à l'ignorance
en la matière. Et il y a des démographes courtisans
qui ne veulent pas déplaire aux hommes politiques en place,
et qui savent ne pas parler de ce que tous les démographes
savent, parce que ça gêne, c'est dérangeant
pour les politiciens, pour la mode, pour l'opinion, aussi ignorante
qu'une bonne partie du corps politique, dérangeant aussi
pour les grandes influences politiques internationales, qui se
servent d'éléments de démographie,comme un
moyen essentiel d'action politique et plus précisément
de haute politique, de géopolitique supérieure.
Pour
parer à 2006, il y a des mesures à prendre dès
1986, car il faut vingt ans pour faire un homme. Nous sommes déjà
fin 1987. Après il est trop tard. 2006 sera ce qu'il sera
sans que les corrections soient apportées. Mieux vaut tard
que jamais. Mais le plus tôt sera le mieux. Et si l'on est
déjà en retard, raison de plus pour faire vite.
Des
défis, l'Histoire en est pleine. Mais quand un peuple et
surtout ses dirigeants font ce qu'ils doivent, ils s'arrangent
pour être dans la meilleure situation possible face à
l'événement, et les choses se passent bien, ou le
moins mal possible. Mais, quand l'aveuglement est la qualité
maitresse de toute une population, alors on peut tout craindre.
1992
- 1993 sont déjà des défis très importants,
apparemment économique pour le premier (1992), mais déjà
en fait démographico-économique, le 2e (1993) étant
démographico-économique. Curieusement, pour ces
deux là, c'est maintenant aussi qu'il faut prendre sans
attendre les mesures non seulement nécessaires, mais formellement
indispensable. C'est maintenant, comme pour 2006-2020.
Ici,
nous ne faisons pas de démagogie, nous sommes sans complaisance.
La vérité protège, et elle protégera
le peuple français, s'il veut bien, lui, ouvrir les yeux.
1992 :
C'est l'ouverture du grand marché libre européen,
où la concurrence jouera à plein. Malheur à
qui n'est pas compétitif. Il s'agit d'un marché
de 320 millions d'habitants, mais pour les non-compétitifs,
il ne restera que les miettes, la moitié de la France et
encore.
Or,
précisément, l'industrie française a un très
mauvais rang sur le plan de la compétitivité, et
sauf quelques secteurs de pointe, (il faut rendre hommage aux
efforts faits notamment par les industriels de l'automobile qui
font de louables efforts) elle perd constamment des parts de marché.
Le déficit du commerce extérieur (surtout industriel,
mais pas seulement) serait, si le dollar était encore à
11 F et le pétrole à ses plus hauts prix, aussi
important sous le gouvernement CHIRAC qu'aux premiers temps des
gouvernements socialistes (sous MAUROY).
Or,
la France se caractérise par un sous-investissement chronique,
investissement très insuffisant en tous cas pour assurer
la compétitivité avec les grands. Ce sous-investissement
chronique est lié certes
à une certaine psychologie, à une méconnaissance
des impératifs économiques, mais surtout à
des charges sociales très élevées liées
à une structure démographique particulière,
à savoir un vieillissement démographique très
élevé et rapidement croissant. Si le Gouvernement
a pris des mesures pour faciliter la vie des entreprises, il a
par contre notablement diminué les subventions à
l'industrie. Il maintient l'obstruction à la création
et à l'extension des entreprises dans un quart de l'économie
française une administration dirigiste est spécialement
chargée de cette obstruction que le gouver-nement précédent
avait diminué par son décret n° 85-47 du 14 janvier
1985 (J.O. du 15 janvier 1985). Et, savez-vous ce qui vient
d'être fait ? La taxe contre l'investissement, qui aurait
du être purement et simplement supprimée et en urgence,
vient d'être plus que doublée dans cette même
partie de l'économie, faisant perdre de nombreux milliards
de travaux à l'économie française, des dizaines
de milliers d'emplois et plusieurs, milliards lourds de déficit
supplémentaires à la Sécurité Sociale
et tout cela sous des prétextes fallacieux. Un tel contresens
doit être corrigé d'urgence. Ce n'est pas ainsi que
l'on prépare 1992.
1993
: Il y a d'ici cette date encore 6 grandes générations
nées dans la période 1946 - 1973 à incorporer
dans le marché du travail. Ces générations
avaient, à 20 ans, un effectif supérieur de plus
de 300 000 aux quinze générations d'avant 1946.
En admettant un emploi féminin de seulement 50 % (il est
environ de 70 % actuellement, nous sous-estimons donc pour ne
pas être accusés de grossir les chiffres), ceci suppose
150 000 emplois masculins + 75 000 emplois féminins,
soit 225 000 emplois nouveaux par an à créer
pendant 6 ans pour leur incorporation dans le marché du
travail, soit 1 350 000 d'ici 1993. Comme la création
d'emplois est pratiquement nulle, et on n'hésite pas à
la torpiller par un plus que doublement de la taxation de l'investissement
dans le tertiaire de la locomotive économique française,
il faut prévoir sans un réaménagement profond
de la politique encours, et notamment la suppression sans délai
de cette taxe contre I!investissement, 1 350 000 chômeurs
à ajouter aux 3 200 000 actuels réels
(2 700 000 inscrits + 500 000 fin de droit + les
TUC (environ 300 000, sous emplois payés au-dessous
du chômage) + les pré-retraites très anticipées
+ les stages de réinsertion de reclassement (qui dégonflent
les statistiques et ne sont pas des emplois), soit 4 500 000 chômeurs
effectifs au moins en 1993. C'est-à-dire dans la période
de confrontation sans obstacle avec les pays hautement compétitifs.
Ce chiffre alourdit les charges sociales très sensiblement
et diminue à lui seul la compétitivité des
entreprises françaises. C'est pourquoi, c'est un défi
de plus.
La
démographie permettait de connaître d'avance ce fait
très exactement depuis 14 ans, et donc d'agir en conséquence,
ce qui n'a pas été fait. Et même en 1987 ,le
gouvernement vient de frapper fortement l'investissement (taxe
plus que doublée) dans toute l'Île-de-France, diminuant
les commandes passées par l'Île-de-France à
la province. donc effet induit déprimant en province aussi
et cela malgré ces faits parfaitement connus.
Le
système socio-familial restreint (2 salaires 2 retraites
0, 1 ou 2 enfants) est financièrement hautement
privilégié (précisément 2 salaires
2 retraites et très peu de charges), par rapport
au système qui assure l'avenir (1
salaire, 1 retraite, 3,4 enfants ou plus) Ce système
s'est fortement développé de 1975 à mai 1984
(d'après l'I.N.S.E.E. 1 130 000 femmes
étant passées du 2ème système dans
le premier).
Comme
ce système est puissament favorisé financièrement
(niveau de vie passant du simple au double ou plus), il est logique
de penser qu'il va continuer à se développer, comme
le fait tout processus activement poussé par la conjoncture
et spécialement par l'argent.
De
combien va-t-il progresser ? Personne n'en sait rien. Il
reste 3 800 000 femmes hors de ce système. Si
l'on admet que seulement la moitié veulent y entrer par
exemple 2 000 000 sur 3 800 000 pour faire
un compte rond, ceci représente 2 000 000 de
femmes de plus qui vont devenir demandeurs d'emplois, se présenter
sur le marché du travail et s'inscrire au chômage.
Comme
on admet qu'il y a un enfant de moins chez les femmes actives
à l'extérieur que chez les femmes au foyer (Pierre
CHAUNU Le Figaro du 28 février 1985),
le marché de consommation va encore se restreindre avec
un accroissement de la dénatalité, d'ou facteur
supplémentaire de chômage.
Dans
une économie qui dans son rythme actuel ne crée
pratiquement pas d'emplois(1) et en supposant que 1992 ne se termine
pas en catastrophe économique aggravant toutes les prévisions,
on peut avancer que, si rien n'est fait pour enrayer ce processus,
nous allons dans les 10 - 15 ans qui viennent vers 4 500 000
+ 2 000 000 : 6,5 millions de chômeurs, soit 6
à 7 millions à ± 500 000 près.
Cette hypothèse est inacceptable, et bien entendu tout
doit être fait, comme le demande inlassablement Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères pour enrayer ce mécanisme
qui nous conduit vers (1987 + 10= 1997 ; 1987 + 15= 2002) 1997
- 2002 à cette situation dans le meilleur des cas (passage
avec succès de l'épreuve 1992).
2006
- 2020 : D'autres faits interviennent d'ici 2006, et à
partir de 2006, très exactement deux processus simultanés.
D'une
part, le nombre des adultes actifs, support de l'économie
va ralentir sa progression dès 1993 pour bientôt
l'arrêter et diminuer par passage à l'âge adulte
des générations fortement amputées par la
nouvelle dénatalité importante installée
depuis 1973, et pas encore corrigée actuellement, entraÎnant
à partir de 1974 inclus un non-renouvellement important
des générations toujours en cours.
D'autre
part, le nombre des personnes âgées, après
une légère baisse des 65 ans et plus entre 1980
et 1985, mais une hausse des 60 ans et plus dès 1980 (9 158 000
en 1980 - 10 274 000 en 1987(2) et une augmentation
rapide dès 65 ans et plus à partir de 1985, va globalement
augmenter rapidement jusqu'à 2006, et subir, dès
2006, une accentuation considérable de la hausse par arrivée
à l'âge de la retraite des grandes générations
nées à partir de 1946 inclus (1946 + 60 = 2006).
En 2020, on estime à 16 millions, au lieu de 10, le nombre
des plus de 60 ans (estimation I.N.S.E.E. probablement
sous-esti-mée), l'augmentation se poursuivant fortement
jusqu'en 2033 (1993 + 40 = 2033), pour se ralentir après.
Autrement
dit, c'est au moment oule support de l'économie (la population
adulte active) va se restreindre le plus, que les charges vont
augmenter massivement, si rien de très important n'est
fait :
d'un côté entre 6 et 7 millions de chômeurs
à indemniser (cout 4 milliards lourds pour la Sécurité
sociale par tranche de cent mille chômeurs: faites le compte).
de l'autre, 6 millions de retraités de plus, soit
une augmentation de 60 % des cotisations retraite (passage de
10 à 16 millions de 1987 à 2020) allant de pair
avec une augmentation à peu près comparable des
charges médico-pharmaceutiques vieillesse (qui comme on
le sait sont 4 à 5 fois plus élevées que
celles de l'adulte actif entre 20 et 40 ans).
Ceci signifie que cette population adulte restreinte, fruit de
la dénatalité installée à partir de
1973 va être littéralement ecrasée par les
charges du du viellissement de la population charges medico-pharmaceutiques
de la vieillesse).
Ce
qu'on connaît actuellement sur le plan Sécurité
sociale est sans aucune commune mesure avec ce que l'on va connaître
d'ici 2006 et encore 2006 et 2020 (et même 2033).
Cela
signifie,
et c'est encore plus grave, que la capacité d'investissement
de cette population adulte restreinte et ecrasée par les
charges va non seulement diminuer, mais s'effondrer complètement,
et qu'elle va perdre ainsi toute capacité compétitive
dans la concurrence internationale, ce qui veut dire que la défaite
économique est certaine, avec bien entendu effondrement
du niveau de vie. C'est un mécanisme de sous-développement
d'un nouveau genre, lié au vieillissement accélére
de la population, à la dénatalité et au non-renouvellement
des générations.
Voilà
ce qui va se passer, si on ne veut rien endre, si on veut ignorer
la démographie et autres les relations économico-démographiques.
C'est
ce que j'avais commencé à expliquer dès 1958
au moment des premières offensives malthusiennes internationales
dans mon livre Croître ou Mourir (Edition Berger-Levrault)
préfacé par le Professeur Alfred SAUVY, Professeur
au Collège de France et approuvé par le Généra!
de Gaulle dans une lettre manuscrite personnelle reproduite ci-dessous.
C'est ce que je n'ai pas cessé de rappeler dans d'innombrables
articles depuis lors.

Aujourd'hui,
nous sommes au pied du mur, car les chiffres du vieillissement
sont incompressibles et il ne reste qu'une solution: redresser
la natalité dès maintenant (1987), pour qu'en 2006,
la population adulte active cesse de diminuer. Pourquoi dès
maintenant ? Parce qu'il faut 20 ans pour faire un homme et 1987
+ 20 = 2007. Nous sommes dejà en retard d'un an, et ce
que nous disons ne peut au mieux avoir d'effet qu'en 1988 et nous
aurons deux ans de retard (de plus).
II
faut une toute autre politique de l'emploi, une toute autre politique
de l'investissement, une toute autre politique économique,
une toute autre politique familiale, une toute autre politique
en matiere de respect de la vie, des mesures d'une ampleur
sans commune mesure avec ce qui est fait actuellement (3). Mais
ceci sera traité dans d'autres articles et notamment dans
le cadre de l'Union pour une Politique Nouvelle ou les
problèmes économiques trouvent naturellement toute
leur place, alors que ce n'est pas le cas dans le cadre de L.L.V.
SOS F.M., qui s'occupe du respect de la vie et de la
politique familiale et démographique comme moyens indirects
essentiels de luttre contre l'avortement et ne fait qu'effleurer
l'économie.
2006
- 2020 représentent bien un defi majeur incontournable
comme on dit aujourd'hui.
Mais 1992 - 1993 ne sont pas mal non plus et j'en passe, l'autre
rive de la Méditerranée par exemple. Et le plus
étonnant est qu'il faut agir tout de suite et en même
temps il savoir maintenant pour 4 tournants décisifs de
l'Histoire.
(1)
Le solde entre créations et suppressions est pratiquement
nul.
(2)
Bulletin mensuel des statistiques janvier 1987.
(3)
Disons par exemple que pour nous, ce n'est qu'un point parmi d'autres.
Les taxes contre l'investissement .que le gouvernement CHIRAC
vient de plus que doubler (sur proposition de M. MEHAIGNERIE)
sont un scandale absolu, qu'aucun argument, d'aucun ordre
que ce soit ne saurait justifier. Une action est en cours sur
ce point évoquée dans l'encadre de l'article de
juin 1987.
Dr
E. Tremblay
© Laissez-les-Vivre
SOS Futures Mères, octobre 1987
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