Jusqu'ici
la conséquence de l'avortement d'un embryon ou d'un ftus
trop jeune était toujours sa mort, qu'elle résulte
d'un avortement spontané ou qu'elle soit le but de l'avortement
criminel. La mort dépendait des conditions de l'avortement
ou résultait de la plus au moins longue agonie du ftus
qu'on pouvait au non abréger. Certes, il n'est pas encore
possible de réaliser des grossesses in vitro qui
permettraient de sauver des ftus avant le temps où
ils sont devenus des prématurés élevables
en couveuse. Mais on peut cependant déjà retarder
la mort de ces ftus. Du point de vue de leur inéluctable
destin, cela est inutile pet le respect de la vie humaine doit
consister à les laisser ou faire mourir le plus vite possible.
Pourquoi cela ? A cause de la raison même qui fait
revendiquer par certains scientifiques ou médecins le droit
de les maintenir en vie. Il s'agit du droit soi-disant absolu
qu'a l'expérimentateur de ne pas laisser perdre de précieux
cobayes humains. Profiter d'un avortement spontané pour
faire sur un ftus en train de mourir des constatations anatomiques
ou physiologiques au service de l'embryologie est normal. Mais
aujourd'hui, on dispose des moyens techniques permettant de maintenir
quelques jours ou semaines la vie du ftus par la voie du
cordon ombilical, bientôt grâce au placenta lui-même.
C'est au laboratoire que cette vie est maintenue et on peut ainsi
se servir d'un ftus vivant ayant le degré de .réactivité
conforme à son âge (à son cerveau) pour n'importe
quelle expérience, notamment l'influence des médicaments
sur le développement. Bien entendu cette curiosité
scientifique sera utile et aboutira à des découvertes
permettant de prévenir ou de guérir dos monstruosités
plus sûrement que l'expérimentation sur l'animal.
Est-ce
pour cela légitime ? L'expérimentation humaine
n'est acceptable que si elle ne nuit pas, aspect ici négligé
puisqu'il s'agit de ftus obligatoirement voués à
la mort. On dira qu'ils ne sont pas pleinement conscients, mais
combien il faut être prudent quand il s'agit du psychisme
et de l'affectivité d'un ftus. N'est-ce pas la porte
ouverte à l'expérimentation sur les vieillards dans
l'intérêt de la gérontologie, sur les incurables,
les infirmes, etc. ? Il y a plus grave. Les besoins de l'expérimentateur
interviendront dans la date de l'avortement qu'on reculera si
nécessaire en attendant l'embauche de donneuses de ftus-cobayes
rémunérées. Au lieu de profiter d'un avortement,
on fera concevoir des êtres destinés à avorter
dans l'intérêt cette fois de la science.
Mais
en fait cela est déjà réalisé. Au
Colloque du Centre catholique des médecins français,
le Pr Férin rappelait qu'à côté des
banques de spermes on allait vers les banques d'ovules et que
déjà on faisait ovuler des femmes pour leur prendre
leurs ovules par laparoscopie. On a pu ainsi avoir la fécondation
in vitro (notamment Edwards à Cambridge) et obtenir
les premières phases du développement (blastocyste),
mais très vite pour le moment l'embryon meurt. On l'a donc
artificiellement conçu pour le laisser mourir. On nous
parle pour demain de banque de blastocystes humains soit futurs
cobayes, soit destinés à survivre par implantation
dans l'utérus de femmes stériles, ce qui cette fois
serait plus légitime.
Nous protestons violemment contre cette affirmation des droits
absolus de l'expérimentation scientifique sur l'embryon
humain même dans un but d'authentique progrès. L'expérimentation
doit se faire sur l'animal ou sur des organes ou tissus humains
prélevés sur le sujet au cerveau mort qui n'est
plus alors un humain. Tant qu'on n'a pas la certitude difficile
de la mort cérébrale, on doit respectez une vie
pleinement humaine, même celle d'un embryon. On peut expérimenter
(sauf à réfléchir à la morale du prélèvement)
sur spermatozoïdes et ovules ; on n'a pas le droit de
concevoir, que ce soit naturellement ou artificiellement, un être
humain peur le tuer.
Mais ce respect exige qu'on reconnaisse dès la conception
le droit de d'embryon, structure biologique de cérébralisation,
à sa personnalisation. C'est précisément
sur les mêmes erreurs scientifiques et philosophiques que
se fonde le droit de la femme à avorter et le droit du
scientifique à jouer avec les embryons suivant l'expression
de J. Rostand qui alors le contestait au moment de l'affaire Petrucci.
Les embryons non aimés, non désirés n'auraient
pas d'existence humaine, nous disent à la fois d'éminents
biologistes semblant tout ignorer de la génétique
et des philosophes d'avant-garde perdus dans une idéologie
sociologique où l'acceptation d'un "quelque chose"
lui donne une spiritualité humaine.
On
répond donc que le foetus-cobaye ayant pour fonction d'être
cobaye n'est pas humain et que la conception au laboratoire ne
résulte pas du désir du scientifique d'avoir un
enfant ! Paradoxe puisque l'intérêt de l'expérimentation
est précisément dans le fait qu'il s'agit d'un humain.
Au mépris de tout bon sens, le R. P. Roqueplo refusant
l'expérimentation
sur l'embryon naturel destiné à vivre imagine un
embryon in vitro n'en différant que par la volonté
de l'expérimentateur sur qui l'expérimentation est
légitime puisqu'il est fait pour cela. Et il ajoute que
« si l'on prétendait l'interdire au nom de
la foi chrétienne nous aurions, à son avis,
une nouvelle affaire Galilée ». Se poserait
alors l'insoluble problème, sur lequel le Pr Lejeune nous
nous a rappelé que les Américains discutaient, du
moment où on n'aurait plus .le droit d'expérimenter
sur un ftus.
Le
respect de la vie humaine qui nous anime concerne ainsi les conditions
naturelles de la vie foetale dans l'utérus ou en incubateur
(quand il est viable) ; en dehors de ces conditions, il faut
éviter la conception naturelle ou artificielle, il faut
laisser mourir celui qu'on ne peut sauver en le respectant, ce
qui implique de ne pas en faire un objet d'expériences,
même de survie. La recherche scientifique n'a pas tous les
droits.
Pr
P. CHAUCHARD
Avortement et respect de la vie humaine.
Éd. du Seuil, 1972, 2e partie.
Voir
la photo d'une expérimentation suédoise sur ftus
dans Expériences Document, n° 6, Centre Missionnaire,
29 N-Carhaix.
Communication
du Pr Lejeune au Congrès de Versailles.
©
Laissez-les-Vivre SOS Futures Mères, juin 1973
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