Jacques
Dupâquier* : « Une charge, pas une aide »
Propos
recueillis par Vériane de Vézins
Le
Figaro Au moment où l'O.N.U. préconise
l'augmentation de l'immigration pour combler le futur déficit
démographique de l'Europe vers 2050; le Haut Conseil à
l'intégration constate, en France, une progression de l'immigration
non qualifiée...
Jacques
Dupâquier Prévoir
la démographie sur un délai supérieur à
vingt-cinq ans relève de la science-fiction. L'O.N.U.,
qui par le passé a contribué à entretenir
une sorte de brouillard sur les réalités démographiques,
s'est déjà trompée sur le taux de fécondité
européen, qu'elle pensait rééquilibrable
automatiquement, alors que notre continent plonge vers le plancher
d'un enfant par femme. Les mêmes Nations unies avait prédit
pour l'an 2000 au moins sept milliards de Terriens, nous sommes
à peine à six milliards.
L'I.N.S.E.E. a calculé qu'il n'y aura pas de diminution
de l'effectif des actifs avant 2025, quelles que soient les hypothèses
de fécondité, si les paramètres actuels restent
constants (solde migratoire de 50 000 personnes par
an, mortalité en baisse).
A ce moment-là, dans vingt-cinq ans, le pays de haute
technologie que nous sommes aura besoin de main d'uvre qulifiée
pour faire fonctionner son économie. Où la prendre ?
l'Afrique ne forme pas beaucoup de cadres, de techniciens, d'ingénieurs.
On ne peut décemment pas "voler" aux pays en
difficukté leurs cerveaux pour les importer chez nous.
Il
n'y a pas que l'Afrique qui puisse fournir de la main d'uvre,
il y a aussi des pays développés comme l'Inde...
Certes,
mais globalement je crains qu'en 2025 comme maintenant les immigrés
candidats à s'installer chez nous ne soient une charge
pour les sociétés occidentales, pas une aide. En
1997, 5 072 Turcs sont entrés légalement
en France. sur cet effectif, on ne comptait que 79 travailleurs
salariés. Si l'on considère l'immigration en terme
d'emplois, le moins que l'on puisse dire est que l'offre ne répond
pas à la demande. Le taux de chômage parmi les Français
est de 11,1 %. Chez les Européens établis dans
notre pays, il est de 10,2 %. Et chez les non-Européens,
de 28,3 % pour les hommes et de 37 % pour les femmes.
Si l'Europe accueille trop de personnes étrangères
non qualifiées, elle deviendra un continent sous-développé.
Je ne suis pas contre l'immigration, je ne suis pas pour un rideau
de fer. Mais si l'on ouvre les vannes, on précipite la
catastrophe démographique au lieu de l'éviter. un
poids supplémentaire d'immigrants non qualifiés
pourrait faire basculer les comptes de la nation.
Pour
résoudre le problème de vieillissement et de déclin
de notre population, existe-t-il des alternatives à l'immigration
préconisée par l'O.N.U. ?
Oui,
exactement le contraire de ce que l'on fait aujourd'hui :
l'allongement du temps de travail, le retard du départ
à la retraite. C'est la solution la plus indolore qui existe.
Autrefois, les gens vivaient, en moyenne quinze après s'être
arrêtés de travailler, l'allongement de l'espérance
de vie promet aux retraités des vingt prochaines années
environ vingt-quatre ans de désuvrement.
Il n'y a aucun doute sur le vieillissement de notre population
l'I.N.S.E.E. prévoit qur les personnes âgées
de 60 ans et plus, actuellement au nombre de douze millions,
seront dix-sept millions en 2020. Ce problème est
grave et urgent, il aurait fallu prendre des dispositions ad
hoc, car dix ans d'adaptation seront nécessaires pour
instaurer l'allongement de l'âge de la retraite. Faute de
quoi, la faillite du système actuel est inéluctable.
* Membre
de l'Académie des sciences morales et politiques, le démographe
Jacques Dupâquier se prononce pour l'allongement de l'âge
de la retraite, de préférence à la politique
du tout-immigration, préconisé par les Nations unies.
Le
Figaro 13 janvier 2000
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