« Percée
historique », selon l'association des familles
allemandes (DFV), la cour constitutionnelle de Karlsruhe
( cf. Le Monde du 5 avril 2001) vient de censurer
une loi de 1995 instituant, pour le financement de l'aide médicale
à domicile des personnes âgées, un prélèvement uniforme de 1,7 %
sur les salaires.
Estimant que pour pouvoir fonctionner réellement, c'est-à-dire
agir dans la durée, cette assurance nécessite non seulement que
les futurs bénéficiaires versent leurs cotisations, mais encore
mettent au monde de futurs cotisants, les juges allemands ont
demandé au législateur d'amender la loi en vue de réduire la contribution
des parents chargés d'enfants par rapport à celle des célibataires.
Les premiers, en effet, en prenant en charge le renouvellement
des générations, assurent seuls la pérennité du système, alors
qu'il profitera tout autant à ceux qui, n'assurant rien du tout,
et disposant de ce fait au cours de leur vie selon
les calculs du démographe Herwig Birg de quatre
fois plus de moyens qu'un ménage de trois enfants, gagnent ainsi
sur les deux tableaux.
Cette décision, à contre-courant de tous les présupposés malthusiens
qui règnent ailleurs, est l'objet du tir de barrage des haut-parleurs
idéologiques de la caste politico-médiatique. Selon Le Chêne
(N° 18, mai 2001), pour qui des mesures semblables devraient être
prises en France, The Economist objecte qu'il faudrait
en contrepartie augmenter la cotisation-chômage des parents de
familles nombreuses puisque plus ils mettent d'enfants au monde,
plus ils risquent d'augmenter le nombre des chômeurs à la charge
de la société. Cette comparaison est une véritable imposture économique.
Car, avant d'être (éventuellement) des chômeurs, les enfants d'aujourd'hui
sont d'abord les consommateurs de demain, et ce, même à l'âge
de la retraite. Ainsi, pour dire les choses en gros, sans enfants,
pas de consommateurs ; sans consommateurs, pas de production ;
sans production, par d'emplois ; sans emplois, pas de richesse
etc. C'est dire que l'absence de renouvellement des générations
condamne la société au non-être. Le chômage n'est en rien un phénomène
structurel, comme l'est l'existence de la catégorie des gens âgés
: il est le produit de l'application, au niveau mondial, de certains
dogmes économiques et politiques. C'est à la société, au contraire,
de mettre en place les conditions de son propre équilibre, en
sorte que le fait du chômage dépend très largement de ses choix.
Pour en revenir à la décision de la cour de Karlsruhe, rappelons-nous,
au cours des années 1980, la proposition d'Alfred Sauvy,
qui avait fait contre elle l'unanimité de la caste politico-médiatique
de la république, demandant que le taux de retraite soit modulé
selon que le retraité aurait ou non élevé des enfants. L'idée
de Sauvy, idée juste et équitable, anticipant de vingt ans sur
la logique allemande, était que ceux qui ont, au cours de leur
vie active, contribué de leur poche, en assurant le renouvellement
des générations, à assurer la retraite de ceux qui n'y ont contribué
en rien, et ont donc bénéficié d'un niveau de vie bien supérieur,
ne soient pas pénalisés encore par un niveau de retraite trop
inférieur. Que les familles françaises, que les retraités français,
qui entretiennent aveuglément les causes de leurs propres maux,
se préparent au contraire à souffrir beaucoup et longtemps.
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