Dans
le numéro 205 de Renaissance des Hommes et des Idées,
la revue mensuelle de nos amis du Cercle Renaissance
(décembre 2004), le docteur Patrice Planté
revient une nouvelle fois sur le problème de l’assurance-maladie.
Nous confions ce complément de réflexion, par questions
et réponses, à ceux qu’avait intéressé
la précédente analyse du docteur Planté,
constatant la convergence de nos analyses avec la sienne, et insistant
encore une fois sur le fait que la culture de vie, comme son contraire,
la culture de mort, est indivisible.
La
situation de l'assurance maladie n'arrête pas d'étonner
les Français.
Dans le domaine merveilleux de la naissance, le système
français peut être qualifié tout simplement
de lamentable. Une étude récente sur les différents
taux de mortalité maternelle a permis de séparer
les pays européens à "faible" létalité
(taux moyen de 5,9 pour 100 000 naissances) comme la
Norvège (3,3) ou l'Allemagne et un groupe à "forte"
létalité (taux moyen de 10,2) dans lequel se place
la France (11,3). La France appartient malheureusement à
ce dernier groupe avec un taux de mortalité maternelle
à peine inférieur à celui de la Hongrie (11,9).
Et depuis cette étude, on a fermé des maternités,
regroupé administrativement des accouchées, ruiné
ou dégoûté des obstétriciens.
Nous évoquerons à peine les maladies nosocomiales
et les mauvaises pratiques médicales qui tuent beaucoup
plus que la route, les listes d' attente chez les spécialistes,
les IRM et scanners insuffisants, la perte de notre élite
médicale, l'arrêt d'investissement dans la recherche
sur les soins et les médicaments depuis la politique des
génériques. Certains gros établissements
hospitaliers, notamment en Ile-de-France, sont au bord de la faillite.
Face
à cette situation, le consommateur de soins paye, et cher.
Le rapport économique et financier annexé au projet
de loi de finances pour 2005 nous annonce une hausse des prélèvements
sociaux de 6,495 milliards d'euros. Ainsi, on trouve dans
la dernière loi du 13 août 2004 : la franchise
d'un euro par acte médical, la hausse du forfait hospitalier,
l'augmentation à 6,6 % de la contribution sociale généralisée
(CSG) des retraités imposables, etc.
Mais
alors, docteur, c'est grave ?
Et malgré cela, le déficit de la branche maladie
s'est spectaculairement creusé : 2,1 milliards en 2001,
6,1 milliards en 2002 et 11,9 milliards en 2003. Un niveau jamais
atteint.
311
jours dans le rouge
La trésorerie du régime général, très
dégradée, a été dans le rouge pendant
311 jours en 2003, contre 114 en 2002, ce qui a conduit à
relever de 4,4 à 15 milliards d'euros le plafond d'avances
auprès de la Caisse des dépôts.
Les
Banques américaines au secours de la sécurité
sociale !
Pour éviter la cessation de paiement, la Sécurité
Sociale n'hésite plus maintenant à faire appel au
secteur bancaire privé. C'est ainsi que l'on apprenait,
en plein mois d'août, qu'après avoir emprunté,
début juin, 3 milliards d'euros à 4 banques, dont
deux américaines (IP Morgan et City Group) , l'Agence Centrale
des organismes de Sécurité Sociale (ACOSS) s'apprêtait
à renouveler l'opération pour plus de 12 milliards
d'euros! Il s'agit cette fois-ci de couvrir les quatre derniers
mois de 2004.
D'ici à la fin de l'année, les découverts
du régime général vont atteindre certains
jours, 30 milliards d'euros!
Les
causes, docteur, les causes, s'il vous plait !
Certains pourraient accuser le poids de l'administration
:
Les dépenses administratives (coût de gestion) de
la Sécurité Sociale représentent quelque
10 milliards d'euros, soit presque autant que le déficit
! La productivité de la Sécurité sociale
est nulle. Par exemple, les effectifs permanents ont augmenté
de 4,64 % sur 2000-2002, et ce à cause des "35 heures".
Les 128 caisses primaires d'assurance-maladie, les 122 caisses
d'allocations familiales et les 104 organismes de recouvrement
des cotisations sont organisés sur une base départementale
ou infradépartementale, qui n'a pas bougé depuis
1945.
Certains pourraient retenir la générosité
française :
En matière de dépense, plus personne ne sait ou
nous en sommes.
Par exemple, pour l'Aide Médicale d'Etat (AME) qui concerne
les étrangers résidant en France, en 2000 ils étaient
73.300 bénéficiaires ; en 2003, 170.000 ! Budgétisée
à 53 millions d'euros par Mme Aubry en 2001, nous en serions
à 579 millions d'euros en 2003, plus de dix fois son coût
initial!
L'IGAS (Inspection Générale des Affaires de Sécurité
Sociale) avoue qu'un assuré standard coûte en moyenne
1.500 euros par an, un bénéficiaire de l'AME revient
à 3.200 euros par an, et celui de la CMU 2.000 euros par
an.
Evidemment, les filières d'immigration clandestine amènent
des clandestins à pathologie lourde à se faire soigner
en France. Evidemment, ce que l'on ne paye pas n'a pas de valeur,
on peut donc consommer sans modération, c'est le cas des
tiers payants.
Certains
pourraient retenir le coût du service public par rapport
au service privé :
Les coûts des soins du public sont quasi systématiquement
plus élevés que ceux du privé. Par exemple
:
– un accouchement sans complication coûte 2 343 euros
dans le public contre 2 035 dans le privé,
– une appendicectomie, 2 645 contre 1 160 euros.
Certains
avancent le vieillissement de la population, la déresponsabilisation
des Français...
La dépense moyenne est de 1 740 euros par an. Tout Français
naît avec une addition de 3 800 euros (coût des soins
médicaux liés à l'accouchement, hors congés
maternité) et meurt en laissant 14 000 euros de dettes
(coût des soins liés aux six derniers mois de la
vie).
Les sages de la rue Cambon dénoncent régulièrement
les abus comme l'admission en affections de longue durée
(+41 %), les indemnités journalières (+32 %) pour
les arrêts de travail, la consommation effrénée
de somnifères …
Certains
pourraient retenir la course à la démagogie redistributive
propre à nos politiques :
Combien d'hôpitaux locaux voulus par tel ou tel élu,
inexpliqués en terme de besoins au détriment des
soins à domicile, combien de campagnes de "santé
publique" permettant d'accéder au marché des
bulletins de votes.
Tout
ceci est vrai et se surajoute dans la spirale de la tétanisation
financière, mais n'est pas suffisant pour expliquer les
causes des échecs des précédentes réformes
entreprises.
Car à bien regarder, avec un peu de technique d'assurances
on pourrait tout à fait provisionner le risque "perte
de santé".
Et c'est exactement ce qu'ont fait certains pays industriels avec
les plans d'assurance "capital santé".
Mais pour réaliser ce genre d'opération, encore
faudrait-il sortir de la "gestion" publique et avouer
que les causes du mal sont plus profondes.
Elles sont à relier à l'argent public qui
déresponsabilise celui qui produit, celui qui consomme
et celui qui redistribue.
Votre
ordonnance Docteur s'il vous plait ?
La solution: le marché de la santé
Toute solution repose sur des principes de Droit, de vrai droit,
c'est à dire le respect du droit de propriété,
de responsabilité, et la liberté de contracter.
Ensuite d'abroger les règles de non droit, les obligations
réglementaires, tarifs autoritaires, responsabilité
collective des médecins qui ne peuvent être qu'appliqués
par la violence aveugle et arbitraire.
La sortie de cette situation nécessite que le couplage
étatique et réglementaire des marchés ne
soit plus institutionnel ni caché mais qu'il soit rendu
à l'appréciation de la personne, au libre choix.
Toute personne qui le désire doit avoir le droit de passer
des contrats avec des médecins de son choix et avec des
assureurs maladie de son choix.
Ceci suppose trois conditions:
– un marché de l'assurance santé avec mise
en concurrence de la Sécurité Sociale
– un marché des soins et biens médicaux avec
allégement des réglementations absurdes
– et enfin, que les hommes de l'état n'aient plus
la possibilité comme aujourd'hui, avec des réglementations
odieuses, d'opposer entre eux les opérateurs de l'offre
de ce marché à savoir les médecins, les pharmaciens,
les laboratoires etc. et de détourner les malades du marché.
Au lieu de l'assuré assisté et passif, nous
voici en face d'un consommateur libéré doté
d'un pouvoir de choix.
D'après ce que l'on sait, l'économie ainsi réalisée
par rapport au système actuel pourrait être du tiers
au deux tiers ou davantage selon les revenus.
Les exclus : Reste le cas de ceux qui n'ont pas de ressources;
pas d'argent pour contracter une assurance, pour payer les soins.
Ceux-ci peuvent alors compter, soit sur la logique de l'ordre
politique, soit plutôt sur l'ordre communautaire. Les associations
caritatives, confessionnelles, professionnelles, les communautés
locales et enfin la communauté familiale sont en mesure
de reprendre dans ce domaine la place qu'elles avaient naguère
quand on n'avait pas de préjugé à l'encontre
de la charité privée. La logique communautaire est
fondée sur le partage mais elle n'élimine ni la
gestion ni la capitalisation. Ainsi les Fondations dans les pays
libres font-elles plus et font-elles mieux que les administrations
voire les compagnies d'assurances.
Faire appel aux capacités d'auto-organisation et de solidarité
spontanée des individus et des communautés, c'est
aller dans le sens du progrès pour tous, c'est faire de
la misère et de la maladie non plus un problème
politique ou social mais un défi personnel et humain.
Dr
Patrice Planté
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