Pour
nous mettre bellement en bouche, quelques lignes à méditer
d'un texte archétypique tirées du site No passaran
(la référence montre qu'il s'agit sûrement
de grands intellectuels !) concernant les groupes du respect de
la vie : « Pétain a oublié ses chiens
: attention ils se reproduisent ! On connaissait "SOS-tout-petits",
de Xavier Dor, qui condamne sans appel l'I.V.G., à grands
coups de crucifix dans ta face. On les reconnaît à
leur gilet bleu-marine sur col blanc, jupe mi-mollet ou pantalon
bien repassé, médaille de baptême. Ils sont
forts en dégainage de chapelet. Moyenne d'âge : 60
ans. On voit moins "l'Alliance pour les droits de la vie",
de Christine Boutin, dont le discours s'appuie sur le traumatisme
post-I.V.G. supposé des femmes. On les reconnaît
à leur collier de perles, serre-tête en velours,
foulard Hermès et ensemble Cyrillus. Elles sont fortes
en approche des élus par voie administrative. Moyenne d'âge
: 40 ans. Etc ».
Les
lyssenkistes, qui ont inventé l'argument par les intentions,
ont rendu un fier service à la pensée unique, en
permettant à la nullité intellectuelle d'avoir voix
au chapitre.
Nous
nous souvenons de l'argument par la coupe de cheveux, devenu,
du fait de la complexité de la mode et des murs,
totalement obsolète ; voici que les néo-lyssenkistes
de No Passaran, dénonçant les « chiens
de Pétain »qui se reproduisent et, sans
doute sous couleur d'humour, ajoutent l'argument par l'habillement.
Attention ! Les pantalons bien repassés et les ensembles
Cyrillus sont mis en examen pour croyance au traumatisme post-I.V.G.
qui, comme chacun sait, n'existe pas.
Le
plus inouï est que ce style d'argumentation est servi dans
les deux sens à longueur de temps par l'ensemble de la
caste politico-médiatique et que plus personne, ou presque,
n'y voit de mal. Bravo l'esprit critique !
D'apparence
plus sérieuse, mais dans la même logique, au tableau
de chasse de traqueurs sur Internet amis, un site dénommé
Contre Tout Intégrisme, Racisme, Fascisme, qui publie
un dossier sur ce qu'il appelle "le lobby pontifical contre
le droit à l'avortement" et une étude sur l'increvable
Opus Dei.
Il
s'agit d'un texte de Thierry Meyssan, président
du Réseau Voltaire et directeur de la publication
dudit, datant de 1995. Une note liminaire de la rédaction
du site explique : « Cette étude (
)
n'est pas exhaustive. Tous les éléments présentés,
toutes les interpénétrations des uns avec les autres,
tous les noms cités, etc
, ont été réunis
pour fournir une vue d'ensemble du dispositif P(sic)ontifical
en France, sous l'angle exclusif de la lutte contre l'avortement. »
Une autre note précise un peu plus loin :« Bien
sûr, toutes les dates tournent aux alentour de 1995, mais
le contenu est toujours vrai à ce jour. »
On
dit toujours qu'il n'est pas possible de faire boire un âne
qui n'a pas soif. Nous avons, nous, à Laissez-les-vivre
SOS Futures Mères, déjà observé
qu'il est, en sens inverse, extrêmement facile de faire
ingurgiter à l'âne tout ce qui ressemble ce qu'il
s'attend à boire.
En
1995, donc, Thierry Meyssan était capable de pondre dix-sept
pages pour expliquer avec les détails les plus précis
l'organisation et la puissance d'un "lobby pontifical"
étendant de véritables tentacules de pieuvre pour
mener une croisade mondiale contre la Culture de Mort. Et d'aligner,
comme s'il s'agissait de trouvailles extraordinaires et comme
si, d'ailleurs, cela avait la moindre valeur explicative, des
dizaines de noms de cardinaux, évêques, ecclésiastiques
et laïcs divers qui, selon lui, jouent quelque rôle
dans la politique anti-avortement du pape.
Tout
cela, c'est noircir de l'écran pour rien. Le pape est contre
l'avortement ! Quelle découverte ! Le pape fait
tout ce qu'il peut pour empêcher la propagation de la politique
de mort ! Les fonctionnaires du pape, les catholiques militants
se prêtent aux opérations d'influence décidées
au Vatican ou soutenues par lui pour tenter de freiner la politique
de mort dans le monde ! Les belles nouvelles que voilà !
Que
ce soit le cardinal X, ou le cardinal Y, qui soit à la
tête de ceci ou de cela, que M. Z ou Mme Q soient le petit-fils,
la belle-sur, le camarade d'école, le partenaire
de bridge de celui-ci ou de celle-là, partagent la même
passion pour le canard laqué ou manifestent le même
rejet de Puccini, tout cela n'est qu'un pseudo "journalisme
d'investigation", imposture, poudre aux yeux et faux-semblants
à l'usage des imbéciles.
Si
nous disons : « noircir de l'écran pour rien »,
c'est par rapport à la valeur d'information, d'explication
ou de réflexion de ce genre de produit. Car c'est quand
même, en fait, pour quelque chose, quelque chose d'important,
mais qui n'a rien à voir avec ce qu'il semble être.
C'est
le jeu du « coucou, fais-moi peur ! ».
Comme
la malheureuse vraiment malheureuse Fiametta
Venner, Thierry Meyssan et les brillants intellectuels de
No pasaran ne font guère que se donner à
bon marché une réputation qu'ils ne méritent
pas, une importance qu'ils n'ont pas ; ils fabriquent d'abord
laborieusement un fantôme, qu'ils parent de tous les attributs
dont ils ont rêvé, et qu'ils dénoncent ensuite
pour faire peur à ceux qui vivent de cette peur. Là
est la cause d'un fait primordial, déjà relevé
au sujet de la malheureuse vraiment malheureuse
Fiametta Venner et dont elle vient, dans un domaine ne concernant
en rien le respect de la vie, de donner une nouvelle preuve confondante :
c'est le peu de sérieux au sujet de la matérialité
même de certaines de leurs "révélations"
qui, lorsqu'elles n'enfoncent pas des portes déjà
largement ouvertes, alignent, jusqu'au risible, les tartes à
la crème, les erreurs, les confusions, les approximations,
les archaïsmes etc. Leur fanatisme, leur refus congénital
de la réalité, les égarent complètement.
Ils glosent, imaginent, extrapolent, induisent par système,
et amalgament par habitude de staliniens mal décrottés.
Leurs fameuses "interpénétrations", dont
se gargarisent leurs gogos, ne sont, la plupart du temps, que
le résultat de cet étrange cocktail.
Lorsqu'on
les voit utiliser certaines dénominations, totalement controuvées,
on en vient à douter de leur capacité à lire
sans illères. Lorsqu'on trouve, présentées
comme le pic de l'actualité, des informations au sujet
d'associations officiellement dissoutes il y a des années,
de situations concrètes, n'ayant rigoureusement jamais
existé ou ne correspondant plus à rien depuis des
lustres, de personnes considérées comme exerçant
telle ou telle fonction dans des associations dont elles n'ont
même jamais pu faire partie à titre de membre, lorsque
l'on voit d'ahurissantes erreurs de chronologie qui détruisent
elles-mêmes ce qu'elles prétendent démontrer,
on est partagé entre la gaîté et l'affliction.
Quant
à leur obnubilation référentielle à
certaines catégories obligées, politiques, religieuses,
sociales, que souvent tout contredit, elle nous fait penser à
la conception marxiste de l'infrastructure, qui permettait naguère
à un pauvre perroquet léniniste d'expliquer les
enluminures du moyen-âge par le prix de l'heure de travail.
Et nous aurons la charité de tenir sous le boisseau tout
commentaire précis sur les généralités
prétendument philosophiques dont ils assaisonnent leurs
propos et qui désespéreraient Althusser lui-même.
Si
l'on appliquait à Meyssan et Cie les méthodes de
Meyssan et Cie, que pourrait-on tirer du fait que Meyssan a fait
ses premières armes dans les milieux cathos ? Que
ce soit le nom de l'un des plus radicalement racistes et antisémites
des écrivains français, qui patronne la liberté
d'expression selon Meyssan ? Est-il vraiment plus intéressant
de savoir que Meyssan est devenu un homosexuel militant, qu'il
est membre d'une loge parisienne du Grand Orient de France
et que son Réseau Voltaire est très lié
à la nébuleuse pornographique ?
Nous
avons les plus grands doutes sur l'intérêt de telles
supposées informations, qui ne peuvent se justifier directement
que dans le cas où telle personne, tel organisme, dissimuleraient
délibérément une part de sa propre réalité
pour tromper. Tel n'est pas le cas de Meyssan et Cie. Tel n'est
pas le cas du pape.
Dans
un débat d'idées, s'il est vrai qu'il vaut mieux
connaître l'interlocuteur, certaines choses sont tout de
même secondaires par rapport à la portée intellectuelle,
à la valeur démonstrative de ce qu'il dit. Sans
retourner le couteau dans la plaie au sujet de Voltaire, ce qui
est toujours pour nous le sujet d'une douce rigolade, rappelons,
pour mettre les pieds dans le plat de leurs phantasmes, que Maurice
Thorez était contre l'avortement ; que certaines prises
de position très fermes contre la politique de mort, contre
la déviation des murs etc. viennent de religions
auxquelles n'appartient pas le pape ; que l'on peut ne pas
avoir les moyens de se payer des foulards Hermès et préférer
les enfants vivants aux enfants morts ; et nous nous obstinons
à croire, parce que nous en avons des preuves tous les
jours, qu'il n'est pas besoin d'avoir des murs de carmélite
pour partager nos convictions fondamentales sur le respect de
la vie. Il faut faire la part des choses. Ni un présupposé
"politiquement correct", ni une qualification disqualifiante,
ni une "interconnexion" supposée ou réelle,
qui tient toute à un jugement de valeur implicite, ne sont,
en quoi que ce soit, des arguments, n'apportent quoi que ce soit
à un débat d'idées comme celui qui se trouve
au cur des problèmes de toutes natures posés
par le respect de la vie.
Non,
vraiment, si les gens capables des dits et non-dits de textes
semblables ne bénéficiaient pas de tous les vents
de la mode, n'étaient pas portés par les intrigues
de sacristie ou de boudoir des coteries en place, ne palpaient
pas l'argent des subventions publiques, soyons-en sûrs,
ils ne pèseraient rien, ils ne seraient rien.
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